Montségur 2016, un pardon historique!

Nov 10, 2016

« Si l’on convoque en ce lieu les victimes des combats, des tueries et des charniers soufferts, j’appelle devant vous mon peuple torturé! »
Arnaud de Villemur
Concile de Latran IV – 14 nov. 1215

Près de 800 ans après le drame de Montségur, qui connut l’un des plus grands bûchers de la « Croisade contre les Albigeois », l’église catholique d’Ariège présente publiquement, pour la première fois, ses regrets et demande pardon pour le massacre des chrétiens cathares d’Occitanie et d’ailleurs.

Un rappel historique

Dans un communiqué de Presse, l’évêché de Pamiers souligne que  » notre région Occitanie a été marquée au Moyen Age par le drame de la croisade contre les Albigeois et les massacres qu’elle a engendrés ainsi que par la répression impitoyable contre les fidèles de la doctrine cathare. Notre mémoire en reste blessée.[…] Comme ceux d’autres courants considérés comme hérétiques par l’institution ecclésiale, les adeptes de cette voie ont été pourchassés et condamnés à de lourdes peines allant de l’emprisonnement à la mise à mort par le feu, lors de bûchers terribles comme ici, à Montségur, où plus de deux cents « hérétiques vêtus » selon les termes de l’époque, ont été brûlés, avec leur chef l’évêque cathare de Toulouse Bertran Marty, le 16 mars 1244. La stèle du Prat dels Cramats porte aujourd’hui la mémoire souffrante de cette plaie ouverte. En cette année 2016 voulue par le pape François comme année de la Miséricorde, nous croyants catholiques qui sommes en Ariège, ne pouvons aujourd’hui que regretter ces actes et les condamner ».

Au début du 13e siècle, le christianisme des « Bons Hommes » que l’on appellera « cathares » au 19e siècle, connaîtra un réel succès dans le Comté de Toulouse, en raison en particulier de son détachement des biens matériels et de sa pratique des valeurs évangéliques, que l’Eglise de Rome semblait avoir abandonnées. Il faut dire aussi que les terres occitanes jouissaient d’une certaine liberté de pensée dont les comtes de Toulouse, les seigneurs et les consulats occitans favorisaient en général l’expression.
C’est dans ce contexte que le pape Innocent III lançait en 1209 une croisade contre Raimon VI et son comté considérés comme hérétiques, pour la première fois en terre chrétienne. Les barons de France en profiteront pour se tailler des fiefs en terre occitane à coups de massacres et de bûchers. Dès le début on fera un exemple en réduisant Béziers en un vaste charnier, pour effrayer les autres villes conquises dès lors plus facilement, comme Narbonne et Carcassonne. Celles qui résisteront verront leurs élites exterminées, comme à Lavaur en 1213, où Dame Guiraude torturée sera précipitée au fond d’un puits et les chevaliers occitans égorgés par les sbires de Simon de Montfort, tandis que sera dressé le plus grand bûcher de la croisade où périront plus de 400 cathares.

Croisades et inquisition

Deux croisades seront nécessaires pour venir à bout du Comté de Toulouse. La première, celle de l’Eglise, durera de 1209 à 1223. Son chef redoutable, Simon de Montfort, sera tué par des Toulousaines de Saint-Sernin lors du siège de Toulouse par les Français en juin 1218. Elle se soldera par la victoire des Occitans avec Raimon VII et Trencavel le jeune.
La seconde sera une véritable guerre de conquête entreprise en 1226 par le roi Louis VIII avec la bénédiction de l’Eglise. Elle s’achèvera par le traité de Paris imposé en 1229 par Blanche de Castille et son fils Louis IX dit « Saint-Louis ». Ainsi non seulement il est prévu l’annexion à terme des terres de Raimon VII, mais aussi on crée une université rue Saint-Rome dans le couvent des Dominicains, chargée de former les futurs agents de l’inquisition, pour éradiquer toute contestation du nouvel ordre établi à la fois par l’Eglise et le pouvoir capétien. Un concile se réunit à Toulouse: il inaugure après vingt ans de guerres, un siècle de répression, de terrorisme inquisitorial: « Seront considérés comme accusés d’hérésie ceux que désignera la rumeur publique ou ceux qui, sur dénonciation de gens honorables et sérieux, auront été classés comme tels, légalement, par l’évêque ».
Ainsi tout un peuple s’enfonce dans une nuit inquisitoriale impitoyable. L’inquisition est un tribunal qui a sa propre police et ses méthodes dignes de la Gestapo et du KGB dans les dictatures du 20e siècle. Dorénavant, chacun devra apprendre à se taire, pire à se méfier de ses voisins comme de ses propres amis ou de sa propre famille. La philosophe Simone Weil (1909-1943) écrit, quelques jours avant sa mort en 1943, à propos de la conquête du comté de Toulouse par la France qu’elle compare à l’occupation nazie: « On peut trouver dans l’Histoire des faits d’une atrocité aussi grande, mais non plus grande »… Ces méthodes vont briser les structures sociales et les solidarités. C’est la police inquisitoriale qui va détruire inexorablement le catharisme et l’esprit de résistance occitane.

Montségur, « tête de l’Hydre à décapiter »

Après la soumission plus ou moins feinte des seigneurs et des consulats occitans à l’Eglise et au roi, une seule place « rebelle » résiste toujours: Montségur! « La tête de l’Hydre qu’il faut décapiter », dit Blanche de Castille… Une armée de Louis IX met le siège en mai 1243 au pied du célèbre Pog pyrénéen.
A ce moment, près de cinq cents personnes vivent dans le château et dans le village construit sur les pentes: la famille du seigneur Raimon de Péreille, des écuyers, des faidits et plus de deux-cents religieux cathares. Le tout forme un ensemble bien organisé, où chacun participe à la vie et au travail de la communauté.
Le siège va durer dix mois. Début mars 1244, quand la situation est devenue intenable, Pierre-Roger de Mirepoix négocie une trêve de quinze jours. A l’aube du 16 mars, les Français prennent possession du château de Montségur et deux-cent-vingt-cinq personnes -tous « Bons Chrétiens »- périssent sur un immense bûcher au pied du Pog : « Refusant la conversion à laquelle ils étaient invités, ils furent brûlés dans un enclos fait de pals et de pieux où l’on mit le feu et passèrent dans le feu du Tartare. », écrit le chroniqueur contemporain Guilhem de Puylaurens.
Avec la fumée de Montségur, s’envolent les derniers espoirs de reconquête et d’indépendance du Comté de Toulouse.

Un événement historique

Le 16 octobre 2016, l’évêque de Pamiers doit présider une cérémonie en présence de la municipalité de Montségur et des membres de Convergencia Occitana, pour reconnaître officiellement que l’éradication des Cathares est une faute, contraire aux valeurs de l’Evangile. Et cet acte de l’Eglise ariégeoise constitue un événement historique capital. Il faut rappeler que le pape actuel choisit pour la première fois le nom de François en souvenir de l’apôtre des pauvres d’Assises, dont la mère était occitane et dont ses disciples Franciscains furent aussi persécutés par l’inquisition dominicaine après les Cathares, comme le moine de Montpellier Bernard Délicieux torturé et mort à la Pâques 1320 au « Mur » de Carcassonne.
Comme me l’écrit un ami dont l’épouse est de la famille Authié-Balat de Montségur, « la guerre faite à l’Occitanie au début du XIIIe siècle fut un « hold up » sur les terres de la dynastie raymondine et sur celles des Trencavel, elle fut un « hold up » sur une civilisation, elle fut une dépossession… »
C’est aussi ce qu’écrivait au début du 18e siècle Dom Vaissette, pourtant bénédictin, dans la monumentale Histoire du Languedoc: « Les principaux instigateurs de la guerre contre Raymond songeaient moins à s’assurer de sa catholicité qu’à le déposséder de ses domaines et à s’enrichir de ses dépouilles. »
Et à présent, qu’en pense la France jacobine? Est-elle prête, elle aussi, à faire amende honorable et à reconnaître que la conquête sanglante du comté de Toulouse, devenu aujourd’hui la région Occitanie, par les armes et le feu des bûchers fut un crime? On peut en douter…

Georges LABOUYSSE

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Michel Rocard et les jacobins

Sep 16, 2016

Après la mort de Michel Rocard… et les nombreux éloges unanimes (!) et souvent hypocrites qui lui sont faits, il est bon, semble-t-il de rappeler qu’il fut secrétaire national du PSU (de 1967 à 1974), à une époque où ce parti définissait le socialisme autogestionnaire, prônait «le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes», combattait le colonialisme intérieur comme extérieur, luttait contre le centralisme étatique et pour l’autonomie des nations sans Etat.
Rocard fut d’ailleurs l’auteur d’un rapport intitulé « Décoloniser la province » aux rencontres de Grenoble en 1967 sur « La vie régionale en France », un rapport où il fustige « une tradition politique qui, des rois aux républiques, en passant par les empereurs, gouverne à l’intérieur par ses missi dominici, ses intendants et ses préfets en étouffant les pouvoirs locaux» et où il affirme que « la renaissance du dynamisme régional suppose la disparition de la tutelle de l’Etat et du préfet »…
C’était aussi l’époque de luttes sociales exemplaires, ouvrières avec l’affaire Lip et paysannes avec l’affaire du Larzac, et c’était enfin la prise de conscience par nos populations d’une appartenance à une terre, à une langue et à une culture, ce qui se traduisait par ce slogan toujours d’actualité: «Volèm viure, trabalhar et decidir al païs»!

