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Valls , Fillon : quina victòria?

Jan 6, 2017

Los comentators de la premsa parisenca non dèishan pas de díser que las primàrias son ua grana victòria de la democracia. Los responsables politics, plan disciplinats e complicis que tornan díser la medisha causa a longor d’antena.

Que seré donc la fin de la dictatura deus partits çò disen, pr’amor los candidats que serén causits peus ciutadans. Lo poder seré tornat au pòble. Quina ipocrisia quan sabem que los candidats a las primàrias deven passar per règlas impausadas peus partits, que sia lo nombre de signaturas d’elegits o autes mejans entà empachar los qui son hòra nòrma de’s presentar.

Las primàrias que son tanben lo mejan de har partir la campanha mei de d’òra e donc los mèdias qu’an lo temps de seleccionar e de’s familiarizar dab un grop de personas de qui espravan la popularitat gràcias a sondatges multiples e repetitius. Totun se los mèdias an ua part de responsabilitat los partits que son plan consents.

Las primàrias que limitan la possibilitat de candidatura aus professionaus de la politica. Quin voletz estar candidat a ua primària shens estar un professionau com un elegit, un ancian ministre, enfin quauqu’un qui a la possibilitat de har ua campanha de las longas ?

Que consacran las primàrias la dominacion d’un nombre hòrt limitat de mèdias e de jornalistas en l’organizacion deus debats. La premsa regionau qu’ei hòra jòc desempuish quauques annadas ; n’a pas mei nat ròtle.

La primària de la dreta qu’a plan illustrat aquera reduccion deu debat. Un ancian president de la Republica, dus ancians prumèrs ministres e ancians ministres. Un sol èra simple deputat. Quin renovelament ? E que serà parièr a l’esquèrra. La màger part son monde qui an dejà governat, qui an ua responsabilitat en lo bilanç deus cinc ans passats.

E quan pensi qu’entenem comentaris suu hèit que Fillon e seré un òmi nau, mau aimat deu sistèma…e perqué pas un rebèlle ? E tot aqueth monde qu’explican au pòble qu’ei eth qui causeish LO capdau, l’òmi providenciau.

L’abséncia de vertadèr debat politic, ubèrt, pluralista que pòt sonque alimentar l’amarum deus qui creden que, un còp la taula destornada, de camas a capsús, tot qu’anarà miélher. Tot aquò que pòt profieitar sonque a l’extrema dreta.

Qu’avem besonh un vertadèr debat democratic. Qu’avem besonh auta causa qu’ua comedia qui entertien l’illusion que l’Estat Nacion dab un president (o ua presidenta) ei lo sol esquèma possible.

Que sostienem la candidatura de Christian Troadec, non pas pr’amor que pensam que sia l’òmi providenciau mes sonque entà perméter de har entrar d’autas ideas en lo debat politic. E puish que seguiràn las legislativas on deveram estar presents.

Qu’avem ideas a defénder : ua auta faiçon de tribalhar, de consumir, de repartir las riquesas ; que devem promòver ua vertadèra politica de luta contra lo cambiament climatic, ua politica de respècte de la diversitat lingüistica.

Qu’avem a parlar d’Euròpa, a ns’acarar seriosament a la politica europèa necessària entà respóner de faiçon umana e intelligenta a las populacions qui demandan a viéner a noste…

Las questions non mancan pas. N’esperem que sia passat l’auratge entà qu’arribe lo bèth temps. Que deverem apréner a léger lo bulletin meteorologic !

David Grosclaude

Ne saber mai / En savoir +

Puissance et cygne noir.

Jan 6, 2017

Tous les décideurs essaient de prévoir. Mais ils sont souvent pris en défaut.  Les événements rares et catastrophiques –tremblements de terre, inondations, accidents nucléaires, krachs boursiers, etc.–, dominent  régulièrement l’actualité et fascinent notre imaginaire par leur caractère imprévisible et surtout par leurs conséquences. Les mathématiques permettent de comprendre un certain nombre de choses.

Voici un premier graphique réalisé par mes soins qui illustre la croissance du PIB et de la population mondiale.

Les lois exponentielles sont tout simplement impossibles au delà d’un certain temps dans un monde fini. 

Tout le monde connait l’échiquier de Sissa (nombre de grain multiplié par deux qui au final font une valeur astronomique) ou l’équation du Nénuphar d’Albert Jacquard que je rappelle rapidement.  On plante un nénuphar dans un grand lac. Ce nénuphar a la propriété héréditaire de donner un autre nénuphar chaque jour. Au bout de 30 jours il a recouvert la totalité du lac et la population meurt asphyxiée et privée de nourriture. Au bout de combien de temps recouvrait-il la moitié du Lac ? (réponse à la fin de l’article)

Nous savons depuis les travaux de Gaël Giraud et Zeynep Kahraman que le PIB dépend à 60 % environ de l’énergie disponible et, de plus, il semblerait que le potentiel de découvertes scientifiques soit aussi limité.

Les questions essentielles que nous devrions nous poser sont les suivantes:

  • Comment évaluer les limites de notre éco-système ?
  • Quelle est la taille de la population mondiale qui en résultera ?
  • Quel sera le niveau de confort et de bien-être que nous pourrons avoir ?
  • Allons-nous subir un état stationnaire ou une chute rapide à cause de l’utilisation massive de ressources finies ?
  • la coopération l’emportera-t-elle sur le conflit entre les divers groupes humains ?

Risques et incertitude

Frank Knight,  théoricien du risque et économiste –personne n’est parfait–, distingua le risque calculable, correspondant à des événements dont on peut évaluer la probabilité, et l’incertitude, qui recouvre des événements dont on ignore les probabilités d’occurrence et les conséquences. Cela est essentiel, notamment dans le domaine de l’assurance.

Lorsqu’on s’éloigne des systèmes physiques pour aller vers des domaines où les facteurs humains sont plus importants, la part de l’incertitude augmente.

Et il peut y avoir des « cygnes noirs » –événement important qui bouleverse tout– aux conséquences importantes. Le monde est généralement présenté de manière artificielle et trompeuse. Le travers des économistes et des scientifiques est de prétendre toujours prévoir les événements avec la certitude des lois de la probabilité. Or le monde n’est pas prévisible. L’histoire est plutôt déterminée par des événements extraordinaires et imprévus. Au moindre imprévu on parle de « cygnes noir » –les conséquences étaient imprévisibles– mais c’est souvent biaisé car des signes auraient du nous mettre en garde.

Bienvenue chez SOC

La criticalité auto-organisée –Théorisée par Per Bak, désigne un certains nombre de systèmes qui s’auto-organisent comme par exemple lorsque la glace ou les flocons se forment. On observe aussi cela sur les villes-champignons, les groupes sociaux, etc.

En simplifiant à l’extrême on peut dire qu’il s’agit d’un phénomène de mise en ordre croissant par dissipation d’énergie. Le phénomène peut être progressif ou brusque mais on peut l’évaluer. Cela donne de belles représentations qui permettent d’anticiper, en partie, ce qui va se passer. Ici il s’agit de fourmis mais les humains fonctionnent pareil. Or par nature, un système de ce type est instable.  Il peut connaître des bifurcations.

Bifurcations or not bifurcations ?

Les bifurcations se produisent sur les systèmes métastables ou instables pour les ramener à un était plus stable. Par exemple entre une zone froide et une zone chaude des vents se forment pour rétablir l’équilibre.

On a l’habitude des systèmes instables mais on est surpris par les systèmes métastables –on les croit stables– car on se s’attend pas à ce qu’une petite variation ait de si grandes conséquences.

Dans les systèmes métastables, une perturbation même faible peut déclencher une instabilité, jusqu’au retour à un autre équilibre.

Imaginons maintenant que nous versions du sable sur une table. Celui-ci forme un tas, dont la pente augmente de plus en plus jusqu’à être trop importante. A ce point critique des avalanches se forment. Elles sont, la plupart du temps, petites et exceptionnellement très fortes. La répartition du phénomène se fait selon une loi de puissance et l’amplitude est inversement proportionnelle à la fréquence : plus c’est rare plus c’est grave.  Les marchés financiers et le climat ou d’autres phénomènes réagissent de la sorte. Pour la population cela peut signifier une forte correction. Dans un autre registre, le climat, le risque de bifurcation et d’emballement est important. Même le GIEC pense qu’à partir de 1,5 °C de réchauffement on entre dans une évolution non linéaire (dangereuse). Et ces 1,5 °C, sont déjà inévitables. Songeons au +20 °c par rapport à la moyenne habituelle au pôle Nord en ce moment !

Un dernier petit coup de Bar-Yam sur la tête

Le monde est devenu très complexe. Probablement trop.  Le processus de complexification croissante de la société est un processus « naturel ». C’est la réponse du système à son environnement. Au départ, l’augmentation des échanges et la diversité est précieuse. Un village qui souffrirait d’une mauvaise récolte peut aller la chercher dans le village voisin. Mais si le monde est trop interconnecté, les doublons disparaissent et seul le plus efficace survit. Si par exemple il y avait un boulanger dans les deux villages, il risque de n’en rester qu’un. A ce moment là, l’impact des défaillances se propage. Dépendant l’un de l’autre, les deux villages souffriront si l’un rencontre un problème.  Du coup, la complexité conduit à une plus grande vulnérabilité.  On le voit, par exemple, pendant les épidémies quand on étudie leur propagation. Cet aspect est assez peu compris. Il montre que lorsque les réseaux deviennent toujours plus couplés, ils commencent à transmettre les chocs plutôt que de les absorber.

Utilisant le même mécanisme de puissance, le pouvoir se concentre. Il est absurde de penser que la concentration du pouvoir entre les mains d’un ou de plusieurs individus (cas de nos démocraties qui sont organisées de manière hiérarchique) est susceptible de mener à des décisions politiques optimales, dans la mesure où ces décisions interviennent au sein d’un tissu d’enjeux complexes, interconnectés de plus en plus grand. Dans ces conditions, toute décision politique aura toujours des conséquences importantes, possiblement dramatiques, et non anticipées. Le moindre cygne noir d’un sous-système quelconque risque de mettre le tout par terre par effet domino… or la société mondiale d’aujourd’hui est un immense réseau interconnecté. On connaît la suite : le baril monte à 145$, le système de prêts immobiliers américains se met en défaut, les subprimes explosent et l’ensemble de la planète finance bascule en renversant la table où tout le monde mangeait.

