Un nouveau Larzac ? En 2012 ? *

Vous n’y croyez pas ?

C’est pourtant ce qui se passe du côté de Notre- Dame-des-Landes, en Loire-Atlant ique où paysans, altermondialistes, ant i-capitalistes et écologistes se dressent contre le projet de grand aéroport du pays nantais qui doit voir le jour d’ici 2017. Cette a ffair e est emb léma tique de la période actuelle et du système dans lequel nous vivons. Il existe quatre aéroports dans cette région : à Nantes, Rennes, Angers et Saint-Nazaire.

Pourquoi un cinquième destiné à supplanter tous les autres ? Pour faire plaisir au méga groupe Vinci – concessionnaire de la future plateforme – qui truste déjà en France les grands parkings, les autoroutes, les aéroports ? Pour tester grandeur contrenature le financement public-privé très controversé car immensément c oûteux pour les générat ions à venir ?

Incohérent et irresponsable

L’avenir, ce projet ne le prend pas du tout en compte. Le futur aéroport s’étendra sur une zone de 1650 hectares dont 750 seront bitumés. Bocage saccagé, lande dévastée, forêt détruite et zones humides rayées de la carte : le bilan écologique est désastreux. « Incohérent et irresponsable », s’est élevée Gaëlle Rougier , conseillère r ég iona le EELV de la région Bretagne. En vain… Selon des chiffres publiés par le syndicat des Jeunes Agriculteurs, 26 m2 de terres agricoles disparaiss ent chaque seconde dans notre beau pays qui, tous les sept ans, sacrifie l’équivalent d’un département de zones cultivables.

Il faudra bien un jour siffler la fin de ce match couperet. On a pu mesurer, il y a peu, avec la mini-tornade qui s’est abattue sur Plan-de-Campagne dans la région marseillaise, les c ons équences drama tiques du b étonna ge.

À Notre-Dame- des- Landes, sont visées des terres majoritairement constituées de « z o n e s humides à la biodiversité exceptionnelle et au pouvoir drainant irremplaçable », a fait valoir de son côté le mouvement transparti Utopia qui rassemble socialistes, écologistes, altermondialistes et adhérents du Part i de gauche. En v ain, encore… Et les territoires ? Mais Notre-Dame-des-Landes ne pose pas qu’un problème écologique.

La question de la vocat ion des territoires est ici clairement énoncée. Dans la France d’aujourd’hui et de demain, on ne devrait pas faire n’importe quoi n’importe où. La question des équilibres aussi : la décentralisation n’a pas encore apporté la preuve incontestable qu’une équité règne entre les territoires qui, dans leur diversité, composent notre pays.

N’est-ce pas ce qu’a voulu démontrer le maire écologiste de Sevran, en région parisienne, lor s de sa grève de la faim ? Comment l’Ilede- France, l’une des zones d’activités les plus riches d’Europe, traitet- elle ses villes pauvres, ses cités et ses banlieues ? Comment nos décideurs voient-ils l’avenir du monde rural qui se désertifie quand il n’est pas littéralement ha ppé pa r les concentrations urbaines ? Les promoteur s du projet nantais sont sourds à ces problèmes et aux avertiss ements venus de toutes parts. À l’image de l’actuel Premier ministre qui, très attaché à ce dossier qu’il a porté en tant que maire de Nantes, s’arcboute, clame haut et fort que l’aéroport se fera « coûte que coûte ». Il sera même l’un des seuls à sur vivre à la rigueur budgétaire imposée par la situat ion économique du pay s.

Ayrault aura son « ayraulport ». Le Premier ministre est même resté de marbre face au message de Patrick Warin, ancien directeur de la Caisse des dépôts et consignations et camarade de promotion de François Hollande à l’Ena, qui l’a prévenu : « Vous êt es face à un nouveau Larzac ! ». Un nouveau Larzac ? Dix ans : il aura fallu dix ans de luttes non-violentes pour sauver le Larzac qui, par décision unilatérale du pouvoir de l’époque, était condamné à devenir un terrain de jeu pour militaires, au mépris des paysans et des populations autochtones . Dix ans, c’est long. Mais l’État qui tablait sur l’usure des opposants, s’est cassé le nez.

En 1981, nouvellement élu à l’Elysée, François Mitterrand avait la sagesse d’enterrer le projet. Le pa ssage en forc e av ait échoué. Et sur le Larzac est né l’esprit de résistance au système capita liste et néolib ér al qui anime aujour d’hui bon nombre d’entre nous. « Gardem lo Larzac » e son esperit ! Jean-Marc Ayrault, qui n’a pas hés ité à se renier sur la TVA – l’impôt le plus injuste qui soit -, ferait bien d’écouter ses camarades et d’ôter ses oeillères. On gagne toujours à méditer les leçons du passé.

Car le combat pour le bocage de Notre-Dame-des-Landes pourrait avoir des répercussions… bien au-delà du pays nantais !

Serge Bonnery

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