A l’heure où les pays développés et leurs élites peinent à retrouver la recette de la croissance et à réduire le chômage, ils me donneraient presque des complexes ces professionnels de la politique ou ces journalistes qui se disent spécialistes en économie ! Ils assènent, toujours avec quelques chiffres à l’appui, un certain nombre de « vérités » sur le sujet ! Les chiffres ça pose, ça donne une couleur scientifique au discours. Il y a l’affirmation permanente ( un peu trop, donc suspecte) que leur discours est ancré dans « la réalité ». Une pincée de banalités du genre « les faits sont têtus ! » ou « on ne peut aller contre les chiffres ! » et le tour est joué.
Et si vous voulez jouer vous aussi, les économistes n’oubliez pas quelques affirmations péremptoires comme : « Il n’y a pas de création d’emplois sans croissance et la relance de la consommation fait la croissance ».
C’était vrai durant la période de croissance débridée de la deuxième moitié du XXème siècle, ça ne l’est plus.
Ils me foutraient bien des complexes ces économistes s’il n’y avait pas aujourd’hui des faits (têtus?) qui leur donnent tort. Et ces faits sont aussi chiffrés, et ce sont leurs chiffres. Ainsi on voit que la croissance (telle qu’ils la définissent) augmente un peu mais que chômage augmente aussi.
Je ne prétends pas être un grand économiste mais je crois savoir ce qu’est une corrélation et un lien de causalité. Je peux affirmer qu’il n’y a plus de lien de causalité entre la croissance archaïque qui sert toujours de référence, et la création d’emplois. C’est fini !
Ceux qui nous promettent des lendemains qui chantent, si la croissance repartait, ne disent pas la vérité.
À ceux qui pleurent sur le fait que la consommation des biens est en panne et que c’est pour cette raison que le chômage monte, je leur dis que tout cela a vécu.
Ce que je dénonce est le discours de quasiment toute la classe politique traditionnelle. Ils vivent sur des concepts dépassés, sur des mythes d’une culture économique du siècle d’avant, de l’époque où l’on produisait, où l’on consommait où l’on faisait travailler les hommes en bouffant le capital. Celui-ci, c’est la planète ; l’air, l’eau, la terre, ce capital qui appartient à tous. Et à force de bouffer le capital, ces biens que l’on croyait autrefois gratuits (eau, air, terre,espace…) deviennent chers. Et ce faisant, ils sont convoités et sont à l’origine de conflits graves, destructeurs, mortels pour beaucoup d’enfants, de femmes et d’hommes.
Ils me donneraient des complexes avec leur aplomb qui consiste à ne pas vouloir changer de registre (eux disent «logiciel» , ça fait plus moderne).
Leur monde est mort, et ils nous font de l’économie par inertie. Ils ne savent pas proposer autre chose. Ils ont peur de dire que la façon de travailler, de produire, de consommer que nous avons connue est désuète, nuisible à tous.
L’heure est venue pour les plus riches de partager. Il n’y aura pas toujours plus pour toujours plus d’humains sur Terre ! C’est fini. On peut mathématiquement expliquer que la croissance exponentielle est une illusion. Je pourrais dire que moi aussi : « j’ai les chiffres » sans prendre aucun risque de me tromper.
On ne remplacera pas des centaines de millions de voitures thermiques par des millions de voitures électriques, par exemple. On ne donnera à 9 milliards d’humains le niveau de consommation d’un européen ou d’un américain !
Mais partager c’est difficile, surtout dans une société où consommer est devenu un style de vie, un but, un statut social même, jusqu’à devenir une sorte de projet de vie porté par tout un système, y compris le système éducatif.
Mais soudain, je suis pris d’une angoisse. Comme il est devenu difficile à des responsables publics de dire : « nous nous sommes tous trompés, vous ne reverrez pas la société du plein emploi de vos parents » je me demande si, finalement, ceux qui continuent à nous dire que l’on peut bouffer le capital sans soucis ne nous mènent pas inconsciemment (j’en vois déjà qui pensent que c’est consciemment) vers les conflits dont je parlais plus haut. Et de se réjouir presque des marchés ouverts par la reconstruction future de la Syrie, de la Libye…Eh oui ! il y a de la croissance en vue, de la compétitivité à exalter. Finalement, cette logique poussée jusqu’au bout est peut-être la bonne. On détruit, on massacre, et derrière ça fait de l’activité, de la demande, de la consommation, de la production et donc de l’emploi. Serais-je devenu cynique ? Non, j’ai les chiffres ! Ça marche ! De toute façon les larmes, les souffrances, la faim n’affectent pas la croissance. Mais en y réfléchissant un peu…ça peut la pousser à la hausse.
David Grosclaude