Les bonnes résolutions pour 2017 :

  • Il est nécessaire quantifier les phénomènes mais il faut rester modeste sur la prédictibilité des systèmes. Quelques règles de bon sens permettent d’éviter le pire : principe de précaution. Par exemple, si je n’ai rien contre le nucléaire, on ne construit pas des centrales nucléaires sur une zone sismique –comme en Californie– qui a une probabilité de 70 % de connaitre un événement majeur aux conséquences potentiellement désastreuses d’ici 20 ans.
  • On ne perturbe pas le climat au risque de créer une bifurcation et un emballement. On y est probablement.
  • On ne dépasse la capacité porteuse d’une ressource renouvelable sous peine de correction forte.
  • On essaie de construire des systèmes robustes qui ne sont pas sensibles à l’aléatoire. On préfère  l’anti-fragile, c’est à dire tous les systèmes qui tirent profit de l’aléatoire.
  • On essaie de réduire les conséquences en appliquant certains principes de précaution –mais pas de manière excessive.
  • On corrige les phénomènes de concentration des lois de puissance car la concentration augmente le hasard sauvage. On lutte contre les inégalités en aménageant le territoire pour lutter contre la concentration naturelle sur les métropoles. VIVE LES REGIONS !
  • S’il faut accepter un part d’inconnu,  ce n’est pas non plus la peine de prendre des risques insensés notamment avec le climat. En effet lorsqu’un système sort de son état méta-stable, il peut s’emballer.
  • On crée des systèmes plus anti-fragiles car plus résilients. Généralement, ils sont moins complexes et plus petits. VIVE LES REGIONS ET LES CAMPAGNES !

La réponse était 29 jours car la taille double tous les jours. Sommes nous le 29ème jour ?

Ne saber mai / En savoir +

Face à la lame de fond réactionnaire, les forces de la démocratie inclusive

Déc 14, 2016

Replis nationalistes, xénophobie d’Etat, guerre contre le terrorisme et les migrations de masse….. autant d’ingrédients pour les organisations dominantes, au motif de la « sécurité ».  En ces temps de crise systémique, certains pays en sont à la phase des réactions en chaine, le Brexit en Grande Bretagne, le vote Trump aux USA, celui de Fillon-Le Pen en France. L’Autriche a échappé de justesse à une présidence d’extrême-droite. Les coups de force institutionnels  au Brésil, en Turquie, en Côte d’Ivoire -ce dernier soutenu par M Valls qui peaufine sa stature de présidentiable sur le dos des peuples africains- …. parachèvent ce sombre panorama.

                  Face à cette lame de fond  réactionnaire ou d’un populisme confusionniste, il reste à opposer les armes de l’autonomie régionale et de la « démocratie inclusive ».

                            Centralisme autoritaire vs revendications territoriales

        L’échec de la présidence Hollande tient fondamentalement à son acceptation des règles du jeu  centralistes-autoritaires qui régissent la 5e République. Le système, qui est fait pour les partis de la bourgeoisie nationale, se retourne contre ses gérants de l’autre camp, considérés comme des intrus. Avec ce mandat complaisant, le PS, qui avait gagné le pouvoir ou la majorité à tous les échelons, a beaucoup perdu, dont ses boucliers, les collectivités locales : les régions, le Sénat dirigé alors par Jean-Pierre Bel, la majorité des mairies…..

             Une démarche affirmée de rénovation urbaine et de décentralisation aurait renforcé l’exécutif, sur la base d’un partenariat plus équitable avec les quartiers populaires et les collectivités locales. Il aurait fallu opérer un remembrement régional en phase avec les aspirations culturelles et l’accompagner d’une politique d’aide aux langues régionales. A défaut de quoi, les macro-régions en restent à une gestion plutôt technocratique, anonyme (sans personnalité propre) et éloignée des populations. Avec la loi MAPTAM (loi de modernisation de l’action publique et de l’affirmation des métropoles)[1], la réforme territoriale  met en concurrence les régions au niveau européen, selon le dogme néo-libéral. Si le tourisme est développé comme valeur marchande,  les cultures ne sont pas encore considérées comme des richesses  immatérielles à partager.

       Qu’adviendra t’il du projet de loi sur « la promotion des langues régionales dans l’Education nationale, les médias et les territoires (la signalétique) », présenté bien tardivement (le 30 novembre) [2]? Un nouveau coup d’épée dans l’eau ? La négociation par la FLAREP (Fédération pour les Langues Régionales dans l’Enseignement Public) d’une agrégation en langues régionales sur l’exemple du corse aboutira t’elle avant la fin du mandat ?[3]

        Ce clivage entre pouvoirs locaux et centraux s’enregistre à l’intérieur des partis, comme cela s’est manifesté pour les primaires des Républicains. A Juppé maire de Bordeaux, soutenu par F Bayrou et adepte de la diversité, s’est défini comme un « Girondin », à la différence de F Fillon député de Paris et prônant une identité nationale fermée. Signe de la force de la réaction : A Juppé, qui avait été plébiscité à droite pendant deux ans,  a disparu de la circulation aussi rapidement qu’H Clinton aux USA.

                                   Violences sociétales et lepénisation des esprits

             Un autre dossier aurait pu être traité -gratuitement, sans coût budgétaire-, celui de la mise au pas de la haute administration qui a freiné la refondation de l’Ecole par son autoritarisme.  Le « Hollande bashing » est la réplique au sommet de l’Etat des agressions subies par personnels et publics, dans une incurie assez générale. Le meurtre d’un lycéen à Marseille a eu lieu le jour du renoncement de F Hollande à briguer un nouveau mandat.

        Il reste à mettre au pas une administration dont de nombreux éléments ont sabordé l’esprit de la refondation par leur autoritarisme. Ce corps intermédiaire fait obstacle entre le monde enseignant et le gouvernement.  Par ailleurs, loin d’une vision bisounours ou jeuniste des publics, spécialement dans les lycées, il reste à analyser les violences scolaires et leur banalisation comme un premier pas vers la fascisation du pays.

        C’est la politique inverse qui a  été menée, avec la répression des mouvements sociaux au nom de l’état d’urgence. Pas moins de 700 procès enregistrés, le peuple de gauche étant actuellement démuni face aux abus des forces de l’ordre. Le pire étant le refoulement des réfugiés et sans papiers, des Roms, les assassinats impunis de descendants de l’immigration, comme le 19 juillet celui d’Adama Traoré. La nomination de B Cazeneuve comme premier ministre consacre cette dérive.

                                     Démocratie inclusive

          Sortir de cette zone  dangereuse de tempêtes  exige d’en revenir aux fondamentaux: refuser les replis nationalistes et xénophobes, qui sont autant de créneaux d’expression de la violence sociétale. Face à la violence d’Etat, protéger les collectivités territoriales, les catégories et les peuples fragilisés.

Martine Boudet.

[1] http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-discussion/projet-loi-modernisation-action-publique-territoriale-affirmation-metropoles.html

[2] http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion4096.asp

[3] http://france3-regions.blog.francetvinfo.fr/le-blog-de-viure-al-pais-france3/2016/10/21/langues-regionales-un-colloque-avant-lagregation.html

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L’extrême droite est-elle une fatalité occitane ?

Nov 10, 2016

 « Alors que les partis politiques traditionnels sont en perte de vitesse, l’extrême droite gagne du terrain partout en Europe, prenant le pouvoir dans certains territoires. En Occitanie, elle est implantée dans plusieurs villes (Orange, Béziers…). Ses politiques et ses pratiques sont inquiétantes. Pourtant d’élection en élection, elle progresse et en Occitanie, autant et parfois plus qu’ailleurs. Y a-t-il une malédiction occitane ? Quels sont les facteurs qui font qu’elle trouve chez nous un terrain favorable ? »

          Par Gérard TAUTIL

Le questionnement proposé à cette réflexion pose au moins trois  niveaux de réponses  à la montée de l’extrême droite dans l’hexagone :

 

  • La question de l’arrivée du FN dans le jeu politique n’est pas nouvelle. L’extrême droite est présente bien avant la création du FN par JM Le Pen (1972), alors secrétaire du comité de campagne de Tixier-Vignancourt lors de l’élection présidentielle (1965). Déjà dans les années cinquante, après la marginalisation de l’extrême droite collaboratrice de Vichy, l’occitan  Pierre Poujade  (Lot) avait  mis en place un mouvement contestataire de défense des petits commerçants, artisans et viticulteurs. Les thèmes préfiguraient le lepénisme : anticapitaliste, antiparlementariste, nationaliste xénophobe, anti-fonctionnaire. Si l’occitanisme politique actuel a été confronté très tôt à cette montée progressive réactionnaire, je dois dire qu’il s’est trop souvent contenté de réponses classiques étroitement liées à sa priorité identitaire, réponse justifiée mais insuffisante à mesure que la fracture sociale devenait centrale et que les questions migratoires prenaient l’importance qu’on leur connaît aujourd’hui. Il n’y a donc ni « malédiction »  ni « fatalité occitane » face à la poussée de l’extrême droite mais des faits têtus qu’il faut analyser dans leurs variations régionales présentes. En s’appuyant notamment sur les structures sociales de la société occitane, organisée autour de choix non maîtrisés de pseudo développement imposés par le centre.

  • La deuxième question tient au rôle joué par la classe politique française depuis l’arrivée du gaullisme et de la Ve république, qui s’est superposée à une tradition centralo-nationaliste historique et a accompagné les conflits sanglants majeurs des XIXe et XXe siècles et la fin des expansions coloniales classiques des puissances européennes. La constitution gaulliste a été la cerise sur le gâteau pour la nouvelle extrême droite française qui y tisse sa toile depuis soixante ans. Il n’y a là aussi ni « fatalité occitane » ni génération spontanée du phénomène. Depuis 1958, la classe politique se nourrit de ce patrimoine et s’en accommode. Toute velléité de réforme ne se fait qu’à la marge, le cadre institutionnel demeure inchangé.

  • Enfin, une troisième question, en réponse au questionnement initial, s’impose : la montée des partis politiques européens dit « populistes » ne peut se comprendre sans l’absence de toute alternative à l’ultra-libéralisme conquérant en prise directe avec la globalisation économique. La formule thatcherienne TINA ! (There is no alternative) résume bien l’état des orientations économiques et politiques : réussir l’accumulation privée des richesses, prioriser la financiarisation et imposer l’idée que toute alternative à son système de domination est impossible.
  • Cette dernière question nous permet de déployer la toile de fond hexagonale, européenne et mondiale qui s’impose aujourd’hui sur la scène politique.

