Elections allemandes : triste Europe !

Oct 31, 2017

Une fois de plus, dans un des pays où les raisons de ne plus voir leurs bras levés, ni entendre leurs injures raciste étaient, sans mauvais jeu de mots, légion, l’extrême droite xénophobe, nationaliste anti-euro et anti-immigrés réalise une spectaculaire percée électorale. Troisième force allemande, le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) envoie 80 députés au Bundestag.
La France, avec un FN dont le nombre réduit d’élus ne tient qu’à un mode de scrutin majoritaire éculé, l’Angleterre avec les tenants du Brexit désormais majoritaires, l’Italie qui renoue avec la tolérance zéro en matière d’immigration, les populistes au pouvoir en Pologne et en Hongrie, et maintenant l’Allemagne, oui c’est toute l’Europe qui est touchée par une volonté de repli sur soi et de fermeture.
Chômage, terrorisme, crises multiformes, sociale, écologique, économique, difficultés à se loger, parfois à se nourrir, viennent marginaliser des franges de plus en plus importantes de la population européenne. Ainsi un citoyen sur quatre, 118 millions de personnes au total, est touché par la pauvreté ou l’exclusion sociale. On note aussi une augmentation de la pauvreté (7,8%) dans les travailleurs à plein temps ce qui indique qu’un nombre croissant de gens sont employés dans le secteur à bas salaire.
Et ces colères sociales, souvent latentes et qui peinent à trouver des solutions solidaires et internationales favorisent les populistes qui agitent les peurs, dénoncent les boucs émissaires et mettent en avant une préférence nationale et nationaliste.
Mais s’ils sont aussi écoutés c’est parce que les politiques austéritaires menées par la commission européenne depuis 2008, comme par la plupart des États, ont largement aggravé une situation totalement inégalitaire avec des pauvres de plus en plus nombreux et des riches de plus en plus riches.
Sur le plan hexagonal les lois « travail » de Macron et l’adoption du traité CETA, entre l’Europe et le Canada viennent fournir deux illustrations de ces purges libérales qui au final ne feront qu’aggraver une situation de précarité.
Qui peut sérieusement croire qu’on embauche en fonction d’un barème d’indemnités prudhommales ? L’emploi est fonction du carnet de commandes, du volume de services à fournir. En satisfaisant les vieilles revendications du MEDEF, Macron va concentrer un peu plus d’argent dans des mains qui n’en n’ont nul besoin. En affaiblissant, le mot est insuffisant, les droits des salariés le pouvoir central va accroître le nombre de temps partiels subis et considérablement augmenter le nombre de travailleurs pauvres. Des populations entières qui, surtout cheznous, rencontrent les pires difficultés à se loger et à vivre décemment.
TAFTA/CETA qui entendent organiser les échanges marchands, en bien précisant que tout est marchand pour les concepteurs de ces traités, viennent directement menacer les services publics, comme la distribution de l’eau.
Bien commun souvent fournie en régie, elle échappe, pour les consommateurs qui résident dans des communes qui ne l’ont pas privatisée, aux grands groupes industriels. Demain les collectivités récalcitrantes, déjà sujettes à d’insupportables lobbyings, seront directement sous la menace de sanction pour non respect de la concurrence. Car oui, ces accords sont faits pour tout soumettre à la concurrence. Ils viennent, de facto, fragiliser le rempart social du service public et s’inscrire dans la logique inverse des circuits courts, du consommer local, du produire au pays. Des engagements qui fondent notre action publique et guident nos choix politiques totalement opposés à cette logique libérale de mondialisation et d’acculturation effrénée.
Mais nous devrions aussi en Europe avoir des raisons de nous réjouir. En Écosse, en Catalogne, les peuples font entendre leur volonté, par la voie démocratique, de redéfinir l’engagement européen. Mais que dire de cette Europe muette alors qu’elle devrait accompagner la volonté des Écossais qui refusent le Brexit ! Et comment tolérer son mutisme devant la dérive autoritaire de l’État espagnol quand la Catalogne veut faire vivre un droit reconnu par l’ONU : le droit à l’autodétermination ? Comment admettre qu’on puisse se taire quand, rappelant des régimes d’un autre temps, c’est par la force qu’on veut empêcher tout un peuple de voter.
L’Europe des États, c’est, nous l’avons dit, l’Europe en mauvais état ! L’Europe des libéraux, c’est celle de la mondialisation, du chômage et de la misère.
Alors oui, Pauvre Europe, mais aussi indispensable Europe qu’avec nos frères catalans, basques, écossais, corses, bretons… des peuples et des régions solidaires nous avons hâte de réinventer.
Hervé GUERRERA

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Magazine Occitania – Juillet/Août 2017

Août 29, 2017

 

Sommaire :

° Dossier : Au forum citoyens! La Dintrada se debanarà a Narbona lo 16 septembre 2017.

