Michel Rocard et les jacobins

Sep 16, 2016

Après la mort de Michel Rocard… et les nombreux éloges unanimes (!) et souvent hypocrites qui lui sont faits, il est bon, semble-t-il de rappeler qu’il fut secrétaire national du PSU (de 1967 à 1974), à une époque où ce parti définissait le socialisme autogestionnaire, prônait «le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes», combattait le colonialisme intérieur comme extérieur, luttait contre le centralisme étatique et pour l’autonomie des nations sans Etat.
Rocard fut d’ailleurs l’auteur d’un rapport intitulé « Décoloniser la province » aux rencontres de Grenoble en 1967 sur « La vie régionale en France », un rapport où il fustige « une tradition politique qui, des rois aux républiques, en passant par les empereurs, gouverne à l’intérieur par ses missi dominici, ses intendants et ses préfets en étouffant les pouvoirs locaux» et où il affirme que « la renaissance du dynamisme régional suppose la disparition de la tutelle de l’Etat et du préfet »…
C’était aussi l’époque de luttes sociales exemplaires, ouvrières avec l’affaire Lip et paysannes avec l’affaire du Larzac, et c’était enfin la prise de conscience par nos populations d’une appartenance à une terre, à une langue et à une culture, ce qui se traduisait par ce slogan toujours d’actualité: «Volèm viure, trabalhar et decidir al païs»!

Héritier de Mendes-France, Michel Rocard fut sans doute le seul Premier ministre de la Ve république à bien comprendre l’Histoire des peuples et de leurs nations, à dire et à montrer la nocivité du centralisme parisien et de cette vieille formule dépassée d’une « république une et indivisible », dont on sait tous les dégâts qu’elle a pu causer dans notre Histoire, avec l’Algérie en particulier. C’est pourquoi il a su résoudre par la négociation le grave problème de la Nouvelle Calédonie entre autres, alors que d’autres étaient prêts à faire massacrer toute une population autochtone au nom de «l’un et de l’indivisible» pour que «force reste à la loi de Paris» …
C’est peut-être son éducation protestante par sa mère et ses références à l’Edit de Nantes qui l’ont conduit à pratiquer en maintes occasions une politique de tolérance, avec tout ce que ce mot comporte de respect des libertés d’autrui et de compromis pour « vivre ensemble ». On retrouvera ce trait de caractère dans son ouvrage « L’art de la paix, l’Edit de Nantes » écrit en 1997 en collaboration avec l’historienne et universitaire toulousaine Janine Garrisson, qui dit de la Révocation de cet édit par Louis XIV en 1685: « C’est une décision politique, relevant de ce que l’on appelle de nos jours le totalitarisme ». Or avec Henri de Navarre, les protestants avaient réussi à imposer une conception de la laïcité qui n’a rien à voir avec le sectarisme, dont les militants de tous bords et notamment de l’extrême droite mais aussi de l’extrême gauche voudraient la définir.

Michel Rocard restera aussi l’homme politique le plus clairvoyant sur la question corse… et ce n’est sûrement pas un hasard s’il a voulu, lui le Parisien de naissance, que ses cendres reposent sur cette terre méditerranéenne de «l’Île de Beauté».
Ironie du sort: quelques jours après la mort de Rocard, l’actuel Premier ministre, le plus jacobin peut-être que nous ayons connu, se déplaçait en Corse avec une kyrielle de ministres plus centralistes les uns que les autres pour dire aux Corses, ce qu’ils disent à tous les peuples de la république: «L’Etat c’est nous! Vous n’existez pas et il n’y a rien à négocier…».
Alors pour rafraîchir la mémoire de Manuel Valls, émigré de Catalogne, nous lui dédions l’article que Michel Rocard (son « père politique » dit-il !) a publié dans le quotidien «Le Monde» du 31 août 2000 sur la Corse, un article qui pourrait tout aussi bien convenir aux autres nations de l’Hexagone et de l’Outre-mer.
On pourra aussi écouter le « discours de Rocard sur la Corse » à la tribune de l’Assemblée Nationale, en se connectant sur « You Tube ».
Georges Labouysse

