Tous les décideurs essaient de prévoir. Mais ils sont souvent pris en défaut.  Les événements rares et catastrophiques –tremblements de terre, inondations, accidents nucléaires, krachs boursiers, etc.–, dominent  régulièrement l’actualité et fascinent notre imaginaire par leur caractère imprévisible et surtout par leurs conséquences. Les mathématiques permettent de comprendre un certain nombre de choses.

Voici un premier graphique réalisé par mes soins qui illustre la croissance du PIB et de la population mondiale.

Les lois exponentielles sont tout simplement impossibles au delà d’un certain temps dans un monde fini. 

Tout le monde connait l’échiquier de Sissa (nombre de grain multiplié par deux qui au final font une valeur astronomique) ou l’équation du Nénuphar d’Albert Jacquard que je rappelle rapidement.  On plante un nénuphar dans un grand lac. Ce nénuphar a la propriété héréditaire de donner un autre nénuphar chaque jour. Au bout de 30 jours il a recouvert la totalité du lac et la population meurt asphyxiée et privée de nourriture. Au bout de combien de temps recouvrait-il la moitié du Lac ? (réponse à la fin de l’article)

Nous savons depuis les travaux de Gaël Giraud et Zeynep Kahraman que le PIB dépend à 60 % environ de l’énergie disponible et, de plus, il semblerait que le potentiel de découvertes scientifiques soit aussi limité.

Les questions essentielles que nous devrions nous poser sont les suivantes:

  • Comment évaluer les limites de notre éco-système ?
  • Quelle est la taille de la population mondiale qui en résultera ?
  • Quel sera le niveau de confort et de bien-être que nous pourrons avoir ?
  • Allons-nous subir un état stationnaire ou une chute rapide à cause de l’utilisation massive de ressources finies ?
  • la coopération l’emportera-t-elle sur le conflit entre les divers groupes humains ?

Risques et incertitude

Frank Knight,  théoricien du risque et économiste –personne n’est parfait–, distingua le risque calculable, correspondant à des événements dont on peut évaluer la probabilité, et l’incertitude, qui recouvre des événements dont on ignore les probabilités d’occurrence et les conséquences. Cela est essentiel, notamment dans le domaine de l’assurance.

Lorsqu’on s’éloigne des systèmes physiques pour aller vers des domaines où les facteurs humains sont plus importants, la part de l’incertitude augmente.

Et il peut y avoir des « cygnes noirs » –événement important qui bouleverse tout– aux conséquences importantes. Le monde est généralement présenté de manière artificielle et trompeuse. Le travers des économistes et des scientifiques est de prétendre toujours prévoir les événements avec la certitude des lois de la probabilité. Or le monde n’est pas prévisible. L’histoire est plutôt déterminée par des événements extraordinaires et imprévus. Au moindre imprévu on parle de « cygnes noir » –les conséquences étaient imprévisibles– mais c’est souvent biaisé car des signes auraient du nous mettre en garde.

Bienvenue chez SOC

La criticalité auto-organisée –Théorisée par Per Bak, désigne un certains nombre de systèmes qui s’auto-organisent comme par exemple lorsque la glace ou les flocons se forment. On observe aussi cela sur les villes-champignons, les groupes sociaux, etc.

En simplifiant à l’extrême on peut dire qu’il s’agit d’un phénomène de mise en ordre croissant par dissipation d’énergie. Le phénomène peut être progressif ou brusque mais on peut l’évaluer. Cela donne de belles représentations qui permettent d’anticiper, en partie, ce qui va se passer. Ici il s’agit de fourmis mais les humains fonctionnent pareil. Or par nature, un système de ce type est instable.  Il peut connaître des bifurcations.

Bifurcations or not bifurcations ?

Les bifurcations se produisent sur les systèmes métastables ou instables pour les ramener à un était plus stable. Par exemple entre une zone froide et une zone chaude des vents se forment pour rétablir l’équilibre.

On a l’habitude des systèmes instables mais on est surpris par les systèmes métastables –on les croit stables– car on se s’attend pas à ce qu’une petite variation ait de si grandes conséquences.

Dans les systèmes métastables, une perturbation même faible peut déclencher une instabilité, jusqu’au retour à un autre équilibre.