   Les phénomènes économiques ont toujours des conséquences politiques. Le roman  national français s’y inscrit dans une régression socio-économique précurseur de la nouvelle extrême droite. Pour être plus particulier dans le contexte de globalisation mondiale, on peut néanmoins prendre l’exemple des Trente Glorieuses qui nous permet de mieux comprendre l’enchevêtrement des causes et de leurs effets. A la suite d’un colonialisme direct, l’Etat s’est tourné vers une autre forme de dépendance économique en faisant appel à une main d’oeuvre issue des ex-pays coloniaux dont les fruits du travail ont fait bénéficier l’ensemble des classes sociales, notamment les classes moyennes, y compris le prolétariat. L’immigration est un vieux phénomène social et démographique qui se superpose à l’abandon des colonies du Maghreb et d’Afrique Noire. On assiste ensuite à un nouvel ajustement du capital par la suraccumulation des richesses avec le développement des banques d’affaires dès 1980. Si aujourd’hui cette base sociale s’est rétrécie au profit relatif des classes moyennes, la répartition des richesses en Occident est inégalitaire : 60% de la population mondiale démunie est sous le joug d’une oligarchie de 10% de possédants. Selon Alain Badiou les 40% restants représentent les classes moyennes qui se partagent 14% des richesses mondiales. Mais cette marge est donnée perdante à moyen terme et ira en se réduisant. Cette projection  conforte et explique en partie la montée de l’extrême droite. En France, les effets des crises financières répétées  ont favorisé cette évolution des concentrations privées et les politiques austéritaires d’accompagnement. Les Etats européens dans leur ensemble ont choisi d’honorer la rente. On est passé d’une économie « réelle » à une économie de paris. Et, parallèlement, la logique productiviste du libéralisme a abouti à la dénaturation de la planète et à l’appauvrissement de son capital humain. C’est au moment où l’homme de ce système produit le plus qu’il se retrouve nu. Le désespoir engendré par ces situations est étroitement lié au phénomène de descendeur social pour l’ensemble des classes qui dépendent étroitement de cette aliénation structurelle, confrontées aux nouvelles formes de travail comme à l’absence de travail. Les classes moyennes ne peuvent espérer de façon pérenne leur position intermédiaire entre minorité possédante et majorité des pauvres, chômeurs et travailleurs précaires. C’est avec un réalisme teinté d’humour qu’Alain Badiou- dans la « Pornographie du temps présent »- décrit la conscience des classes moyennes comme la participation naïve « à la formidable corruption inégalitaire du capitalisme, sans avoir même à le savoir. » C’est là un des éléments de la bascule sociale progressive d’une partie de cette classe intermédiaire vers des thèses réactionnaires et un vote dit populiste (terme qui veut traduire improprement des formes nationalistes et xénophobes variables selon les Etats).

   La société dans laquelle nous vivons connaît dans ce contexte économique les conséquences des politiques de courte vue dont la droite comme la gauche de gouvernement ont élaboré les scénarios : dérégulation des droits sociaux, refondation du code du travail, contournement des 35 heures, dénationalisations et privatisations intensives depuis la Libération, et en liaison constante, précarisation accélérée, montée de la pauvreté et de la concentration des richesses, marginalisation de la COP 21. En écho à ces situations, les élections locales, régionales et centrales sont le terrain le plus avancé d’une démocratie formelle que nous connaissons ici : une démocratie sans le peuple et sans véritable représentation proportionnelle. D’où une abstention grandissante, la perte de médiation jouée par les partis, l’affaiblissement des syndicats divisés, la neutralisation d’une grande partie de la société civile, le renforcement de la centralisation territoriale. Autant de faits sociétaux qui font litière de la démocratie. Et qui se traduisent par un scrutin favorable à l’extrême droite qui dispute le leader de l’opposition à la droite traditionnelle.

   De 28, 42% au premier tour, le F.N. dans l’hexagone perd moins d’un point au deuxième tour (27,47%) et cumule 6,8M de voix contre 6,4M en 2012. Un record qui le place en tête de toutes les progressions. Le « sursaut-sursis républicain » ne fait pas barrage à son augmentation des voix dans toutes les régions. Il a surtout une fonction démobilisatrice et reste sans réponse à la montée du F.N.

   En Occitanie, sa montée est remarquable : au deuxième tour il culmine à près de 30% avec des pointes inquiétantes en Provence (45, 22% et 886 147 voix), en Languedoc-Roussillon (34%), et des résultats moindres en Aquitaine-Limousin (19,58%) et en Auvergne (à laquelle il faut ajouter Ardèche et Drôme, 19,60%). C’est le long de l’Arc méditerranéen que ses résultats sont les meilleurs, culminant également en Pays Catalan-Nord (43,97%) et dans le Gard (42,62%), les Bouches-du-Rhône avec 43,97%, dans les Alpes de Haute-Provence (44,06%), dans le Var (49,14%) et en Vaucluse (51,28%).

   C’est dans les villes, petites et moyennes, gagnées par l’extrême droite où la gauche traditionnelle est laminée, qu’il se maintient et progresse,  même si comme à Orange, L’Union des droites de Bompard et sa Ligue du Sud n’obtiennent que 1,12% des voix en raison de l’attraction du F.N. ; à Béziers, l’opportunisme ultra-droitier de R. Meynard lui permet d’obtenir 48,01% des voix avec le soutien du F.N. sur les thèmes traditionnels de l’Algérie française, l’immigration et le chocs des cultures. Et n’oublions pas Cogolin et Fréjus dans le Var, avec le jeune maire-sénateur D. Rachline, devenu directeur de campagne de M. Le Pen.

   Une consolation dans l’aire méditerranéenne, avec 149 525 voix exprimées sur 230 000 inscrits,  la victoire surprise des nationalistes corses lui fait perdre 1 point 5  en voix et en pourcentage au deuxième tour (9,09%). Plus qu’ailleurs dans l’hexagone, la variable identitaire et la stratégie démocratique des nationalistes corses s’affirment comme la restanque incontournable face à l’extrême droite. Mais le modèle est difficilement transposable dans nos territoires dont la démographie hexogène depuis un siècle a transformé profondément l’identité culturelle, et dont les espaces territoriaux relativement importants sont soumis à la pression de multiples facteurs qu’il faut rappeler brièvement : le glissement à droite des élites, les choix économiques centralistes anciens d’une bourgeoisie régionale intégrée, la perte de la langue et l’intégration culturelle au modèle dominant, étroitement liée à une colonisation de peuplement, qu’on le veuille ou non.

   Cet électorat est hétérogène, composé de classes populaires. Au Nord comme en Occitanie, il rassemble des catégories sociales différentes : anciens ouvriers des zones désindustrialisées ou ceux qui risquent d’être écartés d’une activité économique (retraités et inactifs au Nord), employés de commerce, artisans, cadres retraités, mais aussi ouvriers, employés du secteur privé en Occitanie du Sud : notamment dans les secteurs dépendants du tourisme, territoires déconnectés d’une économie métropolitaine dépendante de la mondialisation (Le monde diplo. Déc. 2015- J/Gombin, cf. J. Fourquet ; « Front du Nord, Front du Sud ». Ifop Focus, N°92, août 2013).

   2- Les racines du nationalisme moderne français.

   Mais plus au fond, sous la question sociale et politique, c’est celle de l’identité française que l’on retrouve avec le F.N. C’est sans doute celle d’une histoire qui a toujours interpellé la gauche institutionnelle et dont les racines sont plus anciennes, même si situations et électorats ont évolué. Elle n’a su ni la prévenir ni  y répondre. Question prépondérante au XIXe siècle, après le détournement de l’idée révolutionnaire par la réaction impériale napoléonienne, elle devient l’instrument unificateur de la lutte d’une bourgeoisie à la fois républicaine et monarchiste. C’est là que se met en place une autre forme de « front national » avant la lettre, qui se présente comme le rempart contre la radicalisation des luttes sociales (Parti Ouvrier Français de J. Guesde, 1879) et de l’action directe du courant anarchiste. L’affaire Dreyfus va cristalliser cette opposition autour de la stratégie du bouc émissaire, la situation générale aboutissant au morcellement des courants socialistes, à la formation d’une gauche révolutionnaire et d’une extrême droite adepte de la « révolution nationale ».

En Occitanie, ce courant nationaliste de l’extrême droite française  se structure avec Ch. Maurras, provençal monarchiste, Majoral du Félibrige, se réclamant de l’autonomie régionale et du fédéralisme dans ses premiers engagements et dans la contradiction d’une maturité porte-parole de la « Révolution nationale », autour de l »l’Action française » (quotidien et mouvement), et des groupes de choc des « Camelots du Roi » soutien ensuite de Vichy et de Pétain. Ce nationalisme français trouve écho auprès de M. Barrès, un journaliste lorrain qui se réclame d’une « républicanisme culturel », partisan du parti de l’ordre, la question institutionnelle n’étant pas déterminante. Maurras et Barrès, malgré des origines idéologiques différentes se retrouvent sur leur anti-jacobinisme, tous deux partisans de la décentralisation. Ce nationalisme se heurte à l’internationalisme de Jaurès pour lequel il n’y a ni déterminisme ni fatalisme dans la formation de l’idée nationale. Contre Barrès, la critique de la religion est pour Jaurès l’expression de sujets libres qui défendent des idéaux laïques. Il est surtout favorable au dépassement de l’Etat-Nation. Son assassinat va précipiter l’internationalisation de la guerre, l’ « Union sacrée » à laquelle se joignent les partis socialistes et le retour en force de « l’identité nationale ».

   Il est des similitudes d’histoire qui nous interpellent. Les années d’après-guerre qui ont suivi le traité de Versailles, la montée du nazisme et sa prise de pouvoir en Allemagne, donnent l’occasion au gouvernement français, dans le cadre de « L’Union sacrée » de mettre en place une politique d’immigration « choisie ». Les années Trente ont été le théâtre du recrutement de millions d’immigrés dans l’agriculture et l’industrie, de préférence d’origine européenne (Polonais et Italiens, blancs et bons catholiques, parallèlement à l’immigration continue maghrébine). En Provence les ratonnades anti-italiens, lei babis, (les « crapauds » en oc.)  avaient déjà illustré le racisme sur fond de crises sociales à Aigues-Mortes, Marseille et Toulon, pour ne citer que les principales. C’est avec ce fil noir, qui précède 1968, que l’extrême droite renoue, nous l’avons vu, avec Tixier-Vignancourt, Le Pen, dont les thèmes de la « défense des Français », avancée comme la défense de la « nationalité française », rejoignent celui de « l’Anti-France ».