Corse : Jacobins, ne tuez pas la paix !
par Michel Rocard – député européen, ancien premier ministre
le Monde – 31 août 2000
Extraits
[…]
Je n’ai pas une goutte de sang corse mais je n’aime pas que l’on me raconte des histoires, fût-ce au nom de mon pays. Je suis, amis jacobins, aussi fier que vous, sinon davantage car, député européen, j’évalue mieux la force comme les différences par rapport à nos concitoyens d`Europe ou du monde, des principes qui ont fait la République française et qui scellent son unité. Mais les principes fondamentaux de la République française se veulent libérateurs, et non oppressifs.
Le droit à la résistance à l’oppression est même un des droits fondamentaux de l’homme et du citoyen. Car il y a eu oppression, et il en reste de fortes traces. Je suis pour l’application des principes, mais pas au prix de l’oubli total du passé.
Il y a une révolte corse. On ne peut espérer la traiter sans la comprendre.
Il faudrait tout de même se rappeler :
– que lorsque Louis XV acheta les droits de suzeraineté sur la Corse à la République de Gênes, il fallut une guerre pour prendre possession de notre nouveau domaine. La France y perdit plus d’hommes que pendant la guerre d’Algérie.
– que la Corse est restée  » gouvernement militaire  » jusque tard dans le XIXe siècle, avec tout ce que cela implique en termes de légalité républicaine.
– que, pendant la guerre de 1914-1918, on a mobilisé en Corse, ce qu’on n’a jamais osé faire sur le continent, jusqu’aux pères de six enfants.
– que, de ce fait, encore en 1919, il n’y avait pratiquement en Corse presque plus d’hommes valides pour reprendre les exploitations agricoles. Les tout jeunes n’ont pas eu le temps de recevoir la transmission des savoir-faire. C’est ainsi qu’ils sont devenus postiers et douaniers.
– que c’est donc à ce moment que la Corse devient une économie assistée, ce qu’elle n’était pas auparavant. L’apparition de la « paresse corse » dans les blagues, les chansons et le folklore datent de là. On n’en trouve pas trace avant.
– que, d’autre part, le droit successoral traditionnel corse était fort différent du code civil. C’est ainsi que les « métropolitanisés », si j’ose dire, Corses ou non-Corses, se sont injustement appropriés, bien des terres ancestrales. C’est aussi la raison principale pour laquelle beaucoup d’agriculteurs corses traditionnels n’ont pas de titres de propriété leur permettant d’obtenir du crédit.
– que, de la même façon, le code civil ne prévoit pas, et interdit même, la propriété collective. Or tout l’élevage corse, et notamment celui des porcs – la charcuterie corse est justement célèbre -, se faisait sur terres de pacage collectives.
– que la tuerie d’Aléria, les 21 et 22 août 1975, a été ressentie comme la fin de tout espoir d’une amélioration consécutive à des discussions avec le gouvernement de la République et a donné le signal du recours à la violence, parce que tous les Corses, je crois sans exception, ont très bien compris que jamais une riposte pareille à une occupation de ferme n’aurait pu avoir lieu dans l’Hexagone.
– que, d’ailleurs, treize ans auparavant, la Corse avait reçu du gouvernement français un autre signal dangereux. Suite à des incidents survenus, déjà, à la fin des années 50, le gouvernement créa la Société de mise en valeur de la Corse, Somivac. Elle avait charge de racheter des terres disponibles, en déshérence ou non, de les remembrer, d’y tracer voies et chemins, d’y amener l’irrigation dans certains cas, puis de les revendre à des paysans corses. Les quatre cents premiers lots furent prêts à la vente au tout début 1962. De Paris vint l’ordre d’en réserver 90 % pour les pieds-noirs rentrant d’Algérie. 90%, pas 15% ou même 50%! Ce pourcentage est une incitation à la guerre civile.
– que l’on fit, en 1984, une découverte étrange. Le président Giscard d’Estaing, vers 1976 ou 1977, avait pris la sage décision d’assurer à la Corse la « continuité territoriale », c’est-à-dire la prise en charge par l’Etat de tout surcoût de transport lié à son insularité. Sept ou huit ans après – est-ce stupidité, manque de courage ou concussion? -, l’administration avait assuré la continuité territoriale pour les transports de personnes et pour les transports de marchandises de l’Hexagone vers la Corse, mais pas dans le sens inverse! Les oranges corses continuaient d’arriver à Marseille avec des frais de transport plus élevés que celles qui venaient d’Israël. Pour les vins et la charcuterie, ce fut la mort économique.
– et qu’enfin la Corse, comme la Martinique et la Guadeloupe, a subi pendant bien des décennies un monopole de pavillon maritime imposé par l’Etat, avec les conséquences asphyxiantes que l’on devine.