Héritier de Mendes-France, Michel Rocard fut sans doute le seul Premier ministre de la Ve république à bien comprendre l’Histoire des peuples et de leurs nations, à dire et à montrer la nocivité du centralisme parisien et de cette vieille formule dépassée d’une « république une et indivisible », dont on sait tous les dégâts qu’elle a pu causer dans notre Histoire, avec l’Algérie en particulier. C’est pourquoi il a su résoudre par la négociation le grave problème de la Nouvelle Calédonie entre autres, alors que d’autres étaient prêts à faire massacrer toute une population autochtone au nom de «l’un et de l’indivisible» pour que «force reste à la loi de Paris» …
C’est peut-être son éducation protestante par sa mère et ses références à l’Edit de Nantes qui l’ont conduit à pratiquer en maintes occasions une politique de tolérance, avec tout ce que ce mot comporte de respect des libertés d’autrui et de compromis pour « vivre ensemble ». On retrouvera ce trait de caractère dans son ouvrage « L’art de la paix, l’Edit de Nantes » écrit en 1997 en collaboration avec l’historienne et universitaire toulousaine Janine Garrisson, qui dit de la Révocation de cet édit par Louis XIV en 1685: « C’est une décision politique, relevant de ce que l’on appelle de nos jours le totalitarisme ». Or avec Henri de Navarre, les protestants avaient réussi à imposer une conception de la laïcité qui n’a rien à voir avec le sectarisme, dont les militants de tous bords et notamment de l’extrême droite mais aussi de l’extrême gauche voudraient la définir.

Michel Rocard restera aussi l’homme politique le plus clairvoyant sur la question corse… et ce n’est sûrement pas un hasard s’il a voulu, lui le Parisien de naissance, que ses cendres reposent sur cette terre méditerranéenne de «l’Île de Beauté».
Ironie du sort: quelques jours après la mort de Rocard, l’actuel Premier ministre, le plus jacobin peut-être que nous ayons connu, se déplaçait en Corse avec une kyrielle de ministres plus centralistes les uns que les autres pour dire aux Corses, ce qu’ils disent à tous les peuples de la république: «L’Etat c’est nous! Vous n’existez pas et il n’y a rien à négocier…».
Alors pour rafraîchir la mémoire de Manuel Valls, émigré de Catalogne, nous lui dédions l’article que Michel Rocard (son « père politique » dit-il !) a publié dans le quotidien «Le Monde» du 31 août 2000 sur la Corse, un article qui pourrait tout aussi bien convenir aux autres nations de l’Hexagone et de l’Outre-mer.
On pourra aussi écouter le « discours de Rocard sur la Corse » à la tribune de l’Assemblée Nationale, en se connectant sur « You Tube ».
Georges Labouysse

Corse : Jacobins, ne tuez pas la paix !
par Michel Rocard – député européen, ancien premier ministre
le Monde – 31 août 2000
Extraits
[…]
Je n’ai pas une goutte de sang corse mais je n’aime pas que l’on me raconte des histoires, fût-ce au nom de mon pays. Je suis, amis jacobins, aussi fier que vous, sinon davantage car, député européen, j’évalue mieux la force comme les différences par rapport à nos concitoyens d`Europe ou du monde, des principes qui ont fait la République française et qui scellent son unité. Mais les principes fondamentaux de la République française se veulent libérateurs, et non oppressifs.
Le droit à la résistance à l’oppression est même un des droits fondamentaux de l’homme et du citoyen. Car il y a eu oppression, et il en reste de fortes traces. Je suis pour l’application des principes, mais pas au prix de l’oubli total du passé.
Il y a une révolte corse. On ne peut espérer la traiter sans la comprendre.
Il faudrait tout de même se rappeler :
– que lorsque Louis XV acheta les droits de suzeraineté sur la Corse à la République de Gênes, il fallut une guerre pour prendre possession de notre nouveau domaine. La France y perdit plus d’hommes que pendant la guerre d’Algérie.
– que la Corse est restée  » gouvernement militaire  » jusque tard dans le XIXe siècle, avec tout ce que cela implique en termes de légalité républicaine.
– que, pendant la guerre de 1914-1918, on a mobilisé en Corse, ce qu’on n’a jamais osé faire sur le continent, jusqu’aux pères de six enfants.
– que, de ce fait, encore en 1919, il n’y avait pratiquement en Corse presque plus d’hommes valides pour reprendre les exploitations agricoles. Les tout jeunes n’ont pas eu le temps de recevoir la transmission des savoir-faire. C’est ainsi qu’ils sont devenus postiers et douaniers.
– que c’est donc à ce moment que la Corse devient une économie assistée, ce qu’elle n’était pas auparavant. L’apparition de la « paresse corse » dans les blagues, les chansons et le folklore datent de là. On n’en trouve pas trace avant.
– que, d’autre part, le droit successoral traditionnel corse était fort différent du code civil. C’est ainsi que les « métropolitanisés », si j’ose dire, Corses ou non-Corses, se sont injustement appropriés, bien des terres ancestrales. C’est aussi la raison principale pour laquelle beaucoup d’agriculteurs corses traditionnels n’ont pas de titres de propriété leur permettant d’obtenir du crédit.
– que, de la même façon, le code civil ne prévoit pas, et interdit même, la propriété collective. Or tout l’élevage corse, et notamment celui des porcs – la charcuterie corse est justement célèbre -, se faisait sur terres de pacage collectives.
– que la tuerie d’Aléria, les 21 et 22 août 1975, a été ressentie comme la fin de tout espoir d’une amélioration consécutive à des discussions avec le gouvernement de la République et a donné le signal du recours à la violence, parce que tous les Corses, je crois sans exception, ont très bien compris que jamais une riposte pareille à une occupation de ferme n’aurait pu avoir lieu dans l’Hexagone.
– que, d’ailleurs, treize ans auparavant, la Corse avait reçu du gouvernement français un autre signal dangereux. Suite à des incidents survenus, déjà, à la fin des années 50, le gouvernement créa la Société de mise en valeur de la Corse, Somivac. Elle avait charge de racheter des terres disponibles, en déshérence ou non, de les remembrer, d’y tracer voies et chemins, d’y amener l’irrigation dans certains cas, puis de les revendre à des paysans corses. Les quatre cents premiers lots furent prêts à la vente au tout début 1962. De Paris vint l’ordre d’en réserver 90 % pour les pieds-noirs rentrant d’Algérie. 90%, pas 15% ou même 50%! Ce pourcentage est une incitation à la guerre civile.
– que l’on fit, en 1984, une découverte étrange. Le président Giscard d’Estaing, vers 1976 ou 1977, avait pris la sage décision d’assurer à la Corse la « continuité territoriale », c’est-à-dire la prise en charge par l’Etat de tout surcoût de transport lié à son insularité. Sept ou huit ans après – est-ce stupidité, manque de courage ou concussion? -, l’administration avait assuré la continuité territoriale pour les transports de personnes et pour les transports de marchandises de l’Hexagone vers la Corse, mais pas dans le sens inverse! Les oranges corses continuaient d’arriver à Marseille avec des frais de transport plus élevés que celles qui venaient d’Israël. Pour les vins et la charcuterie, ce fut la mort économique.
– et qu’enfin la Corse, comme la Martinique et la Guadeloupe, a subi pendant bien des décennies un monopole de pavillon maritime imposé par l’Etat, avec les conséquences asphyxiantes que l’on devine.