   Mais la gangrène nationaliste xénophobe s’étend à l’ensemble du corps social sous des formes différentes à mesure que la politique anti-immigration gagne du terrain.

  Les plus visibles se succèdent avec les charters de Giscard d’Estaing en direction de l’Algérie, gagnent les médias qui structurent l’information quotidienne, opèrent un glissement sémantique  plus récent entre « arabes » et « islamistes » en liaison avec l’actualité du Proche Orient et les attentats terroristes. Sous la poussée du F.N. qui se pose en défenseur contre le danger qui va « changer la nature du particularisme de la nation française », le thème de « l’Anti-France » s’actualise et gagne la droite institutionnelle et même une partie de la gauche jacobine et de sa sphère intellectuelle parisienne.

-Pour la première, c’est -rappelons-le-, la création par Sarkozy du « Ministère de l’identité nationale et de l’immigration » (2007), ses déclarations récentes sur cette France qui serait

sapée par « la tyrannie des minorités qui fait reculer chaque jour la République, l’immigration massive, l’islam militant qui se présentent à nous comme un bloc.»

 Avec en écho, les postulants à la primaire, Fillon, Copé, Lemaire, Mariton, Morano et d’autres…La passerelle est lancée, le F.N. se retrouve à l’étroit sur son propre terrain de l’anti-communautarisme de Maréchal-Le Pen et les déclarations sur la « fracture ethnique » et le « métissage imposé » de l’ancien responsable du Bloc identitaire de Nice, Ph. Vardon, passé au F.N. (A côté de cet épouvantail, il y a aussi, parmi les ralliés au FN, Olivier Bettatti, avocat et viticulteur, très BCBG, l’extrême droite  » propre « , celle qui se revendique « vrai gaulliste » et qui avait animé une liste contre Estrosi aux municipales, un rassemblement hétéroclite avec des gens de gauche comme Marc Concas ex-PS qui penche à présent vers Macron, Jean Florès, directeur du théâtre de Grasse, favorable à la défense des droits des homosexuels…). A moins d’être inodore, la gangrène gagne régulièrement du terrain, toutes idéologies confondues.

 -Pour la deuxième, nous évoquerons rapidement le « Printemps républicain » qui participe du slogan du « choc des civilisations », thème non exclusif de l’extrême droite, partagé à présent par toute une frange des porte-parole d’un courant islamophobe (l’Islam visible) qui s’appuie                                                                                               surtout sur l’argument de la laïcité, cristallisé autour du port du voile et de l’accompagnement scolaire, les habitudes cultuelles, alimentaires et vestimentaires, manifestations hors normes.

Ont participé à ces débats-Manifeste autour d’E. Badinter, des journalistes de « Causeur », des membres du M.R.C., l’essentiel de la droite du P.S., des proches de M. Valls, R. Malka, avocat de Charlie Hebdo, Fadela Amara, ex-P.S., ex-ministre de Sarkozy, ex-présidente de « Ni putes ni soumises », et d’autres aux dents moins longues…

   On ne peut davantage ignorer l’argument social-xénophobe du frontisme qui ne fait pas seulement écho auprès des plus démunis : l’immigration ne serait pas acceptable en raison de son flux inassimilable, de sa quantité insoutenable et de son coût. Les trente Glorieuses ont démenti l’argument – au prix il est vrai d’une exploitation forcenée d’une main d’oeuvre en majorité non qualifiée -. Mais pour aujourd’hui et demain, l’argument ne prend pas en compte l’arrivée de travailleurs jeunes et entreprenants qui est une chance pour le développement tel qu’il est aujourd’hui conçu par ceux qui sont en charge des affaires. Il est vrai que l’utilité sociale du travail n’est pas la préoccupation centrale en vue d’une éventuelle transformation…sociale. Et cette absence ne favorise pas un traitement social de l’immigration vers des solutions nouvelles : c’est bien l’absence d’investissement de cette nature qui favorise les politique d’austérité généralisées qui sont un échec. A l’opposé de politiques innovantes : conversion de la politique énergétique, sortie progressive du nucléaire, arrêt de la production des armements, politiques culturelles territorialisées, non élitistes et non consuméristes, d’éducation populaire et de recherche…

  • De la Ve République

   Un autre facteur fondamental favorable au développement de l’extrême droite, on l’oublie trop souvent, est la constitution gaulliste, refusée par la gauche au début, acceptée aujourd’hui avec des nuances par l’ensemble du corps social et politique. Système pyramidal autour de l’article 16 qui attribue au président un rôle fondamental, notamment les pleins pouvoirs en période de crise, parallèlement au parlement qui exprime le rapport des forces gauche-droite en système d’alternance. Le premier ministre y impose ses politiques par l’usage du 49,3 (85 fois depuis 1958, 5 fois depuis E. Valls). Quand la machine de l’élection présidentielle au suffrage universel, suivie des élections législatives au suffrage majoritaire à deux tours, se grippent – l’état des lieux en témoigne aujourd’hui après cinq ans de pouvoir       d’une  gauche de gouvernement -, une troisième composante vient bousculer la reconduction du système. Exclue du jeu institutionnel par une proportionnelle discriminante, la tripolarisation entre en scène. Ainsi le F.N. peut-il se présenter comme le « parti du     changement », l’alternative à l’etablishment qu’il dénonce, mais énarques en réserve et à la rescousse… La réalité rattrape la fiction d’un F.N. condamné de moins en moins à la marginalité que Marine Le Pen s’efforce de dépasser autour du thème de la « France apaisée ».

   Le parti frontiste a très bien compris l’intérêt d’une stratégie nationale et non régionale que porte l’élection présidentielle : le jeu institutionnel de la Ve a épuisé ses ressources, il peut donc lui permettre une percée à laquelle les précédents scrutins présidentiels l’avaient invité. Pour cela, il faut élargir la base sociale de son électorat. L’impasse de la politique de la gauche gouvernementale est pain béni pour lui. Et les tactiques électorales de recours que les médias identifient au « sursis républicain », en queue de chaque échéance électorale, dramatisent l’exercice civique et confortent le non renouvellement du discours et des pratiques politiques. Il en résulte un désaveu citoyen qui s’est d’abord traduit par une abstention grandissante et depuis 2012 par une adhésion croissante au vote F.N. Ce dernier n’aspire qu’au statu quo, la constitution actuelle est une cote bien taillée qui répond parfaitement à sa stratégie de l’Etat fort, toute horizontalité dans  l’organisation de la décision politique lui est étrangère. Le cas français illustre fort bien le caractère coercitif des nations « unitaires » qui ne veulent pas reconnaître une concitoyenneté, un statut de citoyenneté élargie pour des sujets devenus, sans contradiction et par fusion, à la fois membres de la fédération et de l’Etat. L’idée de fédération était pourtant dans l’An 1 de la constitution jacobine avant d’être balayée par la constitution bonapartiste de l’An VIII qui invente le rôle des préfets. On connaît la suite.

   4-  Face au centralisme et au national-jacobinisme : la réponse fédéraliste

  a – Pour sortir de l’enfermement centraliste que nous subissons en France plus qu’ailleurs en Europe, la réponse fédéraliste est une des solutions auxquelles les autonomies régionales en Europe ont déjà donné des réponses, notamment en territoire ibérique et en Grande-Bretagne. Pour aller à l’essentiel (le sujet sera évoqué par d’autres interventions), l’Espagne qui se définit comme un Etat unitaire a les caractéristiques d’un Etat fédéral. Mais les blocages étatiques répétés de Madrid ont fait que le fédéralisme étatique, mis en avant au début en Catalogne, s’est acheminé vers le principe d’autodétermination. Les Catalans ne veulent plus

d’une péréquation financière commune ni d’un ordre judiciaire commun. La revendication indépendantiste démocratique du peuple catalan contre Madrid est l’objectif présent. L’Europe est confrontée à une situation nouvelle, elle devra prendre parti.

   En Ecosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord, les gouvernements sont composés d’autonomistes et d’indépendantistes aux avancées électorales régulières, tout en continuant  à siéger à la Chambre des communes et à voter sur des lois appliquées en Grande-Bretagne. Là  aussi, Bruxelles devra tenir compte des votes en faveur de l’autodétermination. C’est la réponse la plus moderne et la plus démocratique au Brexit.

   Parallèlement L’A.L.E. essaie de concrétiser dans le cadre de l’U.E. une politique commune aux territoires de la Méditerranée Occidentale. C’est le but des rencontres qui se développent entre les autonomies de Catalogne, Pays Valencien, Baléares, Sardaigne et Corse, en sautant

les tutelles de Madrid et Paris. L’idée d’un destin commun choisi par les peuples d’Europe du Sud prend de plus en plus de réalité.

bDans l’hexagone comme en Europe, la contrainte institutionnelle nationale étatiste ne peut remplacer l’expérience des solidarités choisies et l’outil fédéraliste doit se  mettre au service des acteurs-citoyens pour sortir des couples connus « nation et république » que mettent en avant « républicains » et « souverainistes ». Le « modèle » centraliste français est tout le contraire d’une démocratisation des territoires. La dernière réforme territoriale enterre définitivement les pays ; les départements continuent avec les métropoles à renforcer la concentration démographique et politique en concurrence avec les régions et la construction d’euro-régions. Or, c’est bien du tout Etat que se nourrit la vulgate souverainiste et frontiste. Raison de plus pour que les territoires à forte identité  affirment avec plus de force et de clarté le principe d’autonomie. Et cela vaut également pour le Partit Occitan. En France, l’idée de la décentralisation reste un échec démocratique au service du centralisme historique. La revendication autonomiste qui s’inscrit dans une perspective fédérale de l’Etat est irrécupérable par les forces politiques les plus réactionnaires du national-étatisme, dont le FN n’est qu’une variante. Cela doit être notre stratégie centrale prioritaire. Toute avancée en ce sens demande pédagogie et initiatives de la part des occitanistes comme des composantes de la fédération Régions et Peuples Solidaire.

   Au plan européen, face aux nationalismes réactionnaires d’Etat, le projet démocratique d’une Europe fédérale des peuples et des régions est la réponse aux poussées populistes actuelles. C’est la base d’un fédéralisme différencié, fondement d’une dynamique  partant des peuples qui font aujourd’hui l’Europe. C’est là que peut se construire une Europe politique décentralisée, la recherche d’une forme moderne de supranationalité digne du XXIe siècle. C’est là que se trouve une des solutions qui permettra de réhabiliter la démocratie au cœur des populations et de contrôler progressivement une économie plus apte à une meilleure répartition des compétences et des richesses. Tel est le projet européen que nous défendons, à l’opposé de la logique inter-gouvernementale et de sa priorité marchande et financière qui conduisent à l’échec.