[…] Lorsque l’Histoire a un tel visage, il faut soit beaucoup d’inconscience, soit beaucoup d’indécence pour dire seulement aux Corses :  » Assez erré maintenant. Soyez calmes et respectez les lois de la République. Vous bénéficierez alors pleinement de leur générosité. » De cette application uniforme et loyale, les Corses n’ont guère vu trace dans leur longue histoire.
[…]En l’absence d’une véritable justice foncière, c’est la violence qui est devenue l’instrument de défense des droits personnels, et la loi du silence, l’omerta, la traduction inévitable de la solidarité familiale devenue clanique. On est vite passé de la terre à l’ensemble des activités sociales. De plus, là comme ailleurs en France, l’Etat distribue des subventions, puisque chez nous, au lieu d’être pour l’essentiel utilisés sur place comme dans les Etats fédéraux, les produits de notre fiscalité remontent au centre avant d’en retomber pour attester la générosité de la République. Dans un univers culturel où la légalité et l’équité étaient aussi peu apparentes, il n’est guère surprenant que les clans se soient organisés, violence et loi du silence comprises, pour contrôler à tout prix les processus électoraux et les flux financiers qu’ils induisent.
Voilà le gâchis dont il faut maintenant sortir. […]
Comment traiter alors cette nécessité pour la Corse de prendre une part plus grande à la maîtrise de ses affaires pour les conduire en fonction de ses caractéristiques propres ? Le fait que l’on ait pu évoquer et citer dans le projet gouvernemental des « attributions législatives » a suffi à mettre le feu aux poudres. […]
Si vraiment l’on croit, comme l’affectent nos jacobins, et comme je le crois moi-même, aux vertus exclusives de l’action politique et de la démocratie pour assurer à la Corse un avenir de calme et d’expansion, alors pourquoi vouloir en exclure les Corses eux-mêmes ? Le pari qui s’esquisse consiste à penser que les Corses fiers de l’être et qui revendiquent leur identité, une fois devenus plus nettement responsables, sauront traiter des difficultés d’existence de cette identité mieux qu’il n’a été fait par le passé. Refuser ce pari, c’est refuser la démocratie dans son principe. Refuser de donner une large autonomie à l’Assemblée de Corse c’est d’abord faire le calcul surprenant que les nationalistes pourraient y être bientôt majoritaires, ce que tout dément, mais surtout afficher clairement que l’on se méfie d’eux, que l’on ne croit ni à l’apprentissage de la responsabilité ni aux vertus des réconciliations négociées.
Lionel Jospin a eu un grand courage dans cette affaire. Il serait dommage et dangereux qu’une frilosité républicaine bornée l’empêche d’établir entre la France et la Corse de nouvelles relations fondées sur la confiance réciproque. La République en sortirait à coup sûr renforcée, alors que la persistance de la crise l’affaiblit gravement.
Michel Rocard

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Magazine Occitania – Juillet Août 2016

Sep 16, 2016

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Ce dernier numéro vous propose une grande variété d’articles en français et quelques uns en occitan.
Au sommaire :
* Occitanie, occitanisme les mots qui fâchent;
* « L’identitat de l’apartheid » (oc)
* « L’evolucion umana » (oc)
* Nouvelles d’Europe (Brexit , etc…)
* L’économie du bien commun critique par L.S.
* L’adieu à Rocard
Ainsi que l’édito par David Grosclaude, « l’articlòt » (oc) consacré à un mot de la langue occitane, et bien d’autres surprises encore à découvrir!
Abonnement 24,5 euros par an.