[…] Lorsque l’Histoire a un tel visage, il faut soit beaucoup d’inconscience, soit beaucoup d’indécence pour dire seulement aux Corses :  » Assez erré maintenant. Soyez calmes et respectez les lois de la République. Vous bénéficierez alors pleinement de leur générosité. » De cette application uniforme et loyale, les Corses n’ont guère vu trace dans leur longue histoire.
[…]En l’absence d’une véritable justice foncière, c’est la violence qui est devenue l’instrument de défense des droits personnels, et la loi du silence, l’omerta, la traduction inévitable de la solidarité familiale devenue clanique. On est vite passé de la terre à l’ensemble des activités sociales. De plus, là comme ailleurs en France, l’Etat distribue des subventions, puisque chez nous, au lieu d’être pour l’essentiel utilisés sur place comme dans les Etats fédéraux, les produits de notre fiscalité remontent au centre avant d’en retomber pour attester la générosité de la République. Dans un univers culturel où la légalité et l’équité étaient aussi peu apparentes, il n’est guère surprenant que les clans se soient organisés, violence et loi du silence comprises, pour contrôler à tout prix les processus électoraux et les flux financiers qu’ils induisent.
Voilà le gâchis dont il faut maintenant sortir. […]
Comment traiter alors cette nécessité pour la Corse de prendre une part plus grande à la maîtrise de ses affaires pour les conduire en fonction de ses caractéristiques propres ? Le fait que l’on ait pu évoquer et citer dans le projet gouvernemental des « attributions législatives » a suffi à mettre le feu aux poudres. […]
Si vraiment l’on croit, comme l’affectent nos jacobins, et comme je le crois moi-même, aux vertus exclusives de l’action politique et de la démocratie pour assurer à la Corse un avenir de calme et d’expansion, alors pourquoi vouloir en exclure les Corses eux-mêmes ? Le pari qui s’esquisse consiste à penser que les Corses fiers de l’être et qui revendiquent leur identité, une fois devenus plus nettement responsables, sauront traiter des difficultés d’existence de cette identité mieux qu’il n’a été fait par le passé. Refuser ce pari, c’est refuser la démocratie dans son principe. Refuser de donner une large autonomie à l’Assemblée de Corse c’est d’abord faire le calcul surprenant que les nationalistes pourraient y être bientôt majoritaires, ce que tout dément, mais surtout afficher clairement que l’on se méfie d’eux, que l’on ne croit ni à l’apprentissage de la responsabilité ni aux vertus des réconciliations négociées.
Lionel Jospin a eu un grand courage dans cette affaire. Il serait dommage et dangereux qu’une frilosité républicaine bornée l’empêche d’établir entre la France et la Corse de nouvelles relations fondées sur la confiance réciproque. La République en sortirait à coup sûr renforcée, alors que la persistance de la crise l’affaiblit gravement.
Michel Rocard

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Tirole descend de sa tour

Sep 16, 2016

Jean Tirole publie «économie du bien commun» un premier ouvrage destiné à un large public. Dans celui-ci le « Nobel d’économie » livre sa vision de l’économie, science qui fait le pont entre la théorie et les faits et sa conception de la recherche au service du terrain et au service du bien commun. Sur près de 600 pages, nous y découvrons un panorama de thématiques qui affectent notre quotidien : économie numérique, innovation, chômage changement climatique, Europe, État, éthique, finance…
Ce livre est presque une surprise tant l’homme s’est tenu éloigné des débats publics. Ses seules publications accessibles à un non spécialiste étaient des contributions au Conseil d’Analyse Économique.
La vision d’un homme sur l’économie
Jean Tirole a étudié de nombreuses thématiques durant sa carrière avec une prédilection pour les problèmes d’asymétries d’information, les imperfections de la concurrence et l’analyse de la règlementation publique. Cet ensemble de travaux constitue la clef de voute de l’ouvrage. L’auteur développe une démarche pédagogique plaisante. Il gagne a être lu et concerne aussi bien les étudiants de licence d’économie ou gestion que le grand public On y découvre à chaque chapitre, de nombreuses références bibliographiques classiques ou récentes et toujours bien choisies. C’est un aspect très plaisant du livre pour qui veut avoir un panorama de l’état de l’art. Dans chaque chapitre, l’exposé a pour but de montrer comment de ces travaux, des politiques publiques avisées peuvent être initiées ou améliorées. Aux yeux des économistes, le marché est un puissant mécanisme d’allocation des ressources. Cependant, bénéficier de ses vertus requiert souvent de s’écarter du laisser-faire. De fait, les économistes ont consacré beaucoup de recherches à l’identification de ses défaillances et à leur correction par la politique publique qui doit aussi être évaluée. Ce texte du fondateur de la Toulouse School of Economics permet aussi de comprendre ce que fait un économiste et à quoi il sert. Cette partie est agréable car très vivante et permet de découvrir la vision personnelle de l’auteur sur des faits connus et la façon dont il les traite et il se les approprie. Il serait injuste de ne pas souligner l’effort d’ouverture à des théories alternatives. Il montre d’abord comment souvent nous croyons ce que nous voulons croire et nous voyons ce que nous voulons voir. Il ne s’exempte pas du reproche. C’est appréciable car il assume aussi sa vision libérale mainstream. Bien sûr, il pense que l’analyse économique se construit autour d’un ensemble d’idées « orthodoxes », dont la validité repose sur sa capacité à intégrer des travaux novateurs qui soient en mesure de répondre à des interrogations encore mal comprises par la discipline. À titre d’exemple, il écrit clairement dans la première partie de son ouvrage que l’analyse économique s’est déjà ouverte à d’autres disciplines, telles que la psychologie, la science politique ou la sociologie et qu’elle devra continuer à le faire. Il me semble difficile de faire d’Économie du bien commun un ouvrage de propagande truffé d’arguments d’autorité à la gloire du marché. Tirole passe son temps à soulever les insuffisances du marché. Certes, ses solutions, ses convictions de chercheur, le poussent à ne pas considérer que si le marché est un système souvent faillible, l’État est forcément une alternative parfaite… Cependant il insiste sur la nécessité d’un État fort et structuré qui soit capable de répondre aux défaillances des marchés. Cela va à l’encontre de l’image habituelle que l’on a de l’auteur. On y découvre un auteur très sensible aux questions environnementales et aux autorités indépendantes contre poids aux dérives du marché et des institutions politiques. Pour lui l’économie est une science qui n’est ni lugubre ni exacte, mais résolument humaine qui se nourrit de formalisation mathématique et de sciences humaines. Il considère que l’économie a vocation à faire des diagnostics et des préconisations qui doivent nourrir le débat public. Le marché a ses défaillances, l’Etat aussi.
Les limites morales du marché.
Ce développement qui avait été présenté à l’institut de France sous la forme d’une conférence, est l’occasion de reprendre un des débats important qui secoue la science économique. Sa présentation des critiques adressées à l’économie et sa défense peut être discutée mais elle permet de comprendre que l’économie n’est pas imperméable aux préoccupations éthiques. Il est peut être regrettable que la question des inégalités ne soient traitée que dans cette partie et ne fasse pas l’objet d’un développement plus important. L’aspect éthique est repris plus loin pour montrer comment l’économie est en mouvement et Jean Tirole montre que l’économie peut favoriser les comportements prosociaux. On peut cependant reprocher à cette partie de ne pas faire assez de place aux théories de Sandel ou d’autres auteurs qui insistent sur la nécessité de penser l’économie comme une science morale. Les développements sur l’homo socialis (homme social) et la confiance, sur les incitations (homo incitatus) sur la nécessité des normes juridiques (homo juridicus) et sur l’économie évolutionniste (homo darwinus) mérite l’attention. Il développe les notions de motivations extrinsèques qui sont les mieux connues l’analyse économique traditionnelle – les rémunérations ou autres formes de récompenses qui incitent un agent à effectuer une action qui a un coût mais aussi les motivations intrinsèques qui relèvent d’un comportement altruiste lié aux valeurs, à la culture de l’agent économique. Enfin, nos actions sont aussi guidées par une troisième catégorie de motivation qui est celle de l’image de soi que l’on veut renvoyer ou simplement avoir de soi-même. C’est ce que Tirole appelle la motivation réputationnelle. On sait, en effet, que nos comportements sont influencés par le fait que l’on est observé ou non. Il rend hommage aux travaux novateurs de Kahneman. Cependant là aussi on peut déplorer l’absence de références à l’économie écologique (ou physique) qui insiste sur la nécessité de prendre en compte les ressources limitées de la planète. Ces limites, notamment le pétrole, les minéraux et les terres rares, auront un impact important dans les années à venir.