° Femmes d’Occitanie : Simone Weil.

° Eleccions : entre lassitge e macronita.

° Code du travail : un biais libéral marqué.

° Sciença e environament : perque cal barrar la centrala nucleara de Fessenheim.

E totas las rubricas abitualas….

Abonament : 24,5 euros de mandar a ADEO 21 bis camin de Matens 81 600 GALHAC.

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Au forum citoyens!

Août 28, 2017

L’occitanisme est arrivé à la croisée des chemins. C’est la raison pour laquelle nous faisons évoluer La Dintrada en un véritable forum citoyen occitan ouvert à toutes les sensibilités de l’occitanisme. Cet évènement abordera les trois problématiques suivantes :

  • Tout d’abord, le choix des habitants du Midi Pyrénées et de Languedoc Roussillon de baptiser la nouvelle grande région « Occitanie ». Cette irruption imprévue et impensée d’une région Occitanie appelle à une révision du logiciel sur lequel fonctionnaient les principales associations et mouvements occitans.
  • D’autre part la place de plus en plus importante du numérique et de l’internet impacte de manière forte les comportements culturels, professionnels et aussi sociaux. Ayant conscience de ce phénomène plusieurs opérateurs (TVOC, Lo Cirdoc, Lo Congrès…) travaillent à la présence de la langue et la culture occitane sur ces nouveaux espaces. Mais est ce suffisant ? Et le numérique peut il remplacer les échanges traditionnels ?
  • Enfin, un autre facteur vient transformer les régions occitanes : il s’agit de la démographie. En effet le nombre d’habitants de nos régions ne cesse d’augmenter, principalement dans les métropoles, alors que les zones éloignées des grands axes de circulation se dépeuplent. La principale raison de ce boum démographique est l’arrivée régulière et importante de personnes en provenance du nord de la France, ainsi que d’autres pays. La marginalisation institutionnelle de l’occitan rend difficile sa transmission, alors même que les nouveaux arrivants ont parfois plus d’appétit que les « locaux » pour la « lenga nòstra » ! Comment transmettre notre culture ? L’occitanie est elle en train de devenir multiculturelle ?

Voilà planté le décor ! Voilà les problèmes qui se posent à nous et que les occitans doivent aborder s’ils ne veulent pas passer à la trappe de l’histoire ! C’est pourquoi nous avons fait évoluer le concept de La Dintrada qui était jusqu’à présent une université d’été politique. Il me paraît aujourd’hui indispensable de s’adresser à la nouvelle génération d’occitans et de leur proposer un lieu et un temps pour prendre à bras le corps leur avenir !

La Dintrada devient donc un forum de discussion, de réflexion et d’élargissement des thématiques autour de l’occitan. Tout un chacun est le bien venu dans cet espace d’échanges qui se veut pédagogique, neuf, sans pré-requis Nous poserons des questions sur notre avenir à échelle régionale au sein d’une communauté européenne voire mondiale où la question de l’identité reste très importante. Comment vivre ensemble avec ce qu’on a autour de nous ? Comment faire valoir les spécificités de nos régions ? Comment créer un socle identitaire et culturel dans lequel nouveaux et migrants se sentiront chez eux ? Qu’est ce que l’Occitanie et qu’a-t-elle à nous donner aujourd’hui et demain ?

Grâce à une journée de présentations et d’échanges, nous voulons montrer et mettre en relation une diversité d’expériences et de points de vue pour créer un espace d’objectivité. Le but que nous nous fixons est de dépasser des clivages actuels issus de l’histoire de l’occitanisme : éducation nationale/calandreta, Languedoc/autres régions, culturel/politique, connecté/traditionnel, droite/gauche, jeunes/vieux, etc… Pour créer le point de départ d’une avancée théorique et technique vers un occitanisme conscient des enjeux du XXIème siècle.