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Tirole descend de sa tour

Sep 16, 2016

Jean Tirole publie «économie du bien commun» un premier ouvrage destiné à un large public. Dans celui-ci le « Nobel d’économie » livre sa vision de l’économie, science qui fait le pont entre la théorie et les faits et sa conception de la recherche au service du terrain et au service du bien commun. Sur près de 600 pages, nous y découvrons un panorama de thématiques qui affectent notre quotidien : économie numérique, innovation, chômage changement climatique, Europe, État, éthique, finance…
Ce livre est presque une surprise tant l’homme s’est tenu éloigné des débats publics. Ses seules publications accessibles à un non spécialiste étaient des contributions au Conseil d’Analyse Économique.
La vision d’un homme sur l’économie
Jean Tirole a étudié de nombreuses thématiques durant sa carrière avec une prédilection pour les problèmes d’asymétries d’information, les imperfections de la concurrence et l’analyse de la règlementation publique. Cet ensemble de travaux constitue la clef de voute de l’ouvrage. L’auteur développe une démarche pédagogique plaisante. Il gagne a être lu et concerne aussi bien les étudiants de licence d’économie ou gestion que le grand public On y découvre à chaque chapitre, de nombreuses références bibliographiques classiques ou récentes et toujours bien choisies. C’est un aspect très plaisant du livre pour qui veut avoir un panorama de l’état de l’art. Dans chaque chapitre, l’exposé a pour but de montrer comment de ces travaux, des politiques publiques avisées peuvent être initiées ou améliorées. Aux yeux des économistes, le marché est un puissant mécanisme d’allocation des ressources. Cependant, bénéficier de ses vertus requiert souvent de s’écarter du laisser-faire. De fait, les économistes ont consacré beaucoup de recherches à l’identification de ses défaillances et à leur correction par la politique publique qui doit aussi être évaluée. Ce texte du fondateur de la Toulouse School of Economics permet aussi de comprendre ce que fait un économiste et à quoi il sert. Cette partie est agréable car très vivante et permet de découvrir la vision personnelle de l’auteur sur des faits connus et la façon dont il les traite et il se les approprie. Il serait injuste de ne pas souligner l’effort d’ouverture à des théories alternatives. Il montre d’abord comment souvent nous croyons ce que nous voulons croire et nous voyons ce que nous voulons voir. Il ne s’exempte pas du reproche. C’est appréciable car il assume aussi sa vision libérale mainstream. Bien sûr, il pense que l’analyse économique se construit autour d’un ensemble d’idées « orthodoxes », dont la validité repose sur sa capacité à intégrer des travaux novateurs qui soient en mesure de répondre à des interrogations encore mal comprises par la discipline. À titre d’exemple, il écrit clairement dans la première partie de son ouvrage que l’analyse économique s’est déjà ouverte à d’autres disciplines, telles que la psychologie, la science politique ou la sociologie et qu’elle devra continuer à le faire. Il me semble difficile de faire d’Économie du bien commun un ouvrage de propagande truffé d’arguments d’autorité à la gloire du marché. Tirole passe son temps à soulever les insuffisances du marché. Certes, ses solutions, ses convictions de chercheur, le poussent à ne pas considérer que si le marché est un système souvent faillible, l’État est forcément une alternative parfaite… Cependant il insiste sur la nécessité d’un État fort et structuré qui soit capable de répondre aux défaillances des marchés. Cela va à l’encontre de l’image habituelle que l’on a de l’auteur. On y découvre un auteur très sensible aux questions environnementales et aux autorités indépendantes contre poids aux dérives du marché et des institutions politiques. Pour lui l’économie est une science qui n’est ni lugubre ni exacte, mais résolument humaine qui se nourrit de formalisation mathématique et de sciences humaines. Il considère que l’économie a vocation à faire des diagnostics et des préconisations qui doivent nourrir le débat public. Le marché a ses défaillances, l’Etat aussi.
Les limites morales du marché.
Ce développement qui avait été présenté à l’institut de France sous la forme d’une conférence, est l’occasion de reprendre un des débats important qui secoue la science économique. Sa présentation des critiques adressées à l’économie et sa défense peut être discutée mais elle permet de comprendre que l’économie n’est pas imperméable aux préoccupations éthiques. Il est peut être regrettable que la question des inégalités ne soient traitée que dans cette partie et ne fasse pas l’objet d’un développement plus important. L’aspect éthique est repris plus loin pour montrer comment l’économie est en mouvement et Jean Tirole montre que l’économie peut favoriser les comportements prosociaux. On peut cependant reprocher à cette partie de ne pas faire assez de place aux théories de Sandel ou d’autres auteurs qui insistent sur la nécessité de penser l’économie comme une science morale. Les développements sur l’homo socialis (homme social) et la confiance, sur les incitations (homo incitatus) sur la nécessité des normes juridiques (homo juridicus) et sur l’économie évolutionniste (homo darwinus) mérite l’attention. Il développe les notions de motivations extrinsèques qui sont les mieux connues l’analyse économique traditionnelle – les rémunérations ou autres formes de récompenses qui incitent un agent à effectuer une action qui a un coût mais aussi les motivations intrinsèques qui relèvent d’un comportement altruiste lié aux valeurs, à la culture de l’agent économique. Enfin, nos actions sont aussi guidées par une troisième catégorie de motivation qui est celle de l’image de soi que l’on veut renvoyer ou simplement avoir de soi-même. C’est ce que Tirole appelle la motivation réputationnelle. On sait, en effet, que nos comportements sont influencés par le fait que l’on est observé ou non. Il rend hommage aux travaux novateurs de Kahneman. Cependant là aussi on peut déplorer l’absence de références à l’économie écologique (ou physique) qui insiste sur la nécessité de prendre en compte les ressources limitées de la planète. Ces limites, notamment le pétrole, les minéraux et les terres rares, auront un impact important dans les années à venir.

