Nous avons eu le plaisir de rencontrer Jean Marie Pelt à Gaillac juste après une confé rence sur les valeurs de l ’écologie.  Ethnobotaniste, auteur de nombreux livres, chro niqueur radi o réputé, c’ est un érudit mal ic ieux et bienveillant qui a bien voulu répondre à nos questions pour les lecteurs d’Occitània-Volèm viure al país.

Occitània : Pensez-vous vraiment que l’écologie est en train de changer notre société ?
J.M. Pelt : Vous savez, on peut dire qu’aujourd’hui, à l’heure où nous parlons, deux univers complètement étrangers l’un à l’autre se côtoient. D’un côté vous avez la technologie, la science, qui produit des pest icides par exemple. C’est en quelque sorte notre monde et il est en train de disparaître peu à peu. L’autre univers c’est celui des  » agro-bios  » qui utilisent les produits naturels de façon plus ou moins empirique. Le problème c’est que la recherche scient ifique ne s’est pas intéressée à ces méthodes. Je suis en train de travailler
sur les associations bénéfiques entre plantes. Je suis allé rencontrer mes collègues de l’INRA : aucune recherche n’est menée sur ce sujet ! Mais je suis optimiste.

En 2030 l’Europe interdira probablement les principaux pesticides actuels : l’histoire est en marche.

 

— Vous pens ez que le s mentalit és sont en tr ain d’évoluer ?
— J’ai étudié l’évolution du rapport homme/nature au cours de l’histoire. Je distingue trois grandes périodes. De la fin de l’antiquité jusqu’au moyen âge, la nature est perçue comme admirable. Pendant cette période, tout le monde est croyant et la nature est belle car elle est le reflet du créateur. Plus tard au moment de la Renaissance, Descartes marque un