Vous pouvez consulter le programme, découvrir les invités, et vous inscrire sur le site http://ladintrada.eu/

L’inscription est gratuite, mais indispensable pour choisir les ateliers auxquels vous souhaitez participer, et… réserver votre repas!

Uc Jourde

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L’Occitanie au féminin : Simone Weil

Août 28, 2017

La philosophe engagée

Simone Weil est née en 1909 dans une famille très cultivée, d’origine juive agnostique. Dès son plus jeune âge, elle manifeste sa solidarité avec tous les « opprimés »: à six ans, elle s’abstient de manger du sucre quand on lui dit que les soldats en sont privés dans les tranchées! Elle a dix ans, quand sa mère la retrouve dans un défilé de grévistes chantant l’Internationale en 1919… Elle est très liée à son frère aîné André qui deviendra un des grands mathématiciens du XXe siècle. Ensemble ils s’enthousiasment pour les différentes sources de civilisation, en particulier pour la civilisation grecque avec Pythagore et Platon. A douze ans André apprend seul le grec ancien, qu’il enseigne à sa sœur, ce qui leur permet de discuter entre eux sans que personne ne puisse les comprendre autour d’eux!

A seize ans elle obtient le bac philo au lycée Victor Duruy de Paris, où elle a suivi les cours du philosophe René Le Senne. Entrée au lycée Henri IV en octobre 1925, elle suivra les cours du philosophe Alain. En 1926 à la Sorbonne, elle rencontre Simone de Beauvoir , qui raconte : « Elle m’intriguait, à cause de sa réputation d’intelligence et de son accoutrement bizarre… Une grande famine venait de dévaster la Chine, et l’on m’avait raconté qu’en apprenant cette nouvelle, elle avait sangloté : ces larmes forcèrent mon respect plus encore que ses dons philosophiques ».

 Agrégée de philosophie en 1931, elle va enseigner au Puy pour être plus proche d’un milieu ouvrier: elle provoque un scandale en se solidarisant avec les syndicats de mineurs et en rejoignant le mouvement de grève contre le chômage et les baisses de salaire. Elle écrit dans les revues « L’Ecole émancipée » et « La Révolution prolétarienne » et prône l’unification syndicale. A partir de 1932, elle milite au « Cercle communiste démocratique » de Boris Souvarine tout en luttant contre le Stalinisme.

Elle passe l’été 1932 en Allemagne, pour essayer de comprendre les raisons de la montée du nazisme. Revenue en France, elle écrit plusieurs articles où elle exprime ses sentiments lucides et son scepticisme sur l’avenir de l’Europe dans ce contexte.

Le 31 décembre 1933, l’ancien chef de l’armée rouge Trotski pourchassé par Staline est invité avec sa femme Nathalie chez les Weil à Paris. Simone ose s’opposer à lui sur la condition ouvrière en Russie: Trotski soutient en effet que le régime soviétique serait globalement positif pour le prolétariat dès lors que l’industrie appartient à l’Etat et non à un propriétaire privé. Simone Weil lui rétorque sèchement que le travail épuisant à la chaîne, les cadences imposées et l’obéissance aveugle aux petits chefs sont les mêmes en Russie comme en France; elle lui montre que l’important réside dans les conditions de travail des ouvriers et non dans le statut juridique de l’entreprise… Trotski conclura: « Vous êtes l’Armée du Salut?« 

Comme Olympe de Gouges en son temps, Simone Weil pense que les actes concrets valent mieux que des discours. Alors toujours avide de comprendre la vie du peuple, elle quitte pour un temps sa carrière d’enseignante et elle s’engage chez Alsthom en 1934-1935 comme ouvrière sur presse. On la retrouve ensuite dans un travail à la chaîne à Boulogne-Billancourt chez Renault et aux établissements « Carnaud et Forges de Basse-Indre ». Elle consignera ses impressions dans son « Journal d’usine ».

De santé fragile, elle quitte l’usine et reprend l’enseignement de la philosophie, tout en distribuant une partie de son traitement, comme l’écrit un de ses biographes E. Piccard en 1960 : « Décidée à vivre avec cinq francs par jour, comme les chômeurs du Puy, elle sacrifiait tout le reste de ses émoluments de professeur à la Caisse de Solidarité des mineurs ».