Critique finale.
Sur la notion de bien commun, on peut regretter qu’il se range sur la vision de Harding qui fait sur marché la meilleur solution et qu’il n’étudie pas assez les arrangements institutionnels développés par E. Ostrom qui montrent que les motivations réputationnelles et intrinsèques sont un puissant levier pour créer du commun. Ostrom indique que les hommes ont su créer des institutions capables de gérer des ressources rares sans passer par le marché. Il n’insiste sur l’éthique que pour montrer que la science économique essaie de l’intégrer mais il élude une partie des recherches très novatrices sur la nécessité de résoudre les dilemmes moraux. Cependant la richesse des thèmes traités permettra aux non-spécialistes de mettre à jour leur connaissance et de voir que l’économie n’est plus structurée uniquement autour des libéraux des keynésiens et des marxistes comme on le présente trop souvent dans les manuels d’économie. Elle est bien plus riche, modeste et complexe que ce que l’on présente habituellement.
L. Steffan

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L’androna islamica

Sep 16, 2016

Aprep la seguida d’atemptats mai òrres los uns que los autres que venem de coneisser, los musulmans que vivon en Euròpa son dins lo « colimator » d’una opinion publica exasperada. Lo monde pòt pas mai endurar aquelas atacas, vòl sulpic de colpables, e un castigament. Sem pr’aquò nombroses a refusar una guerra de religion novela. Volem mantener una laicitat vertadièra ont cadun es liure de sa consiença. Aquel punt de vista es pas inocent, clarament l’islamisme es un adversari que nos cal combatre. Per i arribar fa besonh de comprener melhor coma foncciona sens tombar dins los prejujats.
Es per aquesta rason que lo libre « L’androna islamica » del filosòfe Hamid Zanaz es d’un grand intérès. L’autor es nascut en Argèria, ont ensenhèt fins a 1989 la filosofia a la facultat d’Argièr. Condemnat pels islamistas, quitèt l’ensenhament per trabalhar dins la premsa independenta. Puèi en 1993 se deguèt refugiar en Euròpa. Cal dire las causas coma son : lo libre es un requisitòri contra l’ideologia islamica. La critica i es sens insulta, mas implacabla. Nos permet de descobrir lo punt de vista d’un argerian sus la pujada de l’islamisme, e d’evitar aital tota subjectivitat occidentala.
Lo primier punt que desvolòpa l’autor es que l’islamisme es un projecte politic. Los islamistas se servisson de la religion per conquistar lo poder. Lor tòca es d’impausar la « charià» pertot ont serà possible. Aquò significa la transformacion dels versets coranics en règlas juridicas, e la presa de poder pels religioses. E l’autor de dreissar la tièra dels paises ont l’islamisme es al poder : Arabia Saoudita, Paquistan, Iemen, Mauritania, Oman, Katar, Iran, eca… Rares son los estats arabo-musulmans qu’an saput resistir a l’islamisme e impausar un cert nombre de règlas laicas : la Tunisia (Borguibà) e la Turquia (mercés a l’armada).
La manca d’educacion ten tanben una plaça importanta dins la pujada de l’islamisme. L’autor mençona per exemple lo cas de Constantina en Argèria : de 1962 a 1986 bastiguèron un pauc mai d’un centenat de mosquèas, mas pas cap de liceu ! En 2013 lo president argerian anoncièt lo projecte de bastison de la tresena pus vasta mosquèa de la planeta per 3 milliards de dòlards, mentre que mai de 5 millions d’argerians son sens teulada ! Las escòlas coranicas son estadas implatadas pertot (12 000 al Paquistan), e s’i ensenha lo coran sonque lo coran. Lo sens critic, las scienças, la literatura, las arts son bannidas. Encloscatge, ni mai, ni mens. Se cal pas estonar s’aqueles paises an de difficultats per se desvolopar !
Una partida del libre s’interessa justament a la decadéncia dels paises arabo-musulmans. Pels islamistas aquel aflaquiment ten de doas causas : la colonisacion d’una part, e d’autra part la manca de practica religiosa ! L’autor Hamid Zanaz, demonta pro aisidament aqueles arguments. Per el la colonisacion es pas la causa de la decadéncia, mas una consequencia : los paises del magreb an pas quitat de s’aflaquir dempuèi la fin de l’edat mejana, e es aquela flaquesa que rendèt possible l’invasion europenca. Quand al segon argument, la « ficela es gròssa » ! Se vei plan la manigança dels islamistas que volon culpabilisar la populacion en invocant una colèra divina e una espròva impausada per Dieu. Per Zanaz, es exactament lo contrari, puèi qu’afirma qu’es l’exès de religion qu’impachèt l’orient de dintrar a de bon dins la modernitat.
« L’androna islamica » ven de pareisser en occitan, cò de las edicions dels regionalismes, mercés a una revirada del francés de Sergí Viaule. Es de regretar una manca de relectura del texte qu’es claufit de cauquilhas. Empacha pas que tenem aicí un libre d’un grand interés, prefaciat per Michel Onfray.
Uc Jourde

