Et un dessin sur la pauvreté, pourquoi pas ?

A la fin de l’année 2013, nous nous sommes lancées dans une belle aventure : notre participation à la Maison Commune de Cavaillon (Vaucluse) qui regroupe trois associations : le Village, les Restos du cœur et le Secours populaire français. Ce projet qui n’a apparemment rien d’occitaniste l’est en réalité totalement dans son esprit, d’où notre titre. Ces trois associations, bien que différentes dans leur fonctionnement, travaillent ensemble, en parfaite harmonie, se «partageant» le public accueilli. Projet unique en France, il n’est pas né sans difficultés et ce n’est qu’au bout de trois longues années de tractations qu’il s’est enfin concrétisé. Si les Restos du cœur et le SPF sont bien connus de tous, il n’en va pas de même du Village qui est une structure tout à fait originale.

Le Village est un lieu de vie où l’on accueille un public fragile et en grande difficulté. Il dispose d’atouts majeurs tels qu’offrir sur un même lieu de l’hébergement et du logement associés à des activités de production : l’atelier maraîchage qui emploie en tout une vingtaine de personnes et propose à ses adhérents des paniers de légumes frais, cultivés de manière biologique et la fabrication de briques en terre crue. Avec la Maison Commune, le Village a ouvert un second lieu qui fonctionne en accueil de jour (thé, café, écoute, douche, machine à laver, sèche-linge et bagagerie). Le but serait que ce lieu devienne une maison où l’on puisse briser une situation d’isolement et où l’on se sente bien. Certains résidents du village participent à l’aménagement de la Maison Commune par un chantier solidaire et écologique.

Le règlement et le fonctionnement prennent en compte la grande diversité des publics accueillis et leur problématique afin de retrouver les conditions de la sociabilité. Les rencontres quotidiennes permanentes entre les personnes accueillies : ouvriers sur les chantiers, résidents, équipe des permanents et plus irrégulièrement : partenaires, anciens résidents, membres du CA, visiteurs … rendent ce lieu bien vivant et convivial. Ce n’est pas une micro société mais un espace d’échanges permettant une vraie valorisation de chacun. Il évite les principaux écueils que sont le repli sur soi et le sentiment de stigmatisation… Et… ça fonctionne !

En ce qui nous concerne, nous tenons un «vestiaire» de vêtements d’occasion, remis en état et présentés «façon boutique». Nous avons constaté que l’aspect commercial est très vite passé au second plan pour nos nombreux «clients». La plupart viennent maintenant ici surtout pour un bonjour, un sourire et… trouver des oreilles attentives. Ces échanges reposent sur un véritable partage, nous donnons, sans doute, mais nous recevons encore plus.

De nombreuses femmes isolées socialement, voire linguistiquement nous disent venir chez nous parce qu’elles y trouvent un espace où racisme et xénophobie sont absents et que c’est leur seule sortie, leur bouffée d’oxygène. Une femme apporte du pain marocain, une autre des pâtisseries, il y a même un homme réduit à vivre dans sa voiture qui nous donne des vêtements devenus trop petits.

A propos d’exclusion linguistique, nous ne pouvons qu’encore témoigner que la connaissance de l’occitan permet de communiquer avec certains migrants de pays latins, comme notamment cette catalane qui ne parle pas français et avec qui nous tenons des conversations émaillées de sacrés fou-rires ! Finalement les créateurs de la Maison Commune ont mis en application, sans en être conscients, les valeurs de la civilisation occitane classique «Convivéncia e paratge».

 

(1)     Coexistence, et jeu de mot sur « partatge » pour paratge, noblesse ; pris ici au sens éthique.

 

                                                              Bernadette Racouchot et Françoise Salice-Schmitt

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