Critique finale.
Sur la notion de bien commun, on peut regretter qu’il se range sur la vision de Harding qui fait sur marché la meilleur solution et qu’il n’étudie pas assez les arrangements institutionnels développés par E. Ostrom qui montrent que les motivations réputationnelles et intrinsèques sont un puissant levier pour créer du commun. Ostrom indique que les hommes ont su créer des institutions capables de gérer des ressources rares sans passer par le marché. Il n’insiste sur l’éthique que pour montrer que la science économique essaie de l’intégrer mais il élude une partie des recherches très novatrices sur la nécessité de résoudre les dilemmes moraux. Cependant la richesse des thèmes traités permettra aux non-spécialistes de mettre à jour leur connaissance et de voir que l’économie n’est plus structurée uniquement autour des libéraux des keynésiens et des marxistes comme on le présente trop souvent dans les manuels d’économie. Elle est bien plus riche, modeste et complexe que ce que l’on présente habituellement.
L. Steffan

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L’androna islamica

Sep 16, 2016

Aprep la seguida d’atemptats mai òrres los uns que los autres que venem de coneisser, los musulmans que vivon en Euròpa son dins lo « colimator » d’una opinion publica exasperada. Lo monde pòt pas mai endurar aquelas atacas, vòl sulpic de colpables, e un castigament. Sem pr’aquò nombroses a refusar una guerra de religion novela. Volem mantener una laicitat vertadièra ont cadun es liure de sa consiença. Aquel punt de vista es pas inocent, clarament l’islamisme es un adversari que nos cal combatre. Per i arribar fa besonh de comprener melhor coma foncciona sens tombar dins los prejujats.
Es per aquesta rason que lo libre « L’androna islamica » del filosòfe Hamid Zanaz es d’un grand intérès. L’autor es nascut en Argèria, ont ensenhèt fins a 1989 la filosofia a la facultat d’Argièr. Condemnat pels islamistas, quitèt l’ensenhament per trabalhar dins la premsa independenta. Puèi en 1993 se deguèt refugiar en Euròpa. Cal dire las causas coma son : lo libre es un requisitòri contra l’ideologia islamica. La critica i es sens insulta, mas implacabla. Nos permet de descobrir lo punt de vista d’un argerian sus la pujada de l’islamisme, e d’evitar aital tota subjectivitat occidentala.
Lo primier punt que desvolòpa l’autor es que l’islamisme es un projecte politic. Los islamistas se servisson de la religion per conquistar lo poder. Lor tòca es d’impausar la « charià» pertot ont serà possible. Aquò significa la transformacion dels versets coranics en règlas juridicas, e la presa de poder pels religioses. E l’autor de dreissar la tièra dels paises ont l’islamisme es al poder : Arabia Saoudita, Paquistan, Iemen, Mauritania, Oman, Katar, Iran, eca… Rares son los estats arabo-musulmans qu’an saput resistir a l’islamisme e impausar un cert nombre de règlas laicas : la Tunisia (Borguibà) e la Turquia (mercés a l’armada).
La manca d’educacion ten tanben una plaça importanta dins la pujada de l’islamisme. L’autor mençona per exemple lo cas de Constantina en Argèria : de 1962 a 1986 bastiguèron un pauc mai d’un centenat de mosquèas, mas pas cap de liceu ! En 2013 lo president argerian anoncièt lo projecte de bastison de la tresena pus vasta mosquèa de la planeta per 3 milliards de dòlards, mentre que mai de 5 millions d’argerians son sens teulada ! Las escòlas coranicas son estadas implatadas pertot (12 000 al Paquistan), e s’i ensenha lo coran sonque lo coran. Lo sens critic, las scienças, la literatura, las arts son bannidas. Encloscatge, ni mai, ni mens. Se cal pas estonar s’aqueles paises an de difficultats per se desvolopar !
Una partida del libre s’interessa justament a la decadéncia dels paises arabo-musulmans. Pels islamistas aquel aflaquiment ten de doas causas : la colonisacion d’una part, e d’autra part la manca de practica religiosa ! L’autor Hamid Zanaz, demonta pro aisidament aqueles arguments. Per el la colonisacion es pas la causa de la decadéncia, mas una consequencia : los paises del magreb an pas quitat de s’aflaquir dempuèi la fin de l’edat mejana, e es aquela flaquesa que rendèt possible l’invasion europenca. Quand al segon argument, la « ficela es gròssa » ! Se vei plan la manigança dels islamistas que volon culpabilisar la populacion en invocant una colèra divina e una espròva impausada per Dieu. Per Zanaz, es exactament lo contrari, puèi qu’afirma qu’es l’exès de religion qu’impachèt l’orient de dintrar a de bon dins la modernitat.
« L’androna islamica » ven de pareisser en occitan, cò de las edicions dels regionalismes, mercés a una revirada del francés de Sergí Viaule. Es de regretar una manca de relectura del texte qu’es claufit de cauquilhas. Empacha pas que tenem aicí un libre d’un grand interés, prefaciat per Michel Onfray.
Uc Jourde

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Présidentielle 2017 : faut-il en être?

Sep 12, 2016

La présence d’un candidat du courant « régionaliste » à l’élection présidentielle en France en 2017 peut susciter un certains nombre d’interrogations dans le milieu occitaniste. Voici quelques éléments de réflexion qui pèsent en faveur d’une candidature, par Gustave Alirol.

1. Tout le monde sait que l’élection présidentielle représente, quoiqu’on pense du système présidentiel qui s’applique depuis plus de 50 ans, LE moment central de la vie politique en France, celui qui commande en très grande partie le fonctionnement du système. Pour un courant politique quelconque ne pas être présent c’est ne pas exister. Être présent c’est s’assurer une audience médiatique minimale en même temps qu’une reconnaissance politique majeure. Même si nous savons que tout ne se jouera pas pour nous sur cette seule échéance, cela permet à tout le moins d’intervenir dans le débat pour y présenter notre approche spécifique des problèmes politiques d’aujourd’hui ; et sur ce terrain nous avons des choses aussi importantes à dire que la plupart des autres courants, en tout cas des perspectives à tracer que personne ne peut tracer à notre place. D’où notre souci d’autonomie politique que jusqu’ici nous avions mis quelque peu entre parenthèses à ce type d’élection avec les conséquences que l’on sait. Sans que, d’ailleurs, la reconquête de l’autonomie du courant fédéraliste interdise en quoi que ce soit des alliances renouvelées à d’autres échéances. Mais ces alliances ne seront possibles, sérieuses et profitables (rappelons-nous les européennes de 1989) que si d’abord nous existons et sommes reconnus dans le champ politique.

2. Nous sommes entrés dans un contexte de complet renouvellement de « l’offre politique ». Cette période de recomposition, nous ne pouvons pas l’ignorer. Elle peut nous être plus que bénéfique si nous savons l’utiliser en étant présents. Est en jeu ici notre conviction quant à l’importance de notre message. Et le constat qu’aucune autre formation, aucun autre courant n’est à même de porter ce message à notre place. Tout le démontre : les dernières réformes territoriales, le refus quasiment définitif de la ratification de la Charte européenne des langues régionales sont autant d’éléments d’une régression manifeste par rapport à nos revendications. Il y va de l’avenir de nos territoires, de leurs cultures mais encore d’autres questions tout aussi essentielles, comme celle de l’avenir de la construction européenne aujourd’hui bien mal en point.

3. Le message qui est le nôtre, même s’il met l’accent sur le renouvellement nécessaire de la démocratie politique, ne nous conduit en aucune manière à laisser de côté les questions sociales et économiques, bien au contraire. Les autres courants politiques ont une vision centralisée, donc globalisée et très éloignée des réalités régionales, avec seul objectif les « comptes de la nation » et la « grandeur de la France ». La prise en compte que nous voulons de la diversité territoriale rejoint au contraire les questions économiques et sociales en les abordant au plus prés des besoins de nos populations, ce qui vaut d’ailleurs pour tous les territoires. Il est important pour nous de faire passer le message : les inégalités territoriales et les inégalités sociales se rejoignent (cf. la carte INSEE de la pauvreté en France). Le centralisme républicain, pas plus que la liberté absolue, n’est en rien un gage réel d’égalité. Seule une démocratie véritable prenant en compte les territoires peut garantir une approche de l’égalité.

4. Il en va de même des questions écologiques et environnementales, dont l’importance n’est plus à démontrer et pour la planète et pour les territoires : le « global » et le « local » sont ici complémentaires. Pour nous, il ne faut surtout pas oublier l’aspect territorial : c’est dans les territoires que doivent être mises en œuvre les politiques environnementales aptes à répondre à l’avenir de la planète. C’est aussi par cette approche-là que les problèmes écologiques planétaires peuvent le plus facilement être pris en considération par les populations. Et c’est encore la complémentarité des mécanismes d’une démocratie multi-niveaux qui peut assurer un avenir durable.

5. Par ailleurs, les questions sociétales majeures d’aujourd’hui vont entrer de plain-pied dans le débat électoral, en particulier celles liées aux phénomènes migratoires et à leurs conséquences éventuelles sur nos modes de vie. La problématique soulevée, celle de la diversité sociétale et du multiculturalisme, est souvent confondue avec celle de la diversité territoriale, alors qu’elle est fondamentalement différente. Il s’agit bien là d’un débat auquel nous ne pouvons pas ne pas participer, si nous voulons que soit levée l’équivoque utilisée contre nos aspirations : défendre efficacement les identités culturelles des territoires et, au delà, prendre en compte leurs particularités en tous domaines n’est rien d’autre qu’une exigence d’égalité démocratique et cela suppose précisément de refuser l’amalgame, sans aucun repli communautariste hors de propos à ce sujet.