   Mais là aussi, regardons la réalité en face : pour sortir des habitudes souverainistes de gouvernance, il faudra une pédagogie de tous les instants et à tous les niveaux de la société civile, en direction des acteurs-entrepreneurs, des corps constitués (syndicats, partis alternatifs, courants idéologiques laïcs et religieux), tant la société actuelle est pétrie de représentations historiques traditionnelles, de centralismes autoritaires, d’idéologies sécuritaires et de replis identitaires réactionnaires, de technocraties «réformistes » bardées de pseudo modernité, de refus de prendre en compte la finitude des ressources planétaires…

c – Fédérer sur la base des cultures réelles. La dimension culturelle et linguistique plurielle est une donnée incontournable dans la lutte contre le repli hexagonal nationaliste. Cette évidence, ignorée par le corps politique, d’apparence consentante mais de stratégie opposée,touche à l’identité nationale telle qu’elle s’est construite depuis plus de deux siècles. L’échec successif de la ratification de la Charte européenne des langues et cultures minoritaires tient en France à la volonté de ne pas s’en remettre à une institution supranationale. Une Europe politique qui ne serait pas à l’image de la France est pour elle un non-sens historique. Aussi la  solution la plus « libérale » ne peut être acceptée que dans le domaine patrimonial. Le piège se referme. Le principe de l’égalité des langues et des cultures reste formel, il ne peut aujourd’hui trouver quelque application dans son usage public. Là est la transparence de la réalité française illustrée – entre autres figures de la gauche-  par J-L. Mélanchon, qui fait du droit aux langues un droit privé ne reconnaissant que la seule sphère de l’enseignement, au risque de remettre en question l’identité nationale. C’est également l’argument de Bruno Retailleau, sénateur (LR) de Vendée qui voit dans l’opposition à la Charte « le meilleur  moyen de couper l’herbe sous les pieds du FN ». L’extrême droite s’en trouve confortée, elle qui refuse tout statut légal qui « permettra à des groupes ethnicistes et sécessionnistes d’utiliser le prétexte de la langue à des fins politiques. » Dans ce champ clos, droite, extrême droite et gauche se rejoignent sur le thème de l’identité qui structure le débat politique actuel, car c’est toujours au nom de l’égalité que l’anomie civique et politique se reproduit. Pour « l’étatisme républicain », seules n’existent que les langues d’Etat.  Et le bilinguisme ne peut s’y exprimer que dans ce contexte ! L’hypocrisie est au paroxysme.

 Le roman national français n’a pas su répondre à ce pari.

   Le tandem langue-culture n’est pas un supplément d’âme qui se juxtaposerait formellement aux facteurs économiques, sociaux et politiques. Les régions d’Europe qui s’en sortent le mieux sont aussi celles qui ont su faire coexister l’ensemble de ces données et créer ainsi du lien social. Le roman national, confiné dans ses limites hexagonales, n’est toujours pas capable de s’émanciper de son ethnicité républicaniste, véritable matrice de son parcours chaotique. Son repli nationaliste se clôt sur un chapitre dont le F.N. peut tirer parti et écrire sa suite. Dans cette logique d’histoire, il ne sera jamais que cette intersection d’un souverainisme archaïque, d’un monolinguisme autiste teinté d’anglicismes et de la sauvagerie des forces de l’argent au service des banques d’affaires et des lobbies.

   Bien plus, cette histoire de France à la Lavisse-Sarkosy que l’inintelligence des temps historiques que certains, récemment encore, font remonter aux figures des Gaulois, de Clovis et de Jeanne d’Arc, doit trouver son aboutissement dans une Ve République achevée. Mais c’est un parcours d’achèvement qui synthétise une désaffection citoyenne rarement égalée : abstention grandissante, droitisation du corps électoral, perte de médiation joué par les partis, affaiblissement et division des syndicats, neutralisation d’une grande partie de la société civile. Autant de signaux d’un échec attendu dont le FN n’est que la simple illustration d’un ethno-nationalisme qui a gangrené le corps social et politique. Et qui attend son moment à l’agachon.

   Signaux et propos que je me permettrai de relayer par la parole de Robert Lafont entendue dans « Le dénouement français » :

      « Les dangers locaux sont grands d’un renfermement de la France dans l’archaïsme étatique, sous caution libérale et sous le signe de l’identitarisme fascisant. Ceux aussi d’une débâcle européenne où s’abîmerait la chance du supranational. Ceux enfin et surtout d’un cataclysme nucléaire à l’échelle de la planète. »

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Primaria : la dreita fa son casting.

Nov 10, 2016

Fa plan longtemps que d’unes politicians de dreita i pensavan : organisar una « primaria », a la mòda americana per designar un candidat de la dreita a l’eleccion presidenciala. Mas en França foguèt finalament l’esquerra qu’organisèt la primièra primaria. Era per l’eleccion de 2012, ont lo partit socialista e lo partit radical lancèron aquela operacion que faguèt miranda. D’en primièr permetèt a l’esquerra d’occupar e quitament de monopolisar la scèna politica pendent qualques meses. Puèi lo ganhant,  François Hollande, qu’èra un pauc en manca de legitimitat, ne tirèt un grand benefici. Ambe 2 millions de participants a la primaria, foguèt propulsat a l’eleccion presidenciala del temps que lo president sortent deviá gerir los problemas del país.

La dreita se bremba d’aquela desfacha, e vòl ara, tornar la peira al sac del partit socialista !

Son 7 pretendents qu’an capitat de ramosar totas las condicions per se presentar : Jean François Copé, François Fillon, Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Lemaire, Jean Frédéric Poisson, e Nicolas Sarkozy. Levat JF Poisson  (crestian democrata) son totes del partit « Los Republicans ». Es aquí la primièra limita de l’exercici : aquesta primaria  èra pensada per designar un candidat unenc de la dreita e del centre, mas lo centre es absent : l’UDI participa pas. Assistissem sustot a una competicion interna als « Republicans », e Poisson, invisible, inaudible dins los mediàs, sembla un alibi per far creire a una primaria duberta.

Tot comptat e rebatut las diferencias ideologicas o de projectes entre los candidats son magras. Totes son d’accòrdi per suprimir l’Impòst sus la fortuna, per tornar centrar l’escòla suls ensenhaments fondamentals, e per arestar l’imigracion. Zerò puntat per las lengas regionalas : nòstra lenga occitana existís pas per aqueste monde.

Notam aicí o ailà la tematica de la ruralitat, ambe per exemple la prepausicion interessanta  de crear de comunautats de comunas ruralas sens impausar un nombre minimal d’estajants (Fillon). Mas va pas mai luenh qu’aquò, e lo probleme de la concentracion dels emplecs e dels servicis publics dins las grandas metropòlas es pas pausat, ni evocat lo ròtle que porián jogar las regions per contrar aquel fenomen.

Avem puèi relevat qualquas prepausicions originalas que distingan los candidats. Sarkozy vòl baissar de 10% l’impòst sul revengut, Poisson vòl suprimir lo maridatge pels omosexuals, Lemaire butariá a 65 ans l’atge de despart a la retirada, Kosciusko somia de suprimir l’estatut de fonccionari (levat pels juges), Fillon fariá passar los fonccionaris a 39H per setmana, e Copé interdiriá lo burkini ! Urosament que seràn pas totes a l’encòp presidents, qu’ambe una tala farandòla de sotisas seriam mal partits !

E Juppé dins tot aquò ? Juppé se garda ben de parlar tròp. En testa dins los sondages, cerca a mantener son avança en fasent mefi de desagradar pas a degus. Es un gascon que fa pas de promessas, e del còp, pòt pensar recuperar las voses del centre e d’una partida de l’esquera al segond torn de l’eleccion presidenciala.

Per contra, sos concurents i van pas per quatre camins ! Cadun cerca a far parlar d’el, e dins nòstre monde mediatisat i a pas qu’un sol biais de far lo « buzz » : provocar.  Mai lo candidat es « pichon », mai fa de prepausicions caricaturalas. Aquò durarà fins al 27 de novembre ont sauprem qual serà lo « campion » de la dreita.

Jordil

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La COP21 fàcia a l’urgéncia climatica

Nov 10, 2016

La COP21, la vint-e-unena Conferéncia de las Nacions Unidas de lucha contra lo cambiament climatic, que se debanèt a Paris en decembre 2015, sembla plan luènh alara que lo rescaufament planetari s’afortís e que son ligam amb l’insecuritat dels Estats deven indenegable. Dempuèi la COP21, qualques avançadas son de notar ça que la, mas lo camin sembla plan malaisit per engimbrar la realizacion de l’acòrdi de Paris.

L’acòrdi de Paris

Pel primièr còp, un acòrdi foguèt trobat pels 195 païses que participèron a la Conferéncia de Paris sul desrèglament climatic (1). L’acòrdi a per vocacion de mantener l’augmentacion mejana de la temperatura en dejós de 2 grases per rapòrt als nivèls preindustrials e de perseguir los esfòrces per limitar aquela augmentacion a 1.5 gra. Aquela visada climatica representa lo nivèl de cambiament climatic acceptat pels govèrns per empachar una interferéncia dangierosa del sistèma climatic  amb la produccion d’una alimentacion sostenabla e lo desvolopament economic. L’acòrdi de la COP21 resulta de nombrosas discussions que se tenguèron al long de las decadas passadas, e mai que mai de las darrièras recomandacions del GIEC (grop d’expèrts intergovernamentals sus l’evolucion del climat).

Fàcia a l’escomesa climatica, l’acòrdi reconeis als Estats una responsabilitat partejada mas diferenciada en fonccion de capacitats e de contextes nacionals diferents. Subretot, pren en compte lo nivèl de desvolopament e dels besonhs especifics dels païses los pus vulnerables. Los païses rics auràn l’obligacion d’aportar un sostenh financièr als païses en desvolopament e de facilitar los transferiments de tecnologia e l’adaptacion a una economia descarbònida. L’acòrdi prevei que cada 5 ans, cada païs deurà tornar veire sos engatjaments per demenir sas emissions dels gases a efièch de sarra (GES). Donc, amb lors esfòrces de reduccion de las emissions dels GES, los 195 Estats partidas de la COP21 deuràn presentar d’estrategias d’adaptacion de desvolopament amb fèblas emissions sul long tèrme.

