Un de nos amis, éleveur caprin et co-responsable de la Confédération Paysanne du Var nous a fait parvenir ce témoignage d’une habitante du Pays d’Albion en Vaucluse. Plutôt que d’en faire un article, nous avons préféré en donner des extraits significatifs, sans commentaires superflus. Nous mesurons tout le désarroi de Mme Christine Fra, son auteure. Qu’elle soit assurée de notre compréhension et de notre solidarité. La défense de la faune sauvage, réintroduite ou pas, pose de façon urgente la défense des troupeaux et la volonté de vivre et travailler au pays pour nos éleveurs déjà soumis à la concurrence du marché international. Ce drame est celui d’une vie patiemment construite et vite défaite. Le troupeau a été vendu. Ce que ne comprennent pas certains « environnementalistes», « défenseurs des animaux » et encore moins les lobbies qui les soutiennent.
« Le 7 août au matin, j’étais à la distillerie (de lavande, ndlr) lorsque mon mari m’a appelée pour me dire que mes brebis étaient rentrées en bergerie. Chose anormale puisqu’elles étaient enfermées dans le parc. Il les a alors cherchées et là l’horreur s’est affichée en plein jour. Sur le chemin qui descendait au parc, tous les 100 mètres à peu près, une brebis égorgée, intacte, seuls 4 crocs très visibles sur la gorge, il en a compté 4. Dans la direction opposée à la bergerie, sur la suite du chemin après le parc, 4 autres sur 1 km de distance. Sur les 8, seule une épaule a été consommée. Il nous a fallu 3 jours à 9 personnes pour rassembler la totalité du troupeau. 5 n’ont jamais été retrouvées. Il a fallu que je tienne dans mes bras 8 autres brebis pendant que le vétérinaire les euthanasiait, toutes avec des traces de crocs dans la gorge. J’aurais aimé que les « pro-loup » soient là pour les tenir et qu’elles vous regardent bien dans les yeux et que les leurs s’éteignent. (…)
Mon voisin également éleveur a été attaqué 10 jours plus tard, 9 brebis mortes, aucune consommée.
Le 4 septembre c’est grâce à sa voisine que le loup n’a tué qu’une brebis. Il a dû dormir jusqu’au mois de novembre dans une caravane au milieu de son parc de brebis ; nous habitons à 1100 m d’altitude et au mois de novembre, sans chauffage. Travailler oui, mais pas comme çà !
J’ai vendu mon troupeau, mon voisin ne va pas tarder à faire de même, et bientôt il n’y aura plus d’éleveurs. Les montagnes et collines ne seront plus pâturées, les pistes de skis ne seront plus tondues, les feux de forêt pourront ravager la Provence.
Il y a 15/20 ans nous donnions l’alerte aux autorités sur la prolifération des sangliers, on nous riait au nez. Et maintenant ? Les villes et villages sont envahis. Le sanglier dans certains départements est même classé nuisible ! Le loup n’a aucun prédateur, même pas les chasseurs. Qu’adviendra-il dans 15 ou 20 ans pour le loup ? Une louve porte 4 à 6 petits par an. Tout comme le sanglier il envahira les villes et villages car les ordures urbaines sont aussi intéressantes pour eux que pour les sangliers. Alors peut-être que nous, les anciens éleveurs, on pourra remettre des brebis car les loups auront déserté nos campagnes
Merci aux pro-loup, et à la « directive habitat » de l’Europe de m’avoir permis de prendre pour la première fois en 20 ans d’élevage 15 jours de vacances en novembre, de n’avoir plus à subir la pluie lors des jours de garde, ou d’être piquée par le mistral. C’est la colère qui s’installe peu à peu. Le devenir de tous les élevages français semble de plus en plus compromis.
Un collaborateur d’un ministre de l’agriculture en 1994 avait dit à mon mari que l’Europe destinait la France au bronzage, et que nous mangerions de la viande polonaise, roumaine et hongroise. Les légumes, ce serait l’Italie et l’Espagne. Dure réalité, et que nous fera-t-on manger ? Du chat pour du lapin ? Des légumes sulfatés avec des produits hautement cancérigènes interdits en France depuis 10 ans ? La mort de l’agriculture Française est programmée depuis longtemps.
L’Europe s’en prend même à l’huile essentielle de lavande ! Elle a classé ce produit naturel en produit chimique. Les producteurs mènent le combat, on aura certainement besoin de tous les Provençaux et même de tous les utilisateurs d’huile essentielle, pour combattre cette hérésie. Si l’application de la directive REACH devient effective, sur tous les produits contenant 0.05 % d’huile essentielle on devra apposer des étiquettes avec le poisson mort, les poumons qui explosent, et la croix de St-André. Qui va acheter nos produits après çà ? Sans compter les dossiers à remplir pour distiller les plantes. Bref de beaux combats en perspective. La Provence sans lavande, ce ne sera plus la Provence. Vive l’Europe ! J’ai été bavarde, mais je ne sais pas si j’ai su vous expliquer ce que l’on ressent dans des moments pareils, je l’espère. Cordialement. »
Christine FRA. Pays d’Albion en Vaucluse