6. Parmi ces considérations politiques générales, celle du risque de voir l’extrême droite accéder au pouvoir fait partie des inquiétudes majeures du point de vue de la démocratie, pour nous comme pour d’autres; d’autant plus pour nous que la difficulté à faire entendre notre message serait encore accentuée avec le retour en arrière passéiste, centraliste et antieuropéiste que cette perspective laisse entrevoir. Cependant nous refusons catégoriquement toute responsabilité dans la situation présente, et donc toute injonction à cet égard. La responsabilité de la montée du populisme ne peut qu’être imputée aux formations politiques en place depuis longtemps, dans l’incapacité qu’elles sont de répondre aux problèmes de l’époque tout en prétendant être les seules en mesure de le faire. Cette incapacité les a conduites à divers subterfuges, tels le rejet de la proportionnelle – ou à l’inverse son instillation à dose minimale à des fins politiciennes – comme elle les a amenées in fine à reprendre en sourdine le fond du discours souverainiste anti-européen et à revivifier le centralisme consubstantiel à ce souverainisme. Ce sont tous les territoires et leurs populations qui vont en souffrir, ce qui ne fera qu’alimenter encore davantage le vote populiste. Même si nous savons que cela sera difficile dans le concert médiatique organisé sur ce sujet, il faudrait accepter, dès le premier tour, de laisser carte blanche à ces formations largement responsables de la montée des populismes ? A ceux qui à gauche craignent l’absence de ce courant au second tour s’il ne présente pas un candidat unique au premier tour, nous posons la question : qu’est donc cette stratégie, sinon une énième manœuvre électorale pour empêcher l’extrême droite d’arriver ? Peut-on se contenter d’un tel stratagème et le répéter à chaque échéance au risque d’un échec complet, sans que soit présentée au moins l’esquisse d’une réponse de fond commune face aux défis de l’époque ?

Les résultats obtenus aux récentes consultations électorales par les composantes de la Fédération Régions & Peuples Solidaires dans certains territoires laissent entrevoir des possibilités qui n’existaient pas il y a quelques années. Tant et si bien que l’objectif, cette fois, n’est pas inatteignable.
Nous devons bien évidemment envisager l’éventualité de la non-obtention du nombre de parrainages requis. Mais cette éventualité n’invalide en rien la démarche. La période de pré-campagne doit être mise à profit pour travailler de manière militante à nos propositions et à leur popularisation. Ce travail ne peut en tout état de cause que nous être bénéfique ; ne serait-ce que dans l’optique des législatives de juin 2017 où nous devrons être présents.

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Universitat de dintrada de l’occitanisme

Sep 5, 2016

« La dintrada » es lo nom de l’universitat politica organisada per l’ADEO en partenariat ambe l’ALE. Se debanarà los 24 e 25 de setembre 2016 a Pòrt Leucata.

Debats, testimònis, co-construccions, escambis, analisis, reflexions, talhiers vos son prepausats dins un ambient convivial e dins un cadre agradiu sus la riba mediteranenca!
Programme de l’edicion 2016 :
Dissabte 24 : 9h30 « L’extrème droite est elle une fatalité occitane? » – 11h « Ecologie et décentralisation, un pacte gagnant? »
14h « Pouvons nous changer l’Europe avec des régions autonomes? » – 16h « Réinventer la démocratie territoriale ».
Dimenge 25 : 9h « Atelier réseaux sociaux » – « Présidentielle : s’organiser » – 11h « Politique linguistique et culturelle interrégionale ».
Per mai d’entresenhas, e per s’inscriure, clicar aicí : Inscripcion

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N° 204 – Occitanie ou Sud de France (SDF) ?

Juin 14, 2016

Les nouvelles régions, issues des fusions imposées par l’Etat plus centralisé que jamais, se mettent en place. Mais quel nom leur donner? Pour plaire au Prince, certaines ont déjà renoncé à leur identité et deviennent des Haut(istes) de France, tandis que d’autres voguent vers un « Grand Est » tout aussi vague, qui pourrait s’étendre jusqu’à la Sibérie avec sa capitale européenne Strasbourg! Ainsi se réaliserait la prophétie du conventionnel jacobin Chaumette le 15 décembre 1792: « Le terrain qui sépare Paris de Moscou sera bientôt francisé, municipalisé, jacobinisé… », ce que Napoléon voulut réaliser, mais le retour par la Bérésina ne fut pas concluant!
Et en Occitanie? Les PACA(iens) conserveront-ils leur sigle de « farlabique », tandis que l’Aquitaine se retrouverait toujours APOIL (Aquitaine-POItou-Limousin)? Quant à la région Languedoc-Midi Pyrénées, les Jacobins de tout poil oseront-ils la transformer en SDF (Sud de France), alors que tous les sondages placent le vocable « Occitanie » en tête?
Occitanie! le nom qui fâche… même chez certains occitanistes. Il est vrai que l’espace occitan s’étend sur plus de trente départements, sur le Val d’Aran et sur des vallées alpines d’Italie. Mais justement c’est l’occasion de l’inscrire sur une carte du monde, même si l’on doit y accoler un qualificatif historique ou géographique: Occitanie provençale, Occitanie gasconne, ou simplement « Occitanie » pour l’ancien Languedoc historique, dont le sigle OC contient à la fois les initiales de l’Occitanie et de la Catalogne…
Enfin pour répondre aux « négationnistes » qui attribuent l’invention du mot Occitanie à quelques universitaires du 20e siècle, voici son histoire.

Appellations successives

L’espace occitan s’étend entre deux mers (Atlantique et Méditerranée) et trois montagnes (Alpes, Pyrénées et Massif auvergnat). Il est au carrefour des grands axes de communication entre l’Europe et l’Afrique: arc atlantique, arc latino-méditerranéen et arc Rhône-Rhin. Depuis un millénaire d’existence, il connut plusieurs appellations successives suivant les époques et les événements politiques.
– Ainsi jusqu’au XIe siècle, on appellera « Aquitaine » l’ensemble des régions suivantes: Provence, Languedoc, Gascogne, Dauphiné et les anciennes Aquitaines romaines.
– Du XIe au XIIIe siècles, l’ensemble des pays de langue d’Oc (appelée aussi langue provençale) au sud de la Loire seront désignés par le terme de « Provence » ou « Provincia ».
– « Occitania » à partir du XIIIe siècle: ce terme créé en latin par l’administration capétienne rassemble tous les pays de langue occitane. Mais après l’annexion de tous les territoires occitans par la France, le terme Occitania sera réservé à la seule province du Languedoc, qui comprend la majorité des pays de la nouvelle région s’étendant aujourd’hui… de l’Adour au Rhône!
– Après l’édit de Villers-Cotterêts par François 1er, « on appelle du nom général de Gascogne et de Gascons, les pays et les peuples situés à la gauche de la Loire où on parle encore l’ancien provençal » (Dom Vaissette)…

Ancienneté du terme « Occitanie » ou « Occitania »: quelques dates.

1246: « Des marchands de Montpellier et de la Langue d’Oc (= terme générique désignant les territoires de langue occitane) participent aux foires de Champagne et de Brie »
« Le pays de Languedoc comprenait alors tous les peuples qui parloient la langue provençale, c’est-à-dire les provinces méridionales du royaume » (Dom Vaissette)

1291: « Joanne Christiani, capitanéo Montipessali et mercatorum Provincialum de lingua que vulgariter appelatur lingua d’Oc »

29 mai 1308: consistoire de Poitiers d’où il ressort que le roi de France règne sur deux nations différentes : la lingua gallica et la lingua occitana.

1318: « La Langue d’Oc ne peut se gouverner par la monnaie de Paris » (Dom Vaissette)

A partir de 1346, le roi Philippe VI convoque des assemblées de Languedoc à Toulouse. On parlera alors de la « Republica lingue Occitana » en avril 1357 et on relèvera en 1439 les expressions: « Status linguae Occitanae » ou « Statibus patrie Lingue Auxitane ».

1381: Le roi Charles VI considère que son royaume comprend deux parties : les pays de langue d’Oc ou Occitanie et les pays de langue d’oil ou Ouytanie !…(… quas in nostro Regno occupare solebat tam in linguae Occitanae quam Ouytanae…)

En 1634, Richelieu convoque un « Conventus Occitaniae »: des « jetons de présence » porteront cette appellation, la date, et aussi la croix occitane. Cette croix de Saint-Gilles, emblème de l’ancien Comté de Toulouse, sera dès lors celui des États du Languedoc et des Conventions de 1634 à 1792.

