Celles et ceux qui ont suivi les résultats municipaux dans notre région ont sans doute douloureusement ressenti des scores pas vraiment surprenants : Une vague bleue, brune, noire qui s’abat sur une Provence qui souffre et se renferme de plus en plus sur elle-même. Pour illustrer le propos je vais relater 3 dialogues tirés des échanges qui remontent du terrain aixois à l’occasion de porte- à- porte ou de tractages.
Dans un quartier populaire
Electeur N°1 : Vous êtes qui, droite, gauche ?
Colistier N°1 – Réponse N°1 : Gauche, PS…
Electeur N°1 : – le ton monte – Avec Hollande on a déjà donné. Mon ennemi c’est la finance, y disait ! Nos vies n’ont pas changé. Au contraire c’est de plus en plus dur. Le loyer, les charges, le chômage, les petits boulots, les contrats précaires c’est toujours pour nous. Et les cadeaux toujours pour les patrons. Justice sociale, mon cul, ouais… Quand on est jeunes les TUC, les trucs, c’est la galère. Ya rien et dans ce quartier c’est pire. Et puis la gauche vous venez nous voir quand vous avez besoin de nous. Ça fait 12 ans que vous nous avez abandonnés… Alors là, nous on passera notre tour.
Colistier N°2 – Réponse N°2 : Nous sommes régionalistes, autonomistes, occitanistes… du Partit Occitan
Electeur N°2 : – Qui coupe l’extra-terrestre en face de lui – Cycliste, pompiste ? De quoi, on connaît même pas ! Qui ? Ouais, Guerrera ? D’accord, mais bon ça change quoi ?
Bon, certes la partie quartier huppé est plus longue, mais il y a un personnage en plus. Dans un quartier huppé :
Concierge N°1 : Interdit d’entrer dans la résidence, circulez ou j’appelle la police. D’ailleurs comment vous êtes rentrés, avec quel code, on va porter plainte !
Electeur N°3 : – quand on a contourné le cerbère : « Vous êtes qui, droite, gauche ? »
Colistier N°3 : Gauche, PS…
Electeur N°3 – Qui coupe poliment le colistier – : On paye trop d’impôt et nous venons d’arriver à Aix. C’est beau, so typical ! On ne va pas voter à gauche tout de même… Sous-entendu de l’électeur N°3 : à 10 000 € le m2, on ne va pas avoir un maire qui agit pour les pauvres avec nos sous tout de même.
Colistier N°4- Réponse N°4: Nous sommes régionalistes, autonomistes, occitanistes… du Partit Occitan.
Electeur N°4 : Moi vous savez j’habitais à Neuilly avant, alors je ne sais pas de qui ou de quoi vous parlez.
Colistier N°4– De l’histoire et de la langue de ce pays…
Electeur N°4 : Nous on est venus pour le soleil et la retraite, alors le reste…
Dimanche soir le rideau est tombé sur une ville et une région plus que duales où la péri- urbanité fait tant de dégâts. Ces quartiers fermés dont certains tombent déjà en déshérence comme les villes nouvelles de la région parisienne sont des bombes sociales à retardement. Aujourd’hui huppés, ils apportent la réserve de voix dont la droite a besoin. Demain, car la vie a été pensée sans service et sans centralité, ils réaliseront leur degré d’éloignement et d’enfermement. Ils deviendront alors des poches criantes de désespoir et fourniront au FN un nouveau et large terreau d’expansion.
Démobilisés les quartiers populaires, et comment ne pas comprendre la force de leur argumentation, ne votent plus ou plus massivement à gauche comme ce fût le cas dimanche. Ce faisant ils donnent aussi raison à la personne qui a dit un jour : Vous n’aurez jamais dans ce pays une majorité pour le FN. C’est vrai ! Mais une majorité de votants, là, c’est différent.
Finissons un bien sinistre tour d’horizon par une analyse que bien peu de medias ont relevée. Les municipales étaient l’occasion de réaffirmer un lien de proximité entre élu et électeur. Dans la problématique du « tous pourris, tous les mêmes, la place est bonne… », le maire était épargné et la participation restait convenable. Ces élections ont montré que les municipales avaient un caractère mineur, bénin. La seule élection importante aux yeux des français est désormais la présidentielle.Autrement dit le centralisme étatique qui étouffait déjà financièrement les collectivités territoriales va finir de les asphyxier politiquement.
Une note d’espoir pour conclure : dans l’entre-deux guerres sont apparus le parti provençal et les premiers occitanistes de Ricard à Camproux, en passant par Reboul ou Rouqette. Ils étaient animés de l’esprit de résistance et ont ouvert la voie à l’occitanisme culturel comme à la prise de conscience politique des années 1970. S’ils ont payé cher des engagements risqués dans des temps troubles, ils sont notre modèle pour rebâtir. Ils nous rappellent que nous devons pour avancer ne pas céder sur nos fondamentaux sociaux, culturels, écologiques. Mais l’espoir est là. Leur mémoire comme celle de Frédéric Mistral, dont on célèbre le centenaire de sa disparition, a su parvenir jusqu’à nous. Quelle que soit la profondeur de la nuit, quel que soit le niveau de désespérance il appartient, à la politique, la vraie, la noble, héritée de nos ancêtres grecs et romains, de montrer la lumière sociale et sociétale et d’éclairer le chemin.
Ribon, ribanha trobarem la dralha e veirem, un béu jorn, s’espandir, au luench, mai davans nostreis uèlhs e lo còr estrambòrdat, BERRA !
Hervé GUERRERA