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Présidentielle 2017 : faut-il en être?

Sep 12, 2016

La présence d’un candidat du courant « régionaliste » à l’élection présidentielle en France en 2017 peut susciter un certains nombre d’interrogations dans le milieu occitaniste. Voici quelques éléments de réflexion qui pèsent en faveur d’une candidature, par Gustave Alirol.

1. Tout le monde sait que l’élection présidentielle représente, quoiqu’on pense du système présidentiel qui s’applique depuis plus de 50 ans, LE moment central de la vie politique en France, celui qui commande en très grande partie le fonctionnement du système. Pour un courant politique quelconque ne pas être présent c’est ne pas exister. Être présent c’est s’assurer une audience médiatique minimale en même temps qu’une reconnaissance politique majeure. Même si nous savons que tout ne se jouera pas pour nous sur cette seule échéance, cela permet à tout le moins d’intervenir dans le débat pour y présenter notre approche spécifique des problèmes politiques d’aujourd’hui ; et sur ce terrain nous avons des choses aussi importantes à dire que la plupart des autres courants, en tout cas des perspectives à tracer que personne ne peut tracer à notre place. D’où notre souci d’autonomie politique que jusqu’ici nous avions mis quelque peu entre parenthèses à ce type d’élection avec les conséquences que l’on sait. Sans que, d’ailleurs, la reconquête de l’autonomie du courant fédéraliste interdise en quoi que ce soit des alliances renouvelées à d’autres échéances. Mais ces alliances ne seront possibles, sérieuses et profitables (rappelons-nous les européennes de 1989) que si d’abord nous existons et sommes reconnus dans le champ politique.

2. Nous sommes entrés dans un contexte de complet renouvellement de « l’offre politique ». Cette période de recomposition, nous ne pouvons pas l’ignorer. Elle peut nous être plus que bénéfique si nous savons l’utiliser en étant présents. Est en jeu ici notre conviction quant à l’importance de notre message. Et le constat qu’aucune autre formation, aucun autre courant n’est à même de porter ce message à notre place. Tout le démontre : les dernières réformes territoriales, le refus quasiment définitif de la ratification de la Charte européenne des langues régionales sont autant d’éléments d’une régression manifeste par rapport à nos revendications. Il y va de l’avenir de nos territoires, de leurs cultures mais encore d’autres questions tout aussi essentielles, comme celle de l’avenir de la construction européenne aujourd’hui bien mal en point.

3. Le message qui est le nôtre, même s’il met l’accent sur le renouvellement nécessaire de la démocratie politique, ne nous conduit en aucune manière à laisser de côté les questions sociales et économiques, bien au contraire. Les autres courants politiques ont une vision centralisée, donc globalisée et très éloignée des réalités régionales, avec seul objectif les « comptes de la nation » et la « grandeur de la France ». La prise en compte que nous voulons de la diversité territoriale rejoint au contraire les questions économiques et sociales en les abordant au plus prés des besoins de nos populations, ce qui vaut d’ailleurs pour tous les territoires. Il est important pour nous de faire passer le message : les inégalités territoriales et les inégalités sociales se rejoignent (cf. la carte INSEE de la pauvreté en France). Le centralisme républicain, pas plus que la liberté absolue, n’est en rien un gage réel d’égalité. Seule une démocratie véritable prenant en compte les territoires peut garantir une approche de l’égalité.