Sur l’esplanade du Peyrou à Montpellier, une plaque apposée sur la statue équestre de Louis XIV commémore la tenue d’une « Comitia occitaniae » en 1701 en présence du roi. On retrouve cette même appellation avec la croix occitane sur une face des jetons, tandis que le portrait de Louis XIV figure sur l’autre face. Ainsi les « Etats du Languedoc » sont appelés « Comice d’Occitanie », les termes de « Languedoc » et « Occitanie » étant synonymes.

Quel avenir pour l’Occitanie?

La nationalité occitane n’a pas accédé au rang d’Etat souverain tel qu’on l’entend aujourd’hui, mais dans notre histoire, les territoires du sud de la Loire ont connu à plusieurs périodes une existence autonome ou même indépendante: Novempopulanie romaine, royaume wisigoth, royaumes d’Aquitaine (Toulouse et Bordeaux), duchés de Guilhem IX et d’Aliénor, royaume de Navarre, royaume d’Arles… Du Xe au XXe siècles, les Occitans ont maintes fois réagi pour maintenir ou recouvrer leur autonomie voire leur indépendance menacée ou perdue. Et aujourd’hui encore la République « une et indivisible », embourbée dans une idéologie d’un autre âge, ne peut tolérer l’existence de Français de langues et de cultures différentes, ni d’une organisation territoriale cohérente tenant compte des réalités historiques, mais aussi géographiques, socioculturelles, économiques, environnementales… et fiscales. « Il y a une légende sur le Midi » disait Jaurès en 1907. Alors une fédéralisation de la république est plus que jamais vitale.

Georges LABOUYSSE

Extrait de l’« Histoire Générale de Languedoc » par Dom Devic et Dom Vaissette (1730) –
Tome 6 – P. 935 et suivantes (rééditée en 2004)

« Les trois sénéchaussées dont on vient de parler au chapitre ci-dessus, après que celle de Toulouse eut été réunie à la couronne, en 1271, firent partie de ce qu’on appela depuis La langue d’Oc, qui comprenait les provinces méridionales de France […]
On partageoit donc alors le royaume, comme dans les deux siècles précédents, en deux parties, France & Provence, à cause des deux différents idiomes dont se servoient les peuples qui les habitoient, idiomes si différens l’un de l’autre que les peuples de Provence & de Languedoc regardoient encore, vers la fin du quatorzième siècle, la langue françoise comme un langage qui leur étoit étranger & absolument inconnu. […]
La langue provençale qu’on parloit alors dans la Province est à peu près la même qu’on y parle encore aujourd’hui. On l’appeloit provençale parce qu’elle étoit commune à tous les peuples de la Provence prise en général, c’est-à-dire à près de la moitié du royaume ; on la parloit aussi, au treizième siècle & au commencement du suivant, dans le Roussillon, la Catalogne, l’Aragon & le royaume de Valence […]. »

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N° 204 – Panama papers

Juin 14, 2016

Des milliers de documents récupérés chez le cabinet, Mossack Fonseca, cabinet d’avocats panaméen, ensuite exploités par de nombreuses rédactions du monde entier ont permis de mettre au jour un vaste système d’évasion fiscale. Ils montrent la colossale ampleur de l’évasion fiscale. Cette dernière révélation servira à se questionner sur le rôle de la finance et des impôts.
Celle-ci pose un double problème. D’une part, elle obère les capacités d’action de l’état puisque la perte de recette fiscale en France est estimée à près de 7 % du PIB (environ 140 milliards), selon le Tax justice network. Le syndicat Finance Solidaire estime que la fraude ampute de 20 % les rentrées estimées. D’autre part cela pose le problème du consentement à l’impôt et la compréhension de l’action de l’Etat par les citoyens.

Comprendre les chiffres
Ces ordres de grandeur ne parle pas à la plupart des gens. Le PIB de la France est évalué à environ 2 100 milliards d’euros. Résorber la fraude fiscale (140 milliards) permettrait de ne plus avoir de déficit public (70 milliards), de boucher le trou de la sécurité sociale (10 milliards) , de régler les problèmes d’assurance chômage (25 milliards) et il resterait encore de l’argent pour investir dans l’éducation ou la transition énergétique.
La remise en cause du consentement à l’impôt est inquiétante pour la démocratie
Un sondage (IPSOS /Le Monde) montre que près de la moitié des Français refusent l’idée que « l’impôt est un acte citoyen ». Or le consentement à l’impôt est à la base de la vie démocratique. Nous avions assisté à une forme de fronde fiscale avec les bonnets rouges bretons. Ce consentement à l’impôt est d’autant plus difficile à obtenir qu’il existe de nombreuses niches fiscales en France (près de 500 ) et cela renforce l’idée qu’on fait plus d’effort que son voisin. Cela d’autant plus que l’action de l’État est de plus en plus difficile à décrypter car ses interventions s’étendent. Rosanvallon préconisait déjà il y a 10 ans « une société solidaire ». Il considère qu’il faut mieux dÉtat et réencastrer la solidarité dans la société. Le scénario social-étatiste avec plus d’Etat correspond à une fuite en avant. De nouvelles augmentations des Prélèvements obligatoires conduiraient à un blocage social et au développement d’effets pervers avec l’amplification d’une économie souterraine, le développement du travail au noir et l’accélération de la segmentation du marché du travail. Le scénario libéral est associologique voire égoïste car les individus en concurrence fragmentent la société. Elle est de plus en plus segmentée en de nombreuses catégories sociales. Dans ces conditions chacun cherche à se placer sur le segment le plus favorable et cela annihile le collectif pourtant nécessaire.
Ne pas se tromper de cible
Le discours sur la fraude a souvent tendance à se focaliser sur les fraudes aux prestations sociales. Il ne faut pas être dupe. Cela arrange bien des gens. La fraude aux prestations sociales est estimée à 4 milliards (hypothèse haute) elle est 25 fois moins importante que la fraude fiscale (100 milliards) et 8 fois moins que la fraude aux cotisations sociales (30 milliards).

Comprendre le Tax rulings et les mécanismes (légaux) de l’évasion fiscale
Dans le jargon financier, les petites combines dont bénéficient ces grands groupes pour payer moins d’impôts s’appellent le tax rulings (ou « rescrits fiscaux », en bon luxembourgeois). Il s’agit d’accord avec des gouvernements pour payer un forfait fiscal qui exerce un dangereux dumping fiscal et une concurrence entre les Etats. Tous les pays proposent ces « rescrits », y compris la France. Mais certains territoires sont jugés plus attractifs que d’autres.
Les sociétés offshore sont des sociétés extraterritoriales. Il s’agit donc simplement d’une société créée dans un pays où le bénéficiaire n’est pas résident. Elle possède toutes les caractéristiques d’une société classique. Elle est, par exemple, immatriculée mais dirigée depuis un autre pays que celui où elle se trouve. Une société offshore n’est pas illicite. En être bénéficiaire ne l’est pas non plus. N’importe qui peut créer une société dans un pays où il n’est pas résident fiscal, et ce dans tous les pays du monde. Si c’est le cas, alors le bénéficiaire doit déclarer à la fois à son pays de résidence et au pays dans laquelle est établie la société les profits tirés des activités cette dernière. C’est ici que les choses se compliquent. Ces sociétés sont utilisées, dans la grande partie des cas, à des fins frauduleuses. En effet, ces sociétés sont créées dans des États à la fiscalité faible, voire nulle, et où le système juridique est opaque, peu favorable à une coopération internationale. Par exemple, la Suisse est de moins en moins choisie pour ce type d’évasion à cause du recul du secret bancaire. Ces pays sont des paradis fiscaux, idéaux pour les évasions fiscales. Les sociétés offshore fournissent également le kit de l’opacité parfait pour le client : les liens entre la société et lui sont effacés, au grand dam du fisc, qui peine à suivre la trace de ces évadés fiscaux, et à lutter contre le blanchiment d’argent, la fraude fiscale et la corruption.
Les systèmes de prêts internes. Une holding établie au Luxembourg prête de l’argent à une autre filiale du groupe située dans un pays étranger, un peu comme s’il existait une banque à l’intérieur même du groupe. Celle-ci se débrouille pour que ces intérêts à payer lors du remboursement soient importants, afin de vider les caisses de la filiale à l’étranger. Ces intérêts sont facturés et déduits du résultat de la filiale. Ils sont alors transférés vers le Luxembourg, sans passer par la case « déclaration au fisc ». Bye bye les 33% d’imposition sur les sociétés en France.
Le paiement de royalties. Cette holding peut aussi jouer sur la puissance de la marque et des brevets. La multinationale ouvre au Luxembourg une entité consacrée à la gestion de la propriété intellectuelle. Les autres filiales, ainsi que la maison-mère, lui payent des royalties pour l’utilisation de la marque et des brevets, ce qui permet de diminuer leur bénéfice fiscal. La surfacturation est parfois de mise. « La holding peut jouer sur un tas d’éléments immatériels qu’il est difficile d’évaluer précisément, analyse pour francetv info Frédéric Douet, professeur à l’université de Bourgogne. Il faut cependant que cela reste plausible, la surfacturation ne peut pas être de 200%. » Au final, 80% des royalties sur cette propriété intellectuelle échappent aux impôts, selon l’ICIJ (en anglais).