La Résistante insoumise

Elle participera logiquement aux grèves de 1936 et elle s’engagera dans la « Colonne Durruti » lors de la guerre civile espagnole contre Franco. En 1937 elle écrit dans les «Nouveaux cahiers», une revue économique et politique qui prône une collaboration économique franco-allemande. En effet, elle a bien compris, comme le disait Anatole France en 1919 lors du diktat de Clemenceau avec le traité de Versailles, que si l’Allemagne est empêchée de se relever économiquement « l’Europe en périra si, enfin, la raison n’entre pas dans ses conseils« .

Voici la guerre qu’elle avait redoutée. Sans illusion sur le sort de l’Europe et sur celui des Juifs, elle se réfugie à Marseille le 13 juin 1940 avec sa famille. Elle va rédiger alors ses « Cahiers » sur la philosophie grecque. Elle contacte aussi la revue littéraire « Les Cahiers du Sud », à laquelle elle collabore sous le pseudonyme d’Emile Novis. Elle se rapproche de plus en plus du Christianisme. Elle entre dès le début de l’Occupation dans un réseau de Résistance et distribue la revue « Cahiers du Témoignage Chrétien », qui sera vite mis à l’index par Vichy et l’épiscopat…

Dans l’été 1941, elle rencontre le philosophe Gustave Thibon, qui la fait embaucher en Ardèche comme ouvrière agricole. L’année suivante, elle met ses parents en sécurité aux Etats-Unis, puis gagne la Grande Bretagne où elle entre au service de la « France Libre » comme rédactrice. Mais son intransigeance la pousse à démissionner de l’organisation de De Gaulle en juillet 1943. Désireuse de rejoindre les réseaux de résistance dans l’hexagone, elle en est empêchée par Schumann et André Philip, qui craignent à juste titre qu’elle soit vite identifiée comme juive par la police de Vichy et déportée en Allemagne.

Atteinte de tuberculose, aggravée peut-être par les nombreuses privations qu’elle s’imposait, elle meurt au sanatorium d’Ashford le 24 août 1943 à 34 ans.

De la conquête capétienne de l’Occitanie

Peu de temps avant sa mort, Simone Weil écrit deux textes en 1943 sur la conquête des pays occitans par la France et sur les atrocités commises alors par les armées capétiennes, qu’elle n’hésite pas à comparer à la situation vécue sous l’occupation allemande contemporaine. L’un a été publié dans les « Cahiers du Sud » sous le pseudonyme d’Emile Novis, voici un extrait du second dans « L’enracinement » :

« On peut trouver dans l’Histoire des faits d’une atrocité aussi grande, mais non plus grande, sauf peut-être quelques rares exceptions, que la conquête par les Français des territoires situés au sud de la Loire, au début du XIIIe siècle. Ces territoires où il existait un niveau élevé de culture, de tolérance, de liberté, de vie spirituelle, étaient animés d’un patriotisme intense pour ce qu’ils appelaient leur langage (Lengatge); mot par lequel ils désignaient la patrie.

Les Français étaient pour eux des étrangers et des barbares, comme pour nous les Allemands. Pour imprimer immédiatement la terreur, les Français commencèrent par exterminer la ville entière de Béziers, et ils obtinrent l’effet cherché. Une fois le pays conquis, ils y installèrent l’inquisition…

Depuis qu’ils ont été conquis, ces pays ont apporté à la culture française une contribution assez faible, alors qu’auparavant ils étaient tellement brillants. La pensée française doit davantage aux Albigeois et aux troubadours du XIIe siècle, qui n’étaient pas français, qu’à tout ce que ces territoires ont produit au cours des siècles suivants…

Quand on a pris l’habitude de considérer comme un bien absolu et clair de toute ombre cette croissance au cours de laquelle la France a dévoré et digéré tant de territoires, comment une propagande inspirée exactement de la même pensée, et mettant seulement le nom de l’Europe à la place de la France, ne s’infiltrera-t-elle pas dans un coin de l’âme?

Les collaborateurs actuels (nous sommes en 1943!) ont à l’égard de l’Europe nouvelle que forgerait une victoire allemande l’attitude qu’on demande aux Provençaux, aux Bretons, aux Alsaciens, aux Francs-Comtois d’avoir, quant au passé, à l’égard de la conquête de leur pays par le roi de France.»

Georges LABOUYSSE

PS : Ne pas confondre Simone Weil à laquelle est consacré cet article, et Simone Veil personnalité tout autant exceptionnelle nous ayant quitté cet été 2017.

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