4. Il en va de même des questions écologiques et environnementales, dont l’importance n’est plus à démontrer et pour la planète et pour les territoires : le « global » et le « local » sont ici complémentaires. Pour nous, il ne faut surtout pas oublier l’aspect territorial : c’est dans les territoires que doivent être mises en œuvre les politiques environnementales aptes à répondre à l’avenir de la planète. C’est aussi par cette approche-là que les problèmes écologiques planétaires peuvent le plus facilement être pris en considération par les populations. Et c’est encore la complémentarité des mécanismes d’une démocratie multi-niveaux qui peut assurer un avenir durable.

5. Par ailleurs, les questions sociétales majeures d’aujourd’hui vont entrer de plain-pied dans le débat électoral, en particulier celles liées aux phénomènes migratoires et à leurs conséquences éventuelles sur nos modes de vie. La problématique soulevée, celle de la diversité sociétale et du multiculturalisme, est souvent confondue avec celle de la diversité territoriale, alors qu’elle est fondamentalement différente. Il s’agit bien là d’un débat auquel nous ne pouvons pas ne pas participer, si nous voulons que soit levée l’équivoque utilisée contre nos aspirations : défendre efficacement les identités culturelles des territoires et, au delà, prendre en compte leurs particularités en tous domaines n’est rien d’autre qu’une exigence d’égalité démocratique et cela suppose précisément de refuser l’amalgame, sans aucun repli communautariste hors de propos à ce sujet.

6. Parmi ces considérations politiques générales, celle du risque de voir l’extrême droite accéder au pouvoir fait partie des inquiétudes majeures du point de vue de la démocratie, pour nous comme pour d’autres; d’autant plus pour nous que la difficulté à faire entendre notre message serait encore accentuée avec le retour en arrière passéiste, centraliste et antieuropéiste que cette perspective laisse entrevoir. Cependant nous refusons catégoriquement toute responsabilité dans la situation présente, et donc toute injonction à cet égard. La responsabilité de la montée du populisme ne peut qu’être imputée aux formations politiques en place depuis longtemps, dans l’incapacité qu’elles sont de répondre aux problèmes de l’époque tout en prétendant être les seules en mesure de le faire. Cette incapacité les a conduites à divers subterfuges, tels le rejet de la proportionnelle – ou à l’inverse son instillation à dose minimale à des fins politiciennes – comme elle les a amenées in fine à reprendre en sourdine le fond du discours souverainiste anti-européen et à revivifier le centralisme consubstantiel à ce souverainisme. Ce sont tous les territoires et leurs populations qui vont en souffrir, ce qui ne fera qu’alimenter encore davantage le vote populiste. Même si nous savons que cela sera difficile dans le concert médiatique organisé sur ce sujet, il faudrait accepter, dès le premier tour, de laisser carte blanche à ces formations largement responsables de la montée des populismes ? A ceux qui à gauche craignent l’absence de ce courant au second tour s’il ne présente pas un candidat unique au premier tour, nous posons la question : qu’est donc cette stratégie, sinon une énième manœuvre électorale pour empêcher l’extrême droite d’arriver ? Peut-on se contenter d’un tel stratagème et le répéter à chaque échéance au risque d’un échec complet, sans que soit présentée au moins l’esquisse d’une réponse de fond commune face aux défis de l’époque ?

Les résultats obtenus aux récentes consultations électorales par les composantes de la Fédération Régions & Peuples Solidaires dans certains territoires laissent entrevoir des possibilités qui n’existaient pas il y a quelques années. Tant et si bien que l’objectif, cette fois, n’est pas inatteignable.
Nous devons bien évidemment envisager l’éventualité de la non-obtention du nombre de parrainages requis. Mais cette éventualité n’invalide en rien la démarche. La période de pré-campagne doit être mise à profit pour travailler de manière militante à nos propositions et à leur popularisation. Ce travail ne peut en tout état de cause que nous être bénéfique ; ne serait-ce que dans l’optique des législatives de juin 2017 où nous devrons être présents.

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