L’après acòrdi

 La COP21 definiguèt las etapas que devon menar a la realisacion de l’acòrdi a partir de 2020 : signatura de l’acòrdi, ratificacion pel parlament de cada Estat signatari, reexamèn de las contribucions en 2018, mobilisacion dels finançaments per aténger la soma de 100 miliards de dolars per an en 2020… L’acòrdi de Paris foguèt signat lo 22.04.2016 a New York per 174 païses, dont França. Per una aplicacion en 2020, l’acòrdi deu èsser ratificat d’aicí a abrial de 2017 per al mens 55 Estats partidas representant al mens 55% de las emissions mondialas dels GES. En seguida dels vòtes favorables dels deputats e dels senators lo President francés ratifiquèt l’acòrdi lo 15.06.2016, fasent de França lo primièr païs ratificador de l’Union Europèa (UE). Al 15 de setembre, 29 païses representant 42% de las emissions mondialas dels GES avián ratificat l’acòrdi. Entre eles, China e Estats Units qu’emeton a eles dos 38% de las emissions, ratifiquèron l’acòrdi lo 3.09.2016, a Hangzhou en China, just abans la reunion del G20 (grop dels 20 Estats los pus rics).

Los Estats partidas de la COP21 se rescontrèron a Bonn, en mai de 2016, per precisar tecnicament los contorns de la fuèlha de rota adoptada a Paris. Malurosament, las crentas dels païses en desvolopament tocant a la poténcia del sector privat dins l’accion climatica (risc de conflicte  d’interès) e a la question de l’accès al finançament, foguèron pas pro presas en compte pels païses rics. La COP22 que se deu tener a Marrakech (7-18.11.2016), risca d’èsser fastigosa, malgrat las reunions de preparacion organizadas aqueste estiu per Marròc a Tanger.

Flaquesa de l’UE

Se las avançadas sul front del climat son evidentas (acòrdi de Paris e promessas de ratificacion rapida, creissença recòrd de las energias renovelablas en 2015, esfondrament del cors del carbon, esfòrces d’unes païses coma China fàcia a l’escomesa granda de la qualitat de l’air, pausa de la frenesia d’espleitacion dels idrocarburs deguda a la baissa importanta del prètz del petròli), la posicion d’unes païses rics, dont los de l’UE, apareis incomprensibla alara que s’afortís lo desrèglament climatic. Abséncia d’engatjaments novèls per demenir las emissions dels GES dins l’encastre de la revision de 2018, mercat europèu del carbòni sul camin d’enlòc, egoïsmes nacionals, soslinhan una manca de volontat politica. L’objectiu global de l’UE èra de redusir d’au mens 40% sas emissions dels GES d’aicí a 2030. Pel periòde 2013-2020, Danemarc deuriá baissar sas emissions de 20%, França de 14% alara que Bulgaria las poiriá augmentar de 20%. S’agís ara per l’UE, de revisar las claus de reparticion pel periòde 2020-2030. Mas las discussions prenon de temps; l’UE se devesis en 3 grops: lo grop dels païses que ligan pas la ratificacion de l’acòrdi de Paris a las negociacions comunautàrias (França, Portugal, Espanha, Belgica, Ongria, Danemarc, Luxemborg…), lo grop dels païses qu’esperan de coneisser las novelas claus de reparticion abans de ratificar (Alemanha, Reiaume Unit, Suècia, Autria…), e fin finala Polónia, dont 90% de son electricitat depend del carbon e que vòl avançar encara pus dapasset. Quant a França, lo succès de la COP21 passat, l’actitud de son govèrn apareis paradoxala: validacion de la construccion de l’aeropòrt de Nòstra Dòna de las Lanas, abséncia de proposicion novèla pendent la conferéncia environamentala d’abrial passat, lei de transicion energetica d’agost de 2015 aplicada a pro pena al tèrç…

Urgéncia climatica

L’annada 2015, foguèt tornamai après las precedentas, la pus cauda jamai enregistrada sus Tèrra (2) amb coma consequéncia previsibla, l’impossibilitat de limitar l’augmentacion de la temperatura a 1.5 – 2 grases segon l’acòrdi de Paris. L’accentuacion del rescaufament climatic accelèra secadas, incendis, desertificacion, fonda dels glacièrs, inondacions, elevacion del nivèl marin, perda de biodiversitat, propagacion d’unas malautiás, famina e fugida dels umans… Lo rescaufament augmenta l’insecuritat dins mantun païs fasent fàcia ja a de problèmas politics, socials, etnics o religioses.

Lo temps pressa, coma l’escriviá Joan Giono dins un contèxt plan diferent: «Tròpas de parets, sèm a la cima de nòstra epòca… » (3). Los govèrns devon quitar d’ajudar los lobbies poderoses, grands responsables del degalhament planetari, l’augmentacion de las inegalitas, la guèrra. L’ora es venguda d’aver recors a la justícia per far condemnar los Estats rics per non-respècte de lors engatjaments climatics (4). Pasmens, fàcia a la manca d’ambition dels govèrns, un fum de regions, vilas, ciutadans, dins lo monde entièr, prenon fòrça initiativas, sostenguts ara per unes caps religioses, en favor d’una economia de « salvagarda de l’ostal comun » (5).

 

Referéncias

  • L’acòrdi de la COP21 : cop21.gouv.fr/decryptage-de-l’accord/
  • National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), State of the climate in 2015, Special supplement to The Bulletin of the American Meteorological Society, 97 n°8, 2016.
  • Giono J, (1943) in « Rondeurs des jours », Le Livre de Poche, p. 171, Ed. Gallimard.
  • Las ONG Urgenda e Our Children’s Trust obtenguèron respectivament, la condemnacion de l’Estat Olandes e de l’Estat de Washington (USA) a redusir lors emissions de GES a la fin de 2016.
  • Laudato si, letra enciclica del Papa Francés per « La salvagarda de l’ostal comun » (24.05.2015).

 

Fernand Vedel

NB: Una plan bona suspresa: India ratifiquèt l’acòrdi lo 2.10.2016 e lo Parlament Europèu autorisèt lo 4.10.2016, los Estats qu’avián ja ratificat, coma França, d’integrar l’acòrdi. Aital, ara trapam 62 païses ratificadors, contra 55 exigits. De mai, amb India e 6 païses europèus ratificadors sus 28, lo sulhet de 55% de las emissions mondialas se troba trespassat. L’acòrdi poiriá dintrar en aplicacion mens d’un an après la COP21.

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Du sang et des larmes…et de la croissance!

Nov 10, 2016

A l’heure où les pays développés et leurs élites peinent à retrouver la recette de la croissance et à réduire le chômage, ils me donneraient presque des complexes ces professionnels de la politique ou ces journalistes qui se disent spécialistes en économie ! Ils assènent, toujours avec quelques chiffres à l’appui, un certain nombre de « vérités » sur le sujet ! Les chiffres ça pose, ça donne une couleur scientifique au discours. Il y a l’affirmation permanente ( un peu trop, donc suspecte) que leur discours est ancré dans « la réalité ». Une pincée de banalités du genre « les faits sont têtus ! » ou « on ne peut aller contre les chiffres ! » et le tour est joué.

Et si vous voulez jouer vous aussi, les économistes n’oubliez pas quelques affirmations péremptoires comme : « Il n’y a pas de création d’emplois sans croissance et la relance de la consommation fait la croissance ».

C’était vrai durant la période de croissance débridée de la deuxième moitié du XXème siècle, ça ne l’est plus.

Ils me foutraient bien des complexes ces économistes s’il n’y avait pas aujourd’hui des faits (têtus?) qui leur donnent tort. Et ces faits sont aussi chiffrés, et ce sont leurs chiffres. Ainsi on voit que la croissance (telle qu’ils la définissent) augmente un peu mais que chômage augmente aussi.

Je ne prétends pas être un grand économiste mais je crois savoir ce qu’est une corrélation et un lien de causalité. Je peux affirmer qu’il n’y a plus de lien de causalité entre la croissance archaïque qui sert toujours de référence, et la création d’emplois. C’est fini !

Ceux qui nous promettent des lendemains qui chantent, si la croissance repartait, ne disent pas la vérité.

À ceux qui pleurent sur le fait que la consommation des biens est en panne et que c’est pour cette raison que le chômage monte, je leur dis que tout cela a vécu.

Ce que je dénonce est le discours de quasiment toute la classe politique traditionnelle. Ils vivent sur des concepts dépassés, sur des mythes d’une culture économique du siècle d’avant, de l’époque où l’on produisait, où l’on consommait où l’on faisait travailler les hommes en bouffant le capital. Celui-ci, c’est la planète ; l’air, l’eau, la terre, ce capital qui appartient à tous. Et à force de bouffer le capital, ces biens que l’on croyait autrefois gratuits (eau, air, terre,espace…) deviennent chers. Et ce faisant, ils sont convoités et sont à l’origine de conflits graves, destructeurs, mortels pour beaucoup d’enfants, de femmes et d’hommes.

Ils me donneraient des complexes avec leur aplomb qui consiste à ne pas vouloir changer de registre (eux disent «logiciel» , ça fait plus moderne).

Leur monde est mort, et ils nous font de l’économie par inertie. Ils ne savent pas proposer autre chose. Ils ont peur de dire que la façon de travailler, de produire, de consommer que nous avons connue est désuète, nuisible à tous.

L’heure est venue pour les plus riches de partager. Il n’y aura pas toujours plus pour toujours plus d’humains sur Terre ! C’est fini. On peut mathématiquement expliquer que la croissance exponentielle est une illusion. Je pourrais dire que moi aussi : « j’ai les chiffres » sans prendre aucun risque de me tromper.

On ne remplacera pas des centaines de millions de voitures thermiques par des millions de voitures électriques, par exemple. On ne donnera à 9 milliards d’humains le niveau de consommation d’un européen ou d’un américain !

Mais partager c’est difficile, surtout dans une société où consommer est devenu un style de vie, un but, un statut social même, jusqu’à devenir une sorte de projet de vie porté par tout un système, y compris le système éducatif.

