Le 11 mars 2011,un tremblement de terre provoquait un gigantesque tsunami puis la plus grande catastrophe nucléaire depuis Tchernobyl. Dans « Pièces à conviction » du 26/02/14, FR3 diffusait un reportage sur le Japon aujourdhui. La France nucléaire a-t-elle évolué en conséquence?

La mer

À Fukushima, le désas tr e s e perpétue. Les coeurs en fusion et les combustibles usés sont refroidis en permanence. L’eau récupérée s’amonc elle dans des centa ines de conteneurs fabriqués à la hâte. Des fuites non contrôlées permettent à 300 tonnes d’eau très radioactive de se déverser tous les jours dans le Pacifique.

La pêche est interdite jusqu’à 40 km des côtes et un filet en acier a été tendu dans la mer pour emprisonner les poissons contaminés. Mais l’eau suit les courants et malgré les analyses rassurantes de l’Institut japonais de recherche météorologique, les particules radioactives gagnent peu à peu tout l’Océan Pacifique.

Dans un supermarché suisse, du thon et du cabillaud qui en provenaient contenaient du césium 137 et 134, preuve de contamination par Fukushima. Les doses étaient certes en dessous des doses officielles de dangerosité mais selon la CRIIRAD, il n’y a pas de dose inoffensive, le premier rayon bêta ou gamma peut être à l’origine d’un cancer futur.

 

La terre

La population a été évacuée très tard, d’abord dans un rayon de 20 puis de 30 km. La zone d’évacuation a ensuite été remodelée selon le parcours du nuage nucléaire. Les habitants sont donc revenus dans des zones à 20 km, s oi- disant décontaminées : la terre, grattée sur 5 cm, a été mise dans des sacs noirs, empilés dans des centres de stockage, puis dans des champs le long des routes. Qu’adviendra-t-il quand les sacs se décomposeront?

Les bâtiments ont été passés au karcher mais les particules radioactives, entraînées par l’eau, ont formé des poches de pollution dans le sol. L’eau récupérable est évacuée directement dans les rivières voisines. Des appareils à mesurer la radioactivité en temps réel ont été posés devant chaque école.

Les compteurs « affichaient une radioactivité trop élévée » selon le gouvernement. N’ayant pas obtenu du fabriquant américain qu’il modifie ses normes internationales, il a installé ses propres compteurs à côté des autres. Quand le compteur américain affiche 0,9 microsievert par heure, le compteur gouvernemental affiche 0,14 microsievert, en des sous du taux officiel de 0 ,23 microsievert/h.

Le taux admissible international es t de 0,1 mic rosievert /h. Les Japonais, exaspérés par les mensonges continuels du gouvernement et de Tepco, ont formé des dizaines d’associations indépendantes pour mesurer eux-mêmes la radioactivité. Ils découvrent des taux 10 ou jusqu’à 40 fois supérieurs aux doses admissibles.

 

La santé

Les cancers de la thyroïde sont quinze fois plus nombreux qu’ailleurs. Le gouvernement a mis en place une étude épidémiologique sur les 360 000 enfants de la région mais, là aussi, prat ique la dissimulat ion. Les résultats arrivent au nom de l’enfant avec la mention « privé » ! et suivant les catégories, en cas de kystes et nodules de moins de 20 mm, l’enfant doit attendre deux ans pour un nouvel examen.

Scandalisés, les parents font appel à des médecins indépendants pour le dépistage mais se sentent tr ahis et a bandonnés dans des zones où ils ne devraient pas habiter selon les normes de Tchernobyl. « Nous sommes assassinés à petit feu » déclare la présidente d’une association d’Iwaki.

La campagne d’intoxicat ion lancée par le gouvernement japona is et r epris e à l’env i pa r les médias français tend à démontrer que les Japonais veulent à tout prix revenir dans les zones évacuées. En fait, fin 2012, la gratuité des logements pub lic s va cants pour les réfugiés a été limitée à la préfecture de Fukushima. Des abris provis oires ont été cons truits mais presque tous dans les zones contaminées. Lor sque l’État décrète qu’une zone décontaminée est désormais habitable, ils n’ont plus droit à une indemnité ni au suivi sanitaire gratuit et aucun espoir d’un logement décent. Ils sont donc ob ligés de revenir là où ils s e savent condamnés à plus ou

 

Fukushima et Tchernobyl ,laboratoires du lobby nucléaire

Fukushima a démontré qu’une catastrophe nucléaire est possible partout. La réponse des gouvernements en place est la même : impuissance, mensonge, mépris, autoritarisme. Ce qui se passe au Japon comme à Tchernobyl préfigure ce qui nous attend.

