C’était il y a 500 ans le 31 octobre 1517, le moine Luther placardait à Wittenberg en Saxe ses 95 thèses contre le trafic des indulgences pontificales. Ce fut la rupture définitive avec Rome, qui donna naissance à la R.P.R. (Religion Prétendue Réformée), c’est-à-dire au Protestantisme. La reine de Navarre Jeanne III d’Albret se convertira à la Réforme, qui se répandra dans tous ses domaines.

Un caractère bien trempé.

Jeanne d’Albret est la fille d’Henri II d’Albret roi de Navarre et de Marguerite d’Angoulême sœur du roi de France François 1er . Elle naît en 1528 à Saint Germain en Laye. Elle n’a que 13 ans quand son oncle François 1er décide de la marier au duc de Clèves. Malgré son jeune âge, elle tient tête au roi et le jour de la cérémonie il faudra, dit-on, la pousser physiquement à l’autel… mais à la requête de son père, ce mariage sera annulé par le pape Paul III.
De fait, en choisissant lui-même un mari à Jeanne d’Albret, François 1er voulait entre autres éviter que ses parents ne la marient à l’infant d’Espagne, le futur Philippe II fils de Charles Quint, ce qui aurait été fort inquiétant pour le roi de France vu la proximité des domaines d’Albret avec l’Espagne.
Il faut savoir que le roi de Navarre – et après lui la reine Jeanne- possède aussi, outre la Navarre et le Béarn, le comté de Foix, les territoires des Landes à l’Agenais et du Périgord à la vicomté de Limoges.
Alors après la mort de François 1er, c’est son fils le nouveau roi Henri II qui poursuit cette même politique, malgré l’hostilité des parents de Jeanne. Mais là c’est elle-même qui choisira son époux en la personne d’Antoine de Bourbon « premier prince du sang ». Le mariage sera célébré le 20 octobre 1548 à Moulins. Le jeune couple aura cinq enfants dont deux seulement survivront: une fille Catherine et surtout un garçon Henri, le futur Henri III de Navarre puis Henri IV de France.

Jeanne reine de Navarre… et des Huguenots

Après la mort de son père Henri II, elle monte sur le trône de Navarre le 25 janvier 1555, sous le nom de Jeanne III d’Albret. Il faut rappeler ici qu’en Occitania les femmes héritaient à égalité avec les hommes, votaient et étaient éligibles comme « Cap d’ostau » dans les vallées pyrénéennes notamment, et que ce droit leur fut retiré de fait par la législation masculine des Jacobins à la Révolution!
Par sa fermeté et son énergie, elle garantira l’indépendance de son royaume. Très tôt elle favorise l’implantation de la réforme protestante, mais elle ne rompt pas dans l’immédiat avec l’Eglise catholique. Ce n’est qu’en 1560 qu’elle franchit le pas définitivement à la cour de Nérac et se convertit au protestantisme de Calvin, dont elle fait la religion de son Etat (ordonnance du 19 juillet 1561)… tandis que son mari Antoine de Bourbon affiche plutôt ses sympathies pour le catholicisme…
Après la mort de ce dernier en 1562, elle prend une série de mesures en faveur de la Réforme en Béarn dont voici quelques exemples :
– Publication du catéchisme de Calvin en béarnais (1563);
– Fondation d’une académie protestante à Orthez (1566) ;
– Rédaction de nouvelles ordonnances ecclésiastiques (1566 ; 1571) ;
– Traduction du Psautier de Marot en béarnais, par Arnaud de Salette (1568) ;
– Traduction du Nouveau Testament en basque, par Jean Liçarrague (1571) …
Mais cette politique suscite une opposition telle de la part des Catholiques, que Jeanne d’Albret finit par leur interdire le culte et à expulser leur clergé en 1570.

Femme politique habile et déterminée

Entre temps (1568), Jeanne d’Albret qui a pris la tête du parti protestant doit soutenir ses partisans contre une coalition catholique durant la 3e guerre de religion qui se déroule au nord-ouest de l’Occitania. En compagnie de son fils Henri âgé de 15 ans, elle se rend à La Rochelle qu’elle administre elle-même en toutes choses, avec l’appui de Louis 1er de Condé et de l’amiral de Coligny pour les affaires militaires. En mars 1569 Condé est tué, elle tente de conserver le soutien des princes étrangers alliés. Grâce à l’énergie communicative de Jeanne d’Albret, le parti huguenot résiste.
Mais après la bataille de Moncontour, qui voit la défaite des protestants le 3 octobre 1569, elle est contrainte d’accepter une négociation avec le parti catholique français. Ce sera alors la « paix de Saint-Germain », où par son habileté politique elle réussira non seulement à conserver La Rochelle, mais de plus elle obtiendra d’autres places comme Montauban, Cognac et La Charité, même si Jeanne devra souvent protester contre la mauvaise application de ce traité.

Ensuite elle entamera de difficiles négociations à Paris, pour unir son fils Henri à Marguerite de Valois, fille de Catherine de Médicis. Le mariage est fixé au 18 août 1572, mais Jeanne III d’Albret meurt subitement le 9 juin et aujourd’hui encore les causes de ce décès ne sont pas clairement établies. Son fils devient le nouveau roi Henri III de Navarre. Et quelques jours après son mariage, c’est le massacre de la Saint-Barthélémy dont le futur Henri IV réchappera de justesse…

Les « Provinces Unies du Midi »

Les Protestants occitans s’organisent en communautés autonomes regroupées en synodes. Après les massacres de 1562 à Toulouse et ceux de 1572 lors de la Saint-Barthélemy qui font des centaines de victimes huguenotes, se constitue un Etat séparatiste fédéral, que des historiens appelleront les « Provinces-Unies du Midi ». La Rochelle, Montauban, Castres, Milhau, Nîmes, les Cévennes… se révoltent contre le roi de France.

En 1573 les Etats Généraux de l’Union créent un Gouvernement Général, dont la tête prend le nom de « Protecteur » ou « Général en Chef de l’Union », ce qui correspond au « Stathouder » hollandais. Henri de Condé en sera le premier titulaire, puis ce sera Henri de Montmorency-Damville et enfin Henri de Navarre.
Le « Protecteur » sera assisté d’un Conseil permanent formé de députés de chaque province membre de l’Union. Cette Assemblée Générale vote les lois et les impôts. De même, chaque ville adhérente, comme Montauban et Milhau, pourra s’ériger en une « république » communale avec deux assemblées élues et séparation des pouvoirs; celles-ci élisent les délégués pour siéger aux assemblées provinciales. C’est l’embryon d’un Etat fédéral, qui repose sur l’autonomie des pouvoirs locaux en appliquant le principe de subsidiarité.
« Une réussite totale de la politique méridionale après la Saint-Barthélemy aurait conduit les provinces du sud à des structures suisses ou néerlandaises », écrit alors un conseiller de la couronne. A noter que le terme « Huguenot » désignant les Protestants vient de l’allemand « Eidgenossen », qui veut dire « confédérés ».
Georges LABOUYSSE

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