Responsabilité des paradis fiscaux dans l’instabilité financière
Les paradis fiscaux et judiciaires facilitent une circulation rapide des capitaux, sans aucun contrôle. Ils encouragent la fraude fiscale comme dans l’affaire des Panama Papers. Ils favorisent aussi la spéculation, notamment sur les taux de change et la fuite des capitaux des économies émergentes, des phénomènes qui ont grandement contribué à la survenance de crises financières. Les marchés financiers sont le lieu de rencontre entre les émetteurs et les investisseurs, pour financer l’économie réelle et son développement. Ces marchés sont donc indispensables au fonctionnement d’une économie moderne, en lui permettant notamment de partager les risques de manière théoriquement optimale. Dans ce monde idéal, la finance est au service de l’économie. Mais cette situation peut s’inverser, avec une finance passant au service d’elle-même, voire asservissant l’économie. Les marchés financiers deviennent alors une machine très dangereuse, dont les dysfonctionnements entrainent rapidement un phénomène d’instabilité financière, des établissements financiers ne pouvant plus faire face à leurs engagements. Lorsque ce phénomène prend de l’ampleur (on parle alors de risque systémique), il peut se propager à de très larges pans de l’économie réelle. La situation devient alors dramatique pour la population, qui peut perdre ses emplois, ses retraites, etc. La situation n’est guère meilleure si les Etats volent au secours de leurs institutions financières au bord de la faillite : les montants colossaux apportés se retrouvent ensuite dans la dette des Etats, qui est finalement réglée par les contribuables, souvent au prix d’une crise économique. Une forte financiarisation de l’économie peut être source de dysfonctionnements car elle peut inciter les entreprises au placement financier plutôt qu’à l’investissement. Cela favorise les raids financiers plutôt que les restructurations industrielles. Le développement de la bulle financière peut engendrer des déséquilibres financiers qui ont des répercussions sur l’économie réelle. Ainsi, un krach boursier déséquilibre l’économie réelle en diminuant la valeur des actifs financiers et en raréfiant la monnaie. Il est donc nécessaire d’envisager des régulations et une taxe comme la Taxe Tobin pourrait décourager cette économie casino.
Protéger les lanceurs d’alerte et intensifier la lutte citoyenne
Le procès Antoine Deltour, le lanceur d’alerte de l’affaire Luxleaks est emblématique. Il risque une peine jusqu’à 10 ans de prison. Malgré les Panama Papers, malgré les Swissleaks et malgrès les Luxleaks qui mettent en cause Junker, le parlement Européen a adopté la directive sur le secret des affaires, qui exposera à des procès les journalistes travaillant sur les affaires économiques. Il est urgent que les opinions publiques se mobilisent. Dans le cadre du Projet de Loi de Finances Rectificatif 2015, les députés français ont lâchement abandonné un amendement qui prévoyait que les entreprises multinationales rendent publiques chaque année leur chiffre d’affaires, leurs bénéfices, le nombre de leurs filiales et de leurs employés ainsi que le montant des impôts payés et ce, dans chacun des pays étrangers dans lesquels elles sont implantées. Cette transparence permettrait de pouvoir débusquer plus facilement l’évasion fiscale des entreprises. Ce fut une occasion manquée. Pourtant La crise de 2008 a constitué une cassure et depuis lors, nous assistons à un emballement de la visibilité de la fraude fiscale dans le débat public. Le grand détonateur, ce fut en 2009 quand Hervé Falciani, ex-informaticien de la banque HSBC, a divulgué au fisc français la liste des détenteurs de comptes en Suisse. Monique Pinçon-Charlot (sociologue spécialiste des Riches) raconte que les inspecteurs des impôts qu’elle a interviewés sous couvert d’anonymat ont expliqué que leurs conditions de travail ont été organisées au plus haut de la hiérarchie de Bercy, afin qu’ils soient tenus éloignés des plus grandes fortunes. Leur travail est cloisonné, parcellisé, ils n’ont pas accès à l’ensemble de l’information. Dès que le sujet est sensible, c’est-à-dire quand il implique des personnalités à fort enjeu car détentrices de plusieurs millions d’euros, les personnels qui s’en occupent sont recrutés exprès au sein de la Direction générale des finances publiques. Pour dire les choses rapidement, ils sont recrutés parce qu’on a confiance en eux pour obéir aux ordres politiques.
Nous l’avons déjà dit mais le consentement à l’impôt est la base du processus démocratique. Cette série d’événements doit être l’occasion d’une prise de conscience globale de la nécessité de faire société.

Loïc Steffan

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N° 204 – Obriers e lançaires d’alerta

Juin 14, 2016

Qual se soven de l’escandal de l’amianta ? Pr’aquò son a l’entorn de 30 000 personas en França al jorn de uèi a esser las victimas d’aquela fibra minerala cancerigèna. Un òme, Peire Pezerat, decidiguèt de rendre omenatge a los que luchèron per far reconeisser los dangièrs de l’amianta : obrièrs, sindicalistas e tanben cercaires, universitaris. Peire Pezerat filmèt « Les sentinelles », ambe de testimoniatges clars, d’un grand natural, e tanben qualques imatges tirats dels arquius. Nos porgís un documentari fòrt, ont l’intensitat puja pichon a pichon, mina de res, per atenher de moments ont lo spectator poirà pas retener las lagremas… Es de notar tanben que l’autor abòrda en fin de film d’unas situacions ont de trabalhaires (agricultors, obrièrs) son empoisonats per de pesticidis, victimas de la cobesiá d’un patron ! D’aquí ven lo titol del film : los obrièrs son los primièrs en contacte directe ambe lo dangièr, son « las sentinèlas » !

A l’escasença de la sortida d’aqueste film documentari avem encontrat Jean Marie Birbés que joguèt un ròtle important dins l’afar de l’amianta. Jean Marie es un dels protagonistas principals del film, e es tanben president de l’Associacion de Defensa de las Victimas de l’Amianta 81.
Occitania : Nos podetz dire cossí setz estat en contacte ambe d’amianta ?
J-M Birbés : Aprep mon servici militar en 1976, acompanhèri un jorn mon paire a l’usina d’Eternit prep d’Albi. Mon paire cercava de trabalh, mas lo prenguèron pas : lo trapèron tròp vielh ! Me prepausèri alara, e en decembre de 1976 començèri de trabalhar dins aquesta usina. Mon trabalh consistissiá a fabricar de tudèls en fibrociment : una mescla de ciment e de fibra d’amianta. Un jorn un tudel espetèt : faguèt de posca pertot. Coma una bruma de posca, i vesiam pas res ! Un delegat sindical passèt e nos diguèt de sortir d’aquí, de demorar pas dins aquela posca. Alara tot lo monde sortiguèt de l’usina, far grèva èra un biais de se parar.
Occitania : De qué disián los patrons davant aquela situacion ?
J-M Birbés : Era pas evident. A cada còp que voliam parlar d’amianta, lo patron disiá : « Atencion, cal pas anar tròp luenh, sequenon anatz far tampar l’usina ! ». Doncas èra complicat per nosautres, voliam pas perdre lo nòstre trabalh ! Cal dire tanben que sabiam pas exactament lo dangier que representava. Las multinacionalas de l’amianta s’èran recampadas e inventèron « l’usatge contrarolat de l’amianta » ! Una enfumada qué ! Mas a l’epòca pensavem aital contunhar lo trabalh e preservar la nòstra santat. E ajustarai qu’auèi l’industria dels pesticidis fa exactament la meteissa causa !
Occitania : I ajèt a un moment un eveniment decisiu que faguèt cambiar las causas ?
J-M Birbés : Es estat una presa de consciença progressiva e fòrça longa. D’en primièr al fur e a mesura que las annadas passavan, subissiam de plans socials, e en mema temps de collègas tombavan malaut. I ajèt tanben una generacion novela d’obriers e de militants que pensavan diferentament. Abans los ancians balhavan la prioritat al trabalh, e demandavan una prima en cas de dangièr. Los joves eles volian pas de prima, mas volián esser protegit e privilegiavan la santat e l’environament. Un dels problemes qu’aviam es qu’aviam pas de scientifics o de personalitats capablas de pausar clarament las causas. Quand encontrerem Henri Pezerat qu’èra director de recerca al CNRS coma toxicològ e geològ comprenguèrem melhor. Nos sem duberts en defòra de la CGT, nos permetèt non solament d’encontrar de personas novelas, mas tanben de far evoluir los militants de la CGT. Nos calguèt 20 ans de luta per arribar a comprener tot aquò e religar la recerca e lo monde del trabalh.
Occitania : E avetz obtengut çò que demandiatz !
J-M Birbés : E òc ! Cal dire qu’i aviá de mai en mai de victimas, e pas sonque dins las fabricas : de professors expausats a l’amianta dins lor liceu moriguèron, e plan d’autres. Fin finala lo govern interdiguèt tota produccion, comercialisacion o transformacion de l’amianta al 1er de genier de 1997. Es estat una granda victòria. Dins mon usina obtenguèrem d’emplegar d’autras fibras que la de l’amianta. Avem cambiat del jorn a l’endeman, èra pas un probleme tecnic. Mas aquelas fibras novelas èran mai cara de 25% : l’empoisonament a l’amianta èra un crimi per d’argent !
Occitania : quin agach portatz sus la societat d’ara ?
J-M Birbés : Auèi dirai que la situacion es la meteissa dins lo nucleari o pel monde agricòla. Sem totes empoisonats pels pesticidis auèi. Pensi qu’aquela societat es sens avenir. La question que me pausi es cossí far per passar d’una societat a una autra sens violença, sens tròp de degalhs ? Cresi qu’ambe un bocin de volontat e de reflexion la poiriam bastir aquela societat novèla, una societat atencionada. Aquela luta que visquèri es una granda leiçon de vida. Soi sovent estat confrontat a la mòrt, mas ai encontrat d’òmes e de femnas fantasticas : la vida es polida e val lo còp d’esser viscuda !
Prepauses reculhits per Uc Jourde, avrial 2016.