Mais soudain, je suis pris d’une angoisse. Comme il est devenu difficile à des responsables publics de dire : « nous nous sommes tous trompés, vous ne reverrez pas la société du plein emploi de vos parents » je me demande si, finalement, ceux qui continuent à nous dire que l’on peut bouffer le capital sans soucis ne nous mènent pas inconsciemment (j’en vois déjà qui pensent que c’est consciemment) vers les conflits dont je parlais plus haut. Et de se réjouir presque des marchés ouverts par la reconstruction future de la Syrie, de la Libye…Eh oui ! il y a de la croissance en vue, de la compétitivité à exalter. Finalement, cette logique poussée jusqu’au bout est peut-être la bonne. On détruit, on massacre, et derrière ça fait de l’activité, de la demande, de la consommation, de la production et donc de l’emploi. Serais-je devenu cynique ? Non, j’ai les chiffres ! Ça marche ! De toute façon les larmes, les souffrances, la faim n’affectent pas la croissance. Mais en y réfléchissant un peu…ça peut la pousser à la hausse.

David Grosclaude

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Montségur 2016, un pardon historique!

Nov 10, 2016

« Si l’on convoque en ce lieu les victimes des combats, des tueries et des charniers soufferts, j’appelle devant vous mon peuple torturé! »
Arnaud de Villemur
Concile de Latran IV – 14 nov. 1215

Près de 800 ans après le drame de Montségur, qui connut l’un des plus grands bûchers de la « Croisade contre les Albigeois », l’église catholique d’Ariège présente publiquement, pour la première fois, ses regrets et demande pardon pour le massacre des chrétiens cathares d’Occitanie et d’ailleurs.

Un rappel historique

Dans un communiqué de Presse, l’évêché de Pamiers souligne que  » notre région Occitanie a été marquée au Moyen Age par le drame de la croisade contre les Albigeois et les massacres qu’elle a engendrés ainsi que par la répression impitoyable contre les fidèles de la doctrine cathare. Notre mémoire en reste blessée.[…] Comme ceux d’autres courants considérés comme hérétiques par l’institution ecclésiale, les adeptes de cette voie ont été pourchassés et condamnés à de lourdes peines allant de l’emprisonnement à la mise à mort par le feu, lors de bûchers terribles comme ici, à Montségur, où plus de deux cents « hérétiques vêtus » selon les termes de l’époque, ont été brûlés, avec leur chef l’évêque cathare de Toulouse Bertran Marty, le 16 mars 1244. La stèle du Prat dels Cramats porte aujourd’hui la mémoire souffrante de cette plaie ouverte. En cette année 2016 voulue par le pape François comme année de la Miséricorde, nous croyants catholiques qui sommes en Ariège, ne pouvons aujourd’hui que regretter ces actes et les condamner ».

Au début du 13e siècle, le christianisme des « Bons Hommes » que l’on appellera « cathares » au 19e siècle, connaîtra un réel succès dans le Comté de Toulouse, en raison en particulier de son détachement des biens matériels et de sa pratique des valeurs évangéliques, que l’Eglise de Rome semblait avoir abandonnées. Il faut dire aussi que les terres occitanes jouissaient d’une certaine liberté de pensée dont les comtes de Toulouse, les seigneurs et les consulats occitans favorisaient en général l’expression.
C’est dans ce contexte que le pape Innocent III lançait en 1209 une croisade contre Raimon VI et son comté considérés comme hérétiques, pour la première fois en terre chrétienne. Les barons de France en profiteront pour se tailler des fiefs en terre occitane à coups de massacres et de bûchers. Dès le début on fera un exemple en réduisant Béziers en un vaste charnier, pour effrayer les autres villes conquises dès lors plus facilement, comme Narbonne et Carcassonne. Celles qui résisteront verront leurs élites exterminées, comme à Lavaur en 1213, où Dame Guiraude torturée sera précipitée au fond d’un puits et les chevaliers occitans égorgés par les sbires de Simon de Montfort, tandis que sera dressé le plus grand bûcher de la croisade où périront plus de 400 cathares.

Croisades et inquisition

Deux croisades seront nécessaires pour venir à bout du Comté de Toulouse. La première, celle de l’Eglise, durera de 1209 à 1223. Son chef redoutable, Simon de Montfort, sera tué par des Toulousaines de Saint-Sernin lors du siège de Toulouse par les Français en juin 1218. Elle se soldera par la victoire des Occitans avec Raimon VII et Trencavel le jeune.
La seconde sera une véritable guerre de conquête entreprise en 1226 par le roi Louis VIII avec la bénédiction de l’Eglise. Elle s’achèvera par le traité de Paris imposé en 1229 par Blanche de Castille et son fils Louis IX dit « Saint-Louis ». Ainsi non seulement il est prévu l’annexion à terme des terres de Raimon VII, mais aussi on crée une université rue Saint-Rome dans le couvent des Dominicains, chargée de former les futurs agents de l’inquisition, pour éradiquer toute contestation du nouvel ordre établi à la fois par l’Eglise et le pouvoir capétien. Un concile se réunit à Toulouse: il inaugure après vingt ans de guerres, un siècle de répression, de terrorisme inquisitorial: « Seront considérés comme accusés d’hérésie ceux que désignera la rumeur publique ou ceux qui, sur dénonciation de gens honorables et sérieux, auront été classés comme tels, légalement, par l’évêque ».
Ainsi tout un peuple s’enfonce dans une nuit inquisitoriale impitoyable. L’inquisition est un tribunal qui a sa propre police et ses méthodes dignes de la Gestapo et du KGB dans les dictatures du 20e siècle. Dorénavant, chacun devra apprendre à se taire, pire à se méfier de ses voisins comme de ses propres amis ou de sa propre famille. La philosophe Simone Weil (1909-1943) écrit, quelques jours avant sa mort en 1943, à propos de la conquête du comté de Toulouse par la France qu’elle compare à l’occupation nazie: « On peut trouver dans l’Histoire des faits d’une atrocité aussi grande, mais non plus grande »… Ces méthodes vont briser les structures sociales et les solidarités. C’est la police inquisitoriale qui va détruire inexorablement le catharisme et l’esprit de résistance occitane.

Montségur, « tête de l’Hydre à décapiter »

Après la soumission plus ou moins feinte des seigneurs et des consulats occitans à l’Eglise et au roi, une seule place « rebelle » résiste toujours: Montségur! « La tête de l’Hydre qu’il faut décapiter », dit Blanche de Castille… Une armée de Louis IX met le siège en mai 1243 au pied du célèbre Pog pyrénéen.
A ce moment, près de cinq cents personnes vivent dans le château et dans le village construit sur les pentes: la famille du seigneur Raimon de Péreille, des écuyers, des faidits et plus de deux-cents religieux cathares. Le tout forme un ensemble bien organisé, où chacun participe à la vie et au travail de la communauté.
Le siège va durer dix mois. Début mars 1244, quand la situation est devenue intenable, Pierre-Roger de Mirepoix négocie une trêve de quinze jours. A l’aube du 16 mars, les Français prennent possession du château de Montségur et deux-cent-vingt-cinq personnes -tous « Bons Chrétiens »- périssent sur un immense bûcher au pied du Pog : « Refusant la conversion à laquelle ils étaient invités, ils furent brûlés dans un enclos fait de pals et de pieux où l’on mit le feu et passèrent dans le feu du Tartare. », écrit le chroniqueur contemporain Guilhem de Puylaurens.
Avec la fumée de Montségur, s’envolent les derniers espoirs de reconquête et d’indépendance du Comté de Toulouse.

Un événement historique

Le 16 octobre 2016, l’évêque de Pamiers doit présider une cérémonie en présence de la municipalité de Montségur et des membres de Convergencia Occitana, pour reconnaître officiellement que l’éradication des Cathares est une faute, contraire aux valeurs de l’Evangile. Et cet acte de l’Eglise ariégeoise constitue un événement historique capital. Il faut rappeler que le pape actuel choisit pour la première fois le nom de François en souvenir de l’apôtre des pauvres d’Assises, dont la mère était occitane et dont ses disciples Franciscains furent aussi persécutés par l’inquisition dominicaine après les Cathares, comme le moine de Montpellier Bernard Délicieux torturé et mort à la Pâques 1320 au « Mur » de Carcassonne.
Comme me l’écrit un ami dont l’épouse est de la famille Authié-Balat de Montségur, « la guerre faite à l’Occitanie au début du XIIIe siècle fut un « hold up » sur les terres de la dynastie raymondine et sur celles des Trencavel, elle fut un « hold up » sur une civilisation, elle fut une dépossession… »
C’est aussi ce qu’écrivait au début du 18e siècle Dom Vaissette, pourtant bénédictin, dans la monumentale Histoire du Languedoc: « Les principaux instigateurs de la guerre contre Raymond songeaient moins à s’assurer de sa catholicité qu’à le déposséder de ses domaines et à s’enrichir de ses dépouilles. »
Et à présent, qu’en pense la France jacobine? Est-elle prête, elle aussi, à faire amende honorable et à reconnaître que la conquête sanglante du comté de Toulouse, devenu aujourd’hui la région Occitanie, par les armes et le feu des bûchers fut un crime? On peut en douter…

Georges LABOUYSSE

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Magazine Occitania – Sept/Oct 2016

Nov 10, 2016

cob-206 Au sommaire de nombreux articles en français ou en occitan : La croissance ou la guerre (par David Grosclaude); Montségur 2016, un pardon historique (par Jordi Labouysse); Primaria : la dreita fa son casting (per Uc Jourde); COP 21 e urgéncia climatica (per Fernand Vedel) ; France : recoller les morceaux (par Loïc Steffan), etc…

28 paginas d’infos, d’analisis e commentaris. Possibilitat de recebre un exemplari a gratis de la revista sus simpla demanda a info@adeo-oc.eu

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Michel Rocard et les jacobins

Sep 16, 2016

Après la mort de Michel Rocard… et les nombreux éloges unanimes (!) et souvent hypocrites qui lui sont faits, il est bon, semble-t-il de rappeler qu’il fut secrétaire national du PSU (de 1967 à 1974), à une époque où ce parti définissait le socialisme autogestionnaire, prônait «le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes», combattait le colonialisme intérieur comme extérieur, luttait contre le centralisme étatique et pour l’autonomie des nations sans Etat.
Rocard fut d’ailleurs l’auteur d’un rapport intitulé « Décoloniser la province » aux rencontres de Grenoble en 1967 sur « La vie régionale en France », un rapport où il fustige « une tradition politique qui, des rois aux républiques, en passant par les empereurs, gouverne à l’intérieur par ses missi dominici, ses intendants et ses préfets en étouffant les pouvoirs locaux» et où il affirme que « la renaissance du dynamisme régional suppose la disparition de la tutelle de l’Etat et du préfet »…
C’était aussi l’époque de luttes sociales exemplaires, ouvrières avec l’affaire Lip et paysannes avec l’affaire du Larzac, et c’était enfin la prise de conscience par nos populations d’une appartenance à une terre, à une langue et à une culture, ce qui se traduisait par ce slogan toujours d’actualité: «Volèm viure, trabalhar et decidir al païs»!

