La présence d’un candidat du courant « régionaliste » à l’élection présidentielle en France en 2017 peut susciter un certains nombre d’interrogations dans le milieu occitaniste. Voici quelques éléments de réflexion qui pèsent en faveur d’une candidature, par Gustave Alirol.

1. Tout le monde sait que l’élection présidentielle représente, quoiqu’on pense du système présidentiel qui s’applique depuis plus de 50 ans, LE moment central de la vie politique en France, celui qui commande en très grande partie le fonctionnement du système. Pour un courant politique quelconque ne pas être présent c’est ne pas exister. Être présent c’est s’assurer une audience médiatique minimale en même temps qu’une reconnaissance politique majeure. Même si nous savons que tout ne se jouera pas pour nous sur cette seule échéance, cela permet à tout le moins d’intervenir dans le débat pour y présenter notre approche spécifique des problèmes politiques d’aujourd’hui ; et sur ce terrain nous avons des choses aussi importantes à dire que la plupart des autres courants, en tout cas des perspectives à tracer que personne ne peut tracer à notre place. D’où notre souci d’autonomie politique que jusqu’ici nous avions mis quelque peu entre parenthèses à ce type d’élection avec les conséquences que l’on sait. Sans que, d’ailleurs, la reconquête de l’autonomie du courant fédéraliste interdise en quoi que ce soit des alliances renouvelées à d’autres échéances. Mais ces alliances ne seront possibles, sérieuses et profitables (rappelons-nous les européennes de 1989) que si d’abord nous existons et sommes reconnus dans le champ politique.

2. Nous sommes entrés dans un contexte de complet renouvellement de « l’offre politique ». Cette période de recomposition, nous ne pouvons pas l’ignorer. Elle peut nous être plus que bénéfique si nous savons l’utiliser en étant présents. Est en jeu ici notre conviction quant à l’importance de notre message. Et le constat qu’aucune autre formation, aucun autre courant n’est à même de porter ce message à notre place. Tout le démontre : les dernières réformes territoriales, le refus quasiment définitif de la ratification de la Charte européenne des langues régionales sont autant d’éléments d’une régression manifeste par rapport à nos revendications. Il y va de l’avenir de nos territoires, de leurs cultures mais encore d’autres questions tout aussi essentielles, comme celle de l’avenir de la construction européenne aujourd’hui bien mal en point.

3. Le message qui est le nôtre, même s’il met l’accent sur le renouvellement nécessaire de la démocratie politique, ne nous conduit en aucune manière à laisser de côté les questions sociales et économiques, bien au contraire. Les autres courants politiques ont une vision centralisée, donc globalisée et très éloignée des réalités régionales, avec seul objectif les « comptes de la nation » et la « grandeur de la France ». La prise en compte que nous voulons de la diversité territoriale rejoint au contraire les questions économiques et sociales en les abordant au plus prés des besoins de nos populations, ce qui vaut d’ailleurs pour tous les territoires. Il est important pour nous de faire passer le message : les inégalités territoriales et les inégalités sociales se rejoignent (cf. la carte INSEE de la pauvreté en France). Le centralisme républicain, pas plus que la liberté absolue, n’est en rien un gage réel d’égalité. Seule une démocratie véritable prenant en compte les territoires peut garantir une approche de l’égalité.

4. Il en va de même des questions écologiques et environnementales, dont l’importance n’est plus à démontrer et pour la planète et pour les territoires : le « global » et le « local » sont ici complémentaires. Pour nous, il ne faut surtout pas oublier l’aspect territorial : c’est dans les territoires que doivent être mises en œuvre les politiques environnementales aptes à répondre à l’avenir de la planète. C’est aussi par cette approche-là que les problèmes écologiques planétaires peuvent le plus facilement être pris en considération par les populations. Et c’est encore la complémentarité des mécanismes d’une démocratie multi-niveaux qui peut assurer un avenir durable.

5. Par ailleurs, les questions sociétales majeures d’aujourd’hui vont entrer de plain-pied dans le débat électoral, en particulier celles liées aux phénomènes migratoires et à leurs conséquences éventuelles sur nos modes de vie. La problématique soulevée, celle de la diversité sociétale et du multiculturalisme, est souvent confondue avec celle de la diversité territoriale, alors qu’elle est fondamentalement différente. Il s’agit bien là d’un débat auquel nous ne pouvons pas ne pas participer, si nous voulons que soit levée l’équivoque utilisée contre nos aspirations : défendre efficacement les identités culturelles des territoires et, au delà, prendre en compte leurs particularités en tous domaines n’est rien d’autre qu’une exigence d’égalité démocratique et cela suppose précisément de refuser l’amalgame, sans aucun repli communautariste hors de propos à ce sujet.

6. Parmi ces considérations politiques générales, celle du risque de voir l’extrême droite accéder au pouvoir fait partie des inquiétudes majeures du point de vue de la démocratie, pour nous comme pour d’autres; d’autant plus pour nous que la difficulté à faire entendre notre message serait encore accentuée avec le retour en arrière passéiste, centraliste et antieuropéiste que cette perspective laisse entrevoir. Cependant nous refusons catégoriquement toute responsabilité dans la situation présente, et donc toute injonction à cet égard. La responsabilité de la montée du populisme ne peut qu’être imputée aux formations politiques en place depuis longtemps, dans l’incapacité qu’elles sont de répondre aux problèmes de l’époque tout en prétendant être les seules en mesure de le faire. Cette incapacité les a conduites à divers subterfuges, tels le rejet de la proportionnelle – ou à l’inverse son instillation à dose minimale à des fins politiciennes – comme elle les a amenées in fine à reprendre en sourdine le fond du discours souverainiste anti-européen et à revivifier le centralisme consubstantiel à ce souverainisme. Ce sont tous les territoires et leurs populations qui vont en souffrir, ce qui ne fera qu’alimenter encore davantage le vote populiste. Même si nous savons que cela sera difficile dans le concert médiatique organisé sur ce sujet, il faudrait accepter, dès le premier tour, de laisser carte blanche à ces formations largement responsables de la montée des populismes ? A ceux qui à gauche craignent l’absence de ce courant au second tour s’il ne présente pas un candidat unique au premier tour, nous posons la question : qu’est donc cette stratégie, sinon une énième manœuvre électorale pour empêcher l’extrême droite d’arriver ? Peut-on se contenter d’un tel stratagème et le répéter à chaque échéance au risque d’un échec complet, sans que soit présentée au moins l’esquisse d’une réponse de fond commune face aux défis de l’époque ?

Les résultats obtenus aux récentes consultations électorales par les composantes de la Fédération Régions & Peuples Solidaires dans certains territoires laissent entrevoir des possibilités qui n’existaient pas il y a quelques années. Tant et si bien que l’objectif, cette fois, n’est pas inatteignable.
Nous devons bien évidemment envisager l’éventualité de la non-obtention du nombre de parrainages requis. Mais cette éventualité n’invalide en rien la démarche. La période de pré-campagne doit être mise à profit pour travailler de manière militante à nos propositions et à leur popularisation. Ce travail ne peut en tout état de cause que nous être bénéfique ; ne serait-ce que dans l’optique des législatives de juin 2017 où nous devrons être présents.

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