Les nouvelles régions, issues des fusions imposées par l’Etat plus centralisé que jamais, se mettent en place. Mais quel nom leur donner? Pour plaire au Prince, certaines ont déjà renoncé à leur identité et deviennent des Haut(istes) de France, tandis que d’autres voguent vers un « Grand Est » tout aussi vague, qui pourrait s’étendre jusqu’à la Sibérie avec sa capitale européenne Strasbourg! Ainsi se réaliserait la prophétie du conventionnel jacobin Chaumette le 15 décembre 1792: « Le terrain qui sépare Paris de Moscou sera bientôt francisé, municipalisé, jacobinisé… », ce que Napoléon voulut réaliser, mais le retour par la Bérésina ne fut pas concluant!
Et en Occitanie? Les PACA(iens) conserveront-ils leur sigle de « farlabique », tandis que l’Aquitaine se retrouverait toujours APOIL (Aquitaine-POItou-Limousin)? Quant à la région Languedoc-Midi Pyrénées, les Jacobins de tout poil oseront-ils la transformer en SDF (Sud de France), alors que tous les sondages placent le vocable « Occitanie » en tête?
Occitanie! le nom qui fâche… même chez certains occitanistes. Il est vrai que l’espace occitan s’étend sur plus de trente départements, sur le Val d’Aran et sur des vallées alpines d’Italie. Mais justement c’est l’occasion de l’inscrire sur une carte du monde, même si l’on doit y accoler un qualificatif historique ou géographique: Occitanie provençale, Occitanie gasconne, ou simplement « Occitanie » pour l’ancien Languedoc historique, dont le sigle OC contient à la fois les initiales de l’Occitanie et de la Catalogne…
Enfin pour répondre aux « négationnistes » qui attribuent l’invention du mot Occitanie à quelques universitaires du 20e siècle, voici son histoire.

Appellations successives

L’espace occitan s’étend entre deux mers (Atlantique et Méditerranée) et trois montagnes (Alpes, Pyrénées et Massif auvergnat). Il est au carrefour des grands axes de communication entre l’Europe et l’Afrique: arc atlantique, arc latino-méditerranéen et arc Rhône-Rhin. Depuis un millénaire d’existence, il connut plusieurs appellations successives suivant les époques et les événements politiques.
– Ainsi jusqu’au XIe siècle, on appellera « Aquitaine » l’ensemble des régions suivantes: Provence, Languedoc, Gascogne, Dauphiné et les anciennes Aquitaines romaines.
– Du XIe au XIIIe siècles, l’ensemble des pays de langue d’Oc (appelée aussi langue provençale) au sud de la Loire seront désignés par le terme de « Provence » ou « Provincia ».
– « Occitania » à partir du XIIIe siècle: ce terme créé en latin par l’administration capétienne rassemble tous les pays de langue occitane. Mais après l’annexion de tous les territoires occitans par la France, le terme Occitania sera réservé à la seule province du Languedoc, qui comprend la majorité des pays de la nouvelle région s’étendant aujourd’hui… de l’Adour au Rhône!
– Après l’édit de Villers-Cotterêts par François 1er, « on appelle du nom général de Gascogne et de Gascons, les pays et les peuples situés à la gauche de la Loire où on parle encore l’ancien provençal » (Dom Vaissette)…

Ancienneté du terme « Occitanie » ou « Occitania »: quelques dates.

1246: « Des marchands de Montpellier et de la Langue d’Oc (= terme générique désignant les territoires de langue occitane) participent aux foires de Champagne et de Brie »
« Le pays de Languedoc comprenait alors tous les peuples qui parloient la langue provençale, c’est-à-dire les provinces méridionales du royaume » (Dom Vaissette)

1291: « Joanne Christiani, capitanéo Montipessali et mercatorum Provincialum de lingua que vulgariter appelatur lingua d’Oc »

29 mai 1308: consistoire de Poitiers d’où il ressort que le roi de France règne sur deux nations différentes : la lingua gallica et la lingua occitana.