En décembre 2013, le gouvernement Abe a fait voter malgré une opposition massive de la population, une loi de Protection des Secrets d’État : il s’agit de museler la presse et les lanceurs d’alerte et surtout d’empêcher les informat ions sur Fukushima de gêner les futurs J.O.

Le 13 mars 2014, un séminaire international du lobby nucléaire s’est tenu à Paris. Sa teneur : améliorer les relations entre “experts” et populations ayant fait le choix de rester en zone contaminée, les gens doivent apprendre à « vivre sous contrainte radiologique » i n t é g r e r dans leur vie quot idienne la « radio-activité comme composante nouvelle de l’environnement ». C e travail a déjà été planifié en France par le CODIRPA (Comité directeur pour la gest ion de la phase post accidentelle).

Le ministère de l’agriculture français a également préparé des consignes pour la gestion du risque alimentaire en cas d’accident. Le Parlement européen a voté un texte dans ce sens en octobre 2013: pour les situations d’«exposition existant e », c’est-à-dire la contaminat ion persistante après un accident, nous aurons le droit de subir jusqu’à 20 milli-sieverts/an, chiffre retenu au Japon pour le retour dans les zones contaminées.

 

Si sûres centrales…

Dès 2011, l’IRSN constate une corrosion des gaines de combustibles en Zircaloy dans 25 des 58 réa cteurs. La corrosion n’a pu que s’accroître et représente un risque majeur. En septembre 2013, l’IRSN signale un défaut systémique dans les centrales de 1300 MW : le refus de fermeture des disjoncteurs, qui peut amener à la perte d’alimentation électrique, donc à l’impossiblité de refroidir les réacteurs comme à Fukushima. EDF a refusé d’en rechercher les causes. Début février 2014, le rapporteur de l’ASN devant le Parlement s’inquiète d’un problème de maintenance des réacteurs « EDF est débordé par des travaux qu’ il a lui même décidés » : délais doublés par rapport au planning initial, matériaux de mauvaise qualité, éléments montés à l’envers, pressions sur les sous-traitants.

 

Notre kwh, le moins cher d’Europe

Fin février 2 014, Greenpeace publie le résultat d’une étude commandée à l’agence Wise-Paris sur le coût de prolongation de la durée de vie de 40 à 60 ans des 56 réacteurs (hors Fessenheim). EDF a prévu un milliard par réacteur, pour Wise- Paris, ce serait 1,35 milliards pour une sûreté au niveau actuel et 4 milliards pour une sûreté équivalente aux normes post Fukushima. Or, le nouveau projet du gouvernement, initié par la patron d’EDF «ministre fantôme de l’énergie», est de construire de nouveaux réa cteurs EPR sur les sites des anciens.

Les grands travaux de maintenance des réa cteur s, pr év us à partir de 2015, coûteraient 100 milliards et il en faudrait 200 de plus pour en reconstruire autant entre 2030 et 2067. Le numéro 2 d’EDF a reconnu devant les députés que la f acture pourr ait a t teindre 2 40 millia rds . Le coût tota l de 3 00 milliards équivaut à celui de la sortie du nucléaire et son remplacement par des renouvelab les. Et n’est pas inclus le coût exponentiel du démantèlement des réacteurs et la gestion des déchets.

 

Une mort à crédit

EDF, comme Tepco au Japon, s’évertue à nous cacher des informations cruciales sur la sûreté des centrales, le prix exact du nucléaire et l’impac t d’une c atastrophe éventuelle. Les prescriptions de l’ASN et de l’IRSN sont toujours repoussées à plus tard, la loi sur la transition énergétique va devenir une « loi sur l a s tratég ie b as – c a r b o n e » (a vec la c onstruct ion d’EPR), les cr édits alloués à la sûreté nucléaire ont baiss é. Un accident peut arriver d’un jour à l’autre et le gouvernement semble l’avoir accepté. « Hollande est en train d’imposer ce que Sarkozy n’a pas pu faire , l’ irreversibilité de l’option nuc léaire en France » (Médiapart).

Sommes-nous prêts à accepter qu’un accident, ici, pollue l’Hexagone et l’Europe pendant des milliers d’années, à vivre une existence amputée des plaisirs les plus simples, à être pris comme cobayes ? Nous devons protéger nos enfants. Nous pouvons diminuer notre consommat ion d’électricité de 30%, les Japonais l’ont fait. Assez des arguments c onv enus du retour à la bougie, du risque inhérent aux technologies, le risque nucléaire est sans commune mesure, une centrale suffit à polluer un continent. Ce n’est pas dans dix ans qu’il faut arrêter les centrales, c’est tout de suite et c’est la décision que nous devons exiger des politiques, maintenant.

Danisa Urroz

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