Héritier de Mendes-France, Michel Rocard fut sans doute le seul Premier ministre de la Ve république à bien comprendre l’Histoire des peuples et de leurs nations, à dire et à montrer la nocivité du centralisme parisien et de cette vieille formule dépassée d’une « république une et indivisible », dont on sait tous les dégâts qu’elle a pu causer dans notre Histoire, avec l’Algérie en particulier. C’est pourquoi il a su résoudre par la négociation le grave problème de la Nouvelle Calédonie entre autres, alors que d’autres étaient prêts à faire massacrer toute une population autochtone au nom de «l’un et de l’indivisible» pour que «force reste à la loi de Paris» …
C’est peut-être son éducation protestante par sa mère et ses références à l’Edit de Nantes qui l’ont conduit à pratiquer en maintes occasions une politique de tolérance, avec tout ce que ce mot comporte de respect des libertés d’autrui et de compromis pour « vivre ensemble ». On retrouvera ce trait de caractère dans son ouvrage « L’art de la paix, l’Edit de Nantes » écrit en 1997 en collaboration avec l’historienne et universitaire toulousaine Janine Garrisson, qui dit de la Révocation de cet édit par Louis XIV en 1685: « C’est une décision politique, relevant de ce que l’on appelle de nos jours le totalitarisme ». Or avec Henri de Navarre, les protestants avaient réussi à imposer une conception de la laïcité qui n’a rien à voir avec le sectarisme, dont les militants de tous bords et notamment de l’extrême droite mais aussi de l’extrême gauche voudraient la définir.

Michel Rocard restera aussi l’homme politique le plus clairvoyant sur la question corse… et ce n’est sûrement pas un hasard s’il a voulu, lui le Parisien de naissance, que ses cendres reposent sur cette terre méditerranéenne de «l’Île de Beauté».
Ironie du sort: quelques jours après la mort de Rocard, l’actuel Premier ministre, le plus jacobin peut-être que nous ayons connu, se déplaçait en Corse avec une kyrielle de ministres plus centralistes les uns que les autres pour dire aux Corses, ce qu’ils disent à tous les peuples de la république: «L’Etat c’est nous! Vous n’existez pas et il n’y a rien à négocier…».
Alors pour rafraîchir la mémoire de Manuel Valls, émigré de Catalogne, nous lui dédions l’article que Michel Rocard (son « père politique » dit-il !) a publié dans le quotidien «Le Monde» du 31 août 2000 sur la Corse, un article qui pourrait tout aussi bien convenir aux autres nations de l’Hexagone et de l’Outre-mer.
On pourra aussi écouter le « discours de Rocard sur la Corse » à la tribune de l’Assemblée Nationale, en se connectant sur « You Tube ».
Georges Labouysse

Corse : Jacobins, ne tuez pas la paix !
par Michel Rocard – député européen, ancien premier ministre
le Monde – 31 août 2000
Extraits
[…]
Je n’ai pas une goutte de sang corse mais je n’aime pas que l’on me raconte des histoires, fût-ce au nom de mon pays. Je suis, amis jacobins, aussi fier que vous, sinon davantage car, député européen, j’évalue mieux la force comme les différences par rapport à nos concitoyens d`Europe ou du monde, des principes qui ont fait la République française et qui scellent son unité. Mais les principes fondamentaux de la République française se veulent libérateurs, et non oppressifs.
Le droit à la résistance à l’oppression est même un des droits fondamentaux de l’homme et du citoyen. Car il y a eu oppression, et il en reste de fortes traces. Je suis pour l’application des principes, mais pas au prix de l’oubli total du passé.
Il y a une révolte corse. On ne peut espérer la traiter sans la comprendre.
Il faudrait tout de même se rappeler :
– que lorsque Louis XV acheta les droits de suzeraineté sur la Corse à la République de Gênes, il fallut une guerre pour prendre possession de notre nouveau domaine. La France y perdit plus d’hommes que pendant la guerre d’Algérie.
– que la Corse est restée  » gouvernement militaire  » jusque tard dans le XIXe siècle, avec tout ce que cela implique en termes de légalité républicaine.
– que, pendant la guerre de 1914-1918, on a mobilisé en Corse, ce qu’on n’a jamais osé faire sur le continent, jusqu’aux pères de six enfants.
– que, de ce fait, encore en 1919, il n’y avait pratiquement en Corse presque plus d’hommes valides pour reprendre les exploitations agricoles. Les tout jeunes n’ont pas eu le temps de recevoir la transmission des savoir-faire. C’est ainsi qu’ils sont devenus postiers et douaniers.
– que c’est donc à ce moment que la Corse devient une économie assistée, ce qu’elle n’était pas auparavant. L’apparition de la « paresse corse » dans les blagues, les chansons et le folklore datent de là. On n’en trouve pas trace avant.
– que, d’autre part, le droit successoral traditionnel corse était fort différent du code civil. C’est ainsi que les « métropolitanisés », si j’ose dire, Corses ou non-Corses, se sont injustement appropriés, bien des terres ancestrales. C’est aussi la raison principale pour laquelle beaucoup d’agriculteurs corses traditionnels n’ont pas de titres de propriété leur permettant d’obtenir du crédit.
– que, de la même façon, le code civil ne prévoit pas, et interdit même, la propriété collective. Or tout l’élevage corse, et notamment celui des porcs – la charcuterie corse est justement célèbre -, se faisait sur terres de pacage collectives.
– que la tuerie d’Aléria, les 21 et 22 août 1975, a été ressentie comme la fin de tout espoir d’une amélioration consécutive à des discussions avec le gouvernement de la République et a donné le signal du recours à la violence, parce que tous les Corses, je crois sans exception, ont très bien compris que jamais une riposte pareille à une occupation de ferme n’aurait pu avoir lieu dans l’Hexagone.
– que, d’ailleurs, treize ans auparavant, la Corse avait reçu du gouvernement français un autre signal dangereux. Suite à des incidents survenus, déjà, à la fin des années 50, le gouvernement créa la Société de mise en valeur de la Corse, Somivac. Elle avait charge de racheter des terres disponibles, en déshérence ou non, de les remembrer, d’y tracer voies et chemins, d’y amener l’irrigation dans certains cas, puis de les revendre à des paysans corses. Les quatre cents premiers lots furent prêts à la vente au tout début 1962. De Paris vint l’ordre d’en réserver 90 % pour les pieds-noirs rentrant d’Algérie. 90%, pas 15% ou même 50%! Ce pourcentage est une incitation à la guerre civile.
– que l’on fit, en 1984, une découverte étrange. Le président Giscard d’Estaing, vers 1976 ou 1977, avait pris la sage décision d’assurer à la Corse la « continuité territoriale », c’est-à-dire la prise en charge par l’Etat de tout surcoût de transport lié à son insularité. Sept ou huit ans après – est-ce stupidité, manque de courage ou concussion? -, l’administration avait assuré la continuité territoriale pour les transports de personnes et pour les transports de marchandises de l’Hexagone vers la Corse, mais pas dans le sens inverse! Les oranges corses continuaient d’arriver à Marseille avec des frais de transport plus élevés que celles qui venaient d’Israël. Pour les vins et la charcuterie, ce fut la mort économique.
– et qu’enfin la Corse, comme la Martinique et la Guadeloupe, a subi pendant bien des décennies un monopole de pavillon maritime imposé par l’Etat, avec les conséquences asphyxiantes que l’on devine.

[…] Lorsque l’Histoire a un tel visage, il faut soit beaucoup d’inconscience, soit beaucoup d’indécence pour dire seulement aux Corses :  » Assez erré maintenant. Soyez calmes et respectez les lois de la République. Vous bénéficierez alors pleinement de leur générosité. » De cette application uniforme et loyale, les Corses n’ont guère vu trace dans leur longue histoire.
[…]En l’absence d’une véritable justice foncière, c’est la violence qui est devenue l’instrument de défense des droits personnels, et la loi du silence, l’omerta, la traduction inévitable de la solidarité familiale devenue clanique. On est vite passé de la terre à l’ensemble des activités sociales. De plus, là comme ailleurs en France, l’Etat distribue des subventions, puisque chez nous, au lieu d’être pour l’essentiel utilisés sur place comme dans les Etats fédéraux, les produits de notre fiscalité remontent au centre avant d’en retomber pour attester la générosité de la République. Dans un univers culturel où la légalité et l’équité étaient aussi peu apparentes, il n’est guère surprenant que les clans se soient organisés, violence et loi du silence comprises, pour contrôler à tout prix les processus électoraux et les flux financiers qu’ils induisent.
Voilà le gâchis dont il faut maintenant sortir. […]
Comment traiter alors cette nécessité pour la Corse de prendre une part plus grande à la maîtrise de ses affaires pour les conduire en fonction de ses caractéristiques propres ? Le fait que l’on ait pu évoquer et citer dans le projet gouvernemental des « attributions législatives » a suffi à mettre le feu aux poudres. […]
Si vraiment l’on croit, comme l’affectent nos jacobins, et comme je le crois moi-même, aux vertus exclusives de l’action politique et de la démocratie pour assurer à la Corse un avenir de calme et d’expansion, alors pourquoi vouloir en exclure les Corses eux-mêmes ? Le pari qui s’esquisse consiste à penser que les Corses fiers de l’être et qui revendiquent leur identité, une fois devenus plus nettement responsables, sauront traiter des difficultés d’existence de cette identité mieux qu’il n’a été fait par le passé. Refuser ce pari, c’est refuser la démocratie dans son principe. Refuser de donner une large autonomie à l’Assemblée de Corse c’est d’abord faire le calcul surprenant que les nationalistes pourraient y être bientôt majoritaires, ce que tout dément, mais surtout afficher clairement que l’on se méfie d’eux, que l’on ne croit ni à l’apprentissage de la responsabilité ni aux vertus des réconciliations négociées.
Lionel Jospin a eu un grand courage dans cette affaire. Il serait dommage et dangereux qu’une frilosité républicaine bornée l’empêche d’établir entre la France et la Corse de nouvelles relations fondées sur la confiance réciproque. La République en sortirait à coup sûr renforcée, alors que la persistance de la crise l’affaiblit gravement.
Michel Rocard

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