1318: « La Langue d’Oc ne peut se gouverner par la monnaie de Paris » (Dom Vaissette)

A partir de 1346, le roi Philippe VI convoque des assemblées de Languedoc à Toulouse. On parlera alors de la « Republica lingue Occitana » en avril 1357 et on relèvera en 1439 les expressions: « Status linguae Occitanae » ou « Statibus patrie Lingue Auxitane ».

1381: Le roi Charles VI considère que son royaume comprend deux parties : les pays de langue d’Oc ou Occitanie et les pays de langue d’oil ou Ouytanie !…(… quas in nostro Regno occupare solebat tam in linguae Occitanae quam Ouytanae…)

En 1634, Richelieu convoque un « Conventus Occitaniae »: des « jetons de présence » porteront cette appellation, la date, et aussi la croix occitane. Cette croix de Saint-Gilles, emblème de l’ancien Comté de Toulouse, sera dès lors celui des États du Languedoc et des Conventions de 1634 à 1792.

Sur l’esplanade du Peyrou à Montpellier, une plaque apposée sur la statue équestre de Louis XIV commémore la tenue d’une « Comitia occitaniae » en 1701 en présence du roi. On retrouve cette même appellation avec la croix occitane sur une face des jetons, tandis que le portrait de Louis XIV figure sur l’autre face. Ainsi les « Etats du Languedoc » sont appelés « Comice d’Occitanie », les termes de « Languedoc » et « Occitanie » étant synonymes.

Quel avenir pour l’Occitanie?

La nationalité occitane n’a pas accédé au rang d’Etat souverain tel qu’on l’entend aujourd’hui, mais dans notre histoire, les territoires du sud de la Loire ont connu à plusieurs périodes une existence autonome ou même indépendante: Novempopulanie romaine, royaume wisigoth, royaumes d’Aquitaine (Toulouse et Bordeaux), duchés de Guilhem IX et d’Aliénor, royaume de Navarre, royaume d’Arles… Du Xe au XXe siècles, les Occitans ont maintes fois réagi pour maintenir ou recouvrer leur autonomie voire leur indépendance menacée ou perdue. Et aujourd’hui encore la République « une et indivisible », embourbée dans une idéologie d’un autre âge, ne peut tolérer l’existence de Français de langues et de cultures différentes, ni d’une organisation territoriale cohérente tenant compte des réalités historiques, mais aussi géographiques, socioculturelles, économiques, environnementales… et fiscales. « Il y a une légende sur le Midi » disait Jaurès en 1907. Alors une fédéralisation de la république est plus que jamais vitale.

Georges LABOUYSSE

Extrait de l’« Histoire Générale de Languedoc » par Dom Devic et Dom Vaissette (1730) –
Tome 6 – P. 935 et suivantes (rééditée en 2004)

« Les trois sénéchaussées dont on vient de parler au chapitre ci-dessus, après que celle de Toulouse eut été réunie à la couronne, en 1271, firent partie de ce qu’on appela depuis La langue d’Oc, qui comprenait les provinces méridionales de France […]
On partageoit donc alors le royaume, comme dans les deux siècles précédents, en deux parties, France & Provence, à cause des deux différents idiomes dont se servoient les peuples qui les habitoient, idiomes si différens l’un de l’autre que les peuples de Provence & de Languedoc regardoient encore, vers la fin du quatorzième siècle, la langue françoise comme un langage qui leur étoit étranger & absolument inconnu. […]
La langue provençale qu’on parloit alors dans la Province est à peu près la même qu’on y parle encore aujourd’hui. On l’appeloit provençale parce qu’elle étoit commune à tous les peuples de la Provence prise en général, c’est-à-dire à près de la moitié du royaume ; on la parloit aussi, au treizième siècle & au commencement du suivant, dans le Roussillon, la Catalogne, l’Aragon & le royaume de Valence […]. »

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