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N° 203 – Pesticidis

Mai 27, 2016

Pesticidas e perturbadors endocrinians contaminan l’environament entièr: se trapan dins l’air que respiram, dins çò que bevèm e dins nòstres aliments. Uèi, aqueles produits son detectables dins cada organisme uman e lor nocivitat reconeguda per l’Organizacion Mondiala de la Santat (OMS). Plan abans aquela presa de consciéncia planetària, doas biologistas americanas, Rachel Carson e Theo Colborn, donèron l’alarma, de badas e contra fòrtas criticas.

Definicions

Un pesticida es una substància quimica utilizada contra unes organismes nosibles. Aquel mot generic recampa : insecticidas, erbicidas, fongicidas e parasiticidas (contra vèrms, pesolhs, acars, arnas, formigas…). Insecticidas e erbicidas utilizats uèi en agricultura, orticultura, òrts dels particulars, arboricultura fruchièra, selvas, netejatge urban, domeni de la santat umana (lucha contra los bigals vectors de malautiás) representan de luènh los pesticidas los pus emplegats dins lo mond. Las familhas quimicas pus importantas son las dels: insecticidas organoclorats (OC) coma lo DDT (interdich a partir de 1970), erbicidas organoazotats (OA) coma l’atrazina (interdich en 2003 en França), insecticidas organofosforats (OF) coma lo malation (interdich en 2008 en França) ,l’erbicida OF glifosata, lo pus utilizat dins lo mond, neonicotinoidas coma l’imidacloprid (interdich per 2 ans en 2013 en Euròpa) que representan uèi 40% de las vendas d’insecticidas en França.
Un perturbador endocrinian (PE) es una substànçia quimica que pòt interferir amb lo fonccionament de las glandolas endocrinas, responsablas de las secrecions ormonalas e induire d’efièches deletèris sul organisme o sus sos descendents. Entre los PEs pus importants trapam: ftalatas (dins plastics, cosmetics), alkilfenols (detergents, plastics), idrocarburs aromatics policiclics (fum de cigaretta, emissions dels motors diesèl), policlorobifenils o PCBs (transformators electrics) interdiches en 2010, unes pesticidas (DDT, atrazina, malation, glifosata, …), retardadors de flama (mossas pel mobilier, equipaments electronics), derivats fenolics (parabenas, bisfenol A o BPA interdich dins los beveirons en 2015, mas present dins boitas de consèrva, bilhets e recebuts de banca, desinfectants, cosmetics), residús de produits farmaceutics.

Pollucion generala

En França, pesticidas e PEs son presents dins la quasi-totalitat dels cors d’aiga (1):
– 92% dels punts de susvelhança mostran la preséncia d’au mens un pesticida. Lo bassin Artois-Picardie, lo pus polluit, presenta una pollucion de totes los punts de susvelhança, amb la preséncia d’un nombre mejan de 29 pesticidas diferents.
– 80% de la pollucion detectada ven dels erbicidas e sustot del glifosata, classificat « cancerigèn probable » per l’OMS, en 2015 (2). Dins las ribièras de França se troban tanben: imidacloprid, BPA, PCBs, residús de produits farmaceutics.
– Dins nombre de cors d’aiga, la pollucion demòra dins de limits legals, mas dins unas regions, los limits son despassats e lo mond quitan de beure l’aiga del robinet, per crompar de botelhas d’aiga minerala.
En Euròpa, pesticidas e PEs son presents, dins de limits legals, dins mai de 97% dels aliments (3). Los limits son clarament despassats per 1.5% dels aliments e 27.3% dels escapolons contenon mantun (dusca 8) pesticidas e PEs.
L’utilisacion dempuèi 1945 de grandas quantitats de pesticidas e PEs, a menat a la pollucion de totes los compartiments de l’environament. En consequéncia, los organismes umans son contaminats sustot per ingestion d’aliments e bevendas contenent aqueles produits quimics.

Consequéncias catastroficas

Aquela pollucion generala degalha la biodiversitat, per l’aflaquiment de nombrosas espècias importantas pels ecosistèmas, e la quita agricultura al nivèl dels: pollinisaires (« sindròme d’esfondrament de las colonias d’abelhas », abelhards, parpalhols…), aucèls insectivòrs (52% de pèrda dempuèi 30 ans), microorganismes del sòl, lombrics (essencials a la fertilitat del sòl). De mai, l’utilizacion repetida de grandas quantitats de pesticidas mena a l’aparicion siá d’insèctes resistents a mantun insecticida, siá de marridas èrbas resistentas a mantun erbicida, dont lo glifosata (4).
Los degalhs sus la santat umana, negats pendent d’annadas, començan a èsser reconeguts. Sustot, la contaminacion parentala mena a d’efièches catastrofics a la generacion seguenta: malformacions dels organs genitals dels fètuses e dels enfantons, anomalias del comportament sexual, pubertat femenina aboriva, càncers del sen (5), baissa de la fertilitat, càncers testiculars e prostatics. Las recercas dels laboratòris independents s’orientan ara sul efièch coctèl degut a la preséncia simultanèa de mantun pesticidas e PEs.
Pasmens, ja en 1962, Rachel Carson publiquèt un libre celèbre titolat « Silent spring » (6) que menèt un fum de lectors al concepte d’ecologia, en mostrant que los insecticidas OC e OF, avián un efièch catastrofic sus la fauna. Ja en 1988, Theo Colborn la primièra, definiguèt lo concèpte de « perturbador endocrinian » e, en 1996, confirmèt amb d’autres biologistas, los degalhs dels PEs sus la fauna, dins un libre famós titolat « Our stolen future » (7). Abans aquelas publicacions, las doas biologistas foguèron tractadas de fòlas, istericas e quitament d’agent del KGB, pel lobby american de l’agroquimia mas tanben per l’United States Department of Agriculture. Es un grand malur d’aver rason tròp lèu!
La pollucion generala de uèi ven d’una collusion criminala entre societats agroquimicas, finança mondializada, e politics. Aqueles empoisonaires quitan pas de presicar per l’industrializacion e la financiarizacion de l’agricultura, alara que lor plaça es en preson, e qu’una autra vida es possibla!.

Referéncias
1- Dubois A. (2015) Les pesticides dans les cours d’eau français en 2013. Commissariat Général au Développement Durable, on line : www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr
2- Evaluation of 5 organophosphate insecticides and herbicides. International Agency for Research on Cancer Monographs, vol 112 (2015, and The Lancet Oncology on line).
3- The 2013 European Union report on pesticides residues in food. EFSA, on line (2015) : www.efsa.europa.eu/fr/press/news/150312
4- Vedel F. (2011) Las erbas d’agram de Monsanto. Occitania-VVAP, 176, 16-18
5- Cohn B. et al. (2015) DDT exposure in utero and breast cancer. Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism, on line: http://dx.doi.org/10.1210/jc.2015-1841
6- Carson R (1962) Silent Spring, Houghton Mifflin ed., Boston ; (Printemps silencieux, 1963, Plon ed.)
7- Colborn T (1996) Our stolen future : are we threatening our fertility, intelligence, and survival ?, Dutton ed., (L’homme en voie de disparition, 1998, Terre vivante)

Fernand Vedel (Orsay lo 28.02 .2016)

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