Imaginons maintenant que nous versions du sable sur une table. Celui-ci forme un tas, dont la pente augmente de plus en plus jusqu’à être trop importante. A ce point critique des avalanches se forment. Elles sont, la plupart du temps, petites et exceptionnellement très fortes. La répartition du phénomène se fait selon une loi de puissance et l’amplitude est inversement proportionnelle à la fréquence : plus c’est rare plus c’est grave.  Les marchés financiers et le climat ou d’autres phénomènes réagissent de la sorte. Pour la population cela peut signifier une forte correction. Dans un autre registre, le climat, le risque de bifurcation et d’emballement est important. Même le GIEC pense qu’à partir de 1,5 °C de réchauffement on entre dans une évolution non linéaire (dangereuse). Et ces 1,5 °C, sont déjà inévitables. Songeons au +20 °c par rapport à la moyenne habituelle au pôle Nord en ce moment !

Un dernier petit coup de Bar-Yam sur la tête

Le monde est devenu très complexe. Probablement trop.  Le processus de complexification croissante de la société est un processus « naturel ». C’est la réponse du système à son environnement. Au départ, l’augmentation des échanges et la diversité est précieuse. Un village qui souffrirait d’une mauvaise récolte peut aller la chercher dans le village voisin. Mais si le monde est trop interconnecté, les doublons disparaissent et seul le plus efficace survit. Si par exemple il y avait un boulanger dans les deux villages, il risque de n’en rester qu’un. A ce moment là, l’impact des défaillances se propage. Dépendant l’un de l’autre, les deux villages souffriront si l’un rencontre un problème.  Du coup, la complexité conduit à une plus grande vulnérabilité.  On le voit, par exemple, pendant les épidémies quand on étudie leur propagation. Cet aspect est assez peu compris. Il montre que lorsque les réseaux deviennent toujours plus couplés, ils commencent à transmettre les chocs plutôt que de les absorber.

Utilisant le même mécanisme de puissance, le pouvoir se concentre. Il est absurde de penser que la concentration du pouvoir entre les mains d’un ou de plusieurs individus (cas de nos démocraties qui sont organisées de manière hiérarchique) est susceptible de mener à des décisions politiques optimales, dans la mesure où ces décisions interviennent au sein d’un tissu d’enjeux complexes, interconnectés de plus en plus grand. Dans ces conditions, toute décision politique aura toujours des conséquences importantes, possiblement dramatiques, et non anticipées. Le moindre cygne noir d’un sous-système quelconque risque de mettre le tout par terre par effet domino… or la société mondiale d’aujourd’hui est un immense réseau interconnecté. On connaît la suite : le baril monte à 145$, le système de prêts immobiliers américains se met en défaut, les subprimes explosent et l’ensemble de la planète finance bascule en renversant la table où tout le monde mangeait.

Les bonnes résolutions pour 2017 :

  • Il est nécessaire quantifier les phénomènes mais il faut rester modeste sur la prédictibilité des systèmes. Quelques règles de bon sens permettent d’éviter le pire : principe de précaution. Par exemple, si je n’ai rien contre le nucléaire, on ne construit pas des centrales nucléaires sur une zone sismique –comme en Californie– qui a une probabilité de 70 % de connaitre un événement majeur aux conséquences potentiellement désastreuses d’ici 20 ans.
  • On ne perturbe pas le climat au risque de créer une bifurcation et un emballement. On y est probablement.
  • On ne dépasse la capacité porteuse d’une ressource renouvelable sous peine de correction forte.
  • On essaie de construire des systèmes robustes qui ne sont pas sensibles à l’aléatoire. On préfère  l’anti-fragile, c’est à dire tous les systèmes qui tirent profit de l’aléatoire.
  • On essaie de réduire les conséquences en appliquant certains principes de précaution –mais pas de manière excessive.
  • On corrige les phénomènes de concentration des lois de puissance car la concentration augmente le hasard sauvage. On lutte contre les inégalités en aménageant le territoire pour lutter contre la concentration naturelle sur les métropoles. VIVE LES REGIONS !
  • S’il faut accepter un part d’inconnu,  ce n’est pas non plus la peine de prendre des risques insensés notamment avec le climat. En effet lorsqu’un système sort de son état méta-stable, il peut s’emballer.
  • On crée des systèmes plus anti-fragiles car plus résilients. Généralement, ils sont moins complexes et plus petits. VIVE LES REGIONS ET LES CAMPAGNES !

La réponse était 29 jours car la taille double tous les jours. Sommes nous le 29ème jour ?

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