A la suite des résultats obtenus par le FN aux élections européennes, nous revenons sur notre dernière annonce invitant nos lecteurs à lire et faire connaître le livre de Bernard Turle sur ce syndrome annoncé dans le Var et au-delà. Une lecture non parisienne de l’extrême-droite.

 

Autopsie d’une inquiétude

Contact : Marie-Laure Blot. Tel.01 42 57 82 08. mlblot@bourin-editeur.fr – 15€

 

   Un livre qu’il faut lire et faire lire. La cantonale de Brignoles annonçait l’irruption du FN aux municipales et la montée d’un vote populiste renforcé par une abstention massive. La Gauche triomphait de peu à la présidentielle pour venir mourir sur la grève de l’austérité et de la dette laissée et à venir. C’est fait.  Pour demain, faisons confiance à la lecture « nationale» des instituts de sondage, des sociologues patentés et des médias en mal d’événements. Ils nous diront la suite comme si nous y étions. Mais là aussi, c’est fait…Voici pour la mise en perspective.

 

Le livre de Bernard Turle dit beaucoup plus qu’un épisode électoral. Il prolonge le roman provençal qui s’inscrit dans la « modernité » hexagonale en région. Cette génération a suivi de près, quarante ans de reng, cette déterritorialisation du pays. La question de l’eau en pays méditerranéen, cet exemple phare, a toujours été un drame sociétal central : détournement de la fonction agricole initiale du canal de Provence, submersion du village des Salles au profit du barrage de Sainte-Croix, et les nombreuses affaires locales qui impliquèrent des élus locaux dans des dossiers juteux, aux implications juridiques étouffées par le temps. Ne parlez pas de la terre : elle disparaît sous la pression démographique, la concentration de populations héliotropiques, la sur-urbanisation de la côte avec ses maisons néo-provençales balafrant còlas e baissas du Nord au Sud, sens suc, pour l’habitant qui a gagné ses quatre sous et pour le promoteur qui fait bombance du désir défoulé des néo-arrivants. Les « trente glorieuses » sont passées par là avec cet autre désir provoqué de consumérisme. Sortie-est de Toulon, visitez Grand-Var, vitrine de la marchandisation et du tertiaire triomphants, où se font les sorties dominicales des familles hlmisées; autrefois zone agricole de maraichages, de fruitiers et de vignes, aux portes du port nucléarisé devenu alignement de restaurants pour touristes. Ici, trop de Provençaux ont cédé au profit immédiat en vendant leur terre et leur âme.

 

Les néo-quelquechose (Brignolais, Seynois, Toulonnais…) ignorent les terrasses de café, et les rues sont désertes après huit heures du soir. L’enfermement télévisé des familles repliées dans les nouveaux quartiers a tué toute méridionalité. La langue d’oc, refoulée des familles provençales, a fui cet univers standardisé où l’accent finit par se perdre. Et cet « oubli » témoigne de la mise au pas d’une logique  qui cache son nom, normalisation. Ce mesclum de l’institution, des corps politiques et du marché  anticipe un « ordre nouveau ». Le Var rouge et républicain a tourné la page, le clan des affairismes politiciens lui a succèdé.

 

Que nòvi ? Cette farandole grinçante de la dépression provençale annonce les scores du FN. Le terrain a été préparé depuis longtemps. Bernard Turle en fait la géoscopie cordiale et inquiète, en homme du pays et dans un style vivant qui décrit ce crève-cœur. Autopsie, au sens littéral, de visu, in situ, pour expurger le mal qui ronge ce pays défait, aux effets attendus par les plus lucides, mais qui n’est pas encore vaincu. Cridarem pas ceba serait le mot de l’ouverture et non de la fin ! C’est ce que nous lisons entre les lignes.

                                                                                                           Gérard Tautil

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