L’affaire DSK éclaire d’un jour cruel la problématique de l’identité nationale. Ce débat, rappelons-le, avait été lancé par le locataire actuel de l’Élysée.

Sarkozy-Strauss Kahn : deux rivaux qui incarnent communément les dérives de la monarchie républicaine, à la sauce néo-libérale. La sinistrose médiatique alimentée autour de l’affaire DSK est à la mesure du psychodrame national : la cristallisation maladive sur les  personnages de pouvoir répond aux déviances des dirigeants pris en faute. À l’étranger, il est vrai, le masque de la « grandeur de la France » s’est déjà largement effrité, avec les frasques du prés ident b ling-b ling ou les c ontreperformances d’une équipe de football repue d’argent et de vanité.

Troisième figure tutélaire de la politique-spectacle, Marine Le Pen, qui est censée recueillir les suffrages populaires à la prochaine échéance électorale dont tout  montrait, jusqu’à la chute du directeur général duFMI, qu’elle était pipée. Dans la distribution des rôles,
le sien reste de recycler les rancoeurs d’un peuple confronté à la fois à la régression de ses conditions de vie et à l’impunité dont bénéficie la caste au pouvoir.

De mémoire de citoyen, les « affaires » défraient la chronique régulièrement et se concluent imperturbablement par des non-lieux ou des dénouements insignifiants : affaire Woerth-Bettencourt, affaire des emplois fictifs de la ville de Paris, affaire de Karachi, affaire Clearstream, angolagate, affaire Elf, affaire Tapie…

Autre personnage en scène, l’étranger non européen, à qui faire payer la note des dysfonctionnements internes, comme le distillent en choeur les responsables  de la xénophobie d’État et de l’extrême-droite. Il a bon dos l’émigré de service ou le pays sub-saharien qui doit subir l’ire magistrale de la métropole en crise. Exemple tragique que celui de la Côte d’Ivoire, jadis pays respecté de la sous-région et désormais réduit à merci, suite à une guerre civile largement télécommandée depuis Paris et Ouagadougou et qui s’est concluepar un coup de force avec la bénédiction de la « communauté internationale ».

Le pays de la Marseillaise s’illustre en participant à deux autres conflits guerriers en Afghanistan et en Lybie dont l’objectif invoqué est celui de la défense de la démocratie libérale. Cette extraversion belliciste est aussi à la mesure des déséquilibres Nord-Sud et de l’aspiration des peuples du Sud, arabes et africains, à prendre en mains leur destin national. Quelques jours après l’assassinat du chef terroriste Ben Laden par les services américains, l’inculpation à New York du DG du FMI sur les accusations d’une jeune domestiqueguinéenne constitue un symbole fort du combat des catégories représentées.

À la délinquance financière de maints dignitaires  s’ajoute donc la possible criminalité sexuelle d’un dirigeant plébiscité auparavant  comme le nouvel « homme providentiel » et qui dans les faits souffrirait d’une overdos e des ingrédients class iques de la   toutepuissance. Suite à des années de pipolisation de la vie politique en lieu et place du débat d’idées sur de véritables  alternatives,  cette catastrophe personnelle traduit  l’impasse humaniste de ce mode de gouvernance.Comme dans la tragédie antique, le spectateur  est invité à une « catharsis » salutaire ; tel est l’objectif, par exemple, du pacte civique récemment constitué : cult iver le   décentrement et une éducat ion citoyenne à l’altérité.

 

L’enjeu de la démocratie réelle (democracia real)
De nombreux médias défendent le bilan de DSK au FMI depuis 2007 et sa fibre tiersmondiste : il s’agit dans les faits d’une gestion  ultralibérale dont les pays du Sud continuent à faire les frais, avec le maintien des programmes d’ajustement structurel (PAS) pour le paiement d’une dette illégitime. Avec la crise systémique, voici venu le tour des pays européens les plus fragilisés, talonnés par les  marchés financiers, la Grèce, le Portugal, l’Espagne… Quant à la soi-disante démocratisation du FMI en faveur des pays émergents, les  rumeurs du remplacement de DSK par un nouvel  Européen démentent cet autre aspect du mythe. Christ ine La garde reprendra-t -elle  le poste tant  convoité, en dépit de l’affaire Tapie ? S’inspirant des révolutions arabes, la mobilisation « Democracia real » dévoile de son  côté les limites de la social-démocratie espagnole, moins compromise aux côtés de l’oligarchie mais victime d’une conjoncture défavorable. Et dénonce l’anachronisme d’une démocratie bipartite incapable de prendre en compte les besoins socio-économiques du  peuple et de sa jeunesse.

En conclusion, la crise républicaine qui sévit en France depuis le fiasco électoral de 2002 — que subit alors le candidat Jospin—  manifeste les passifs de l’« identité nationale » : le monarchisme républicain et machiste, alimenté entre autres par le centralisme
jacobin, l’impérialisme néo-colonial et la xénophobie d’État et transmué sous l’effet de la mondialisation néo-libérale en un affairisme de caste. Les développements de l’enquête menée dans le pays du watergate amèneront peut-être la justice américaine à crever
l’abcès de son impunité récurrente. Cette part d’ombre a progressivement gagné sur les forces vives à l’oeuvre dans le pays et que rappellent périodiquement les résistants de la première heure et les diverses mobilisations en faveur d’une République plus sociale, écologique, paritaire et respectueuse des  langues-cultures et de la souveraineté des peuples francophones.

L’avenir dira si un retournement de tendance s’opère de manière significative d’ici la présidentielle de 2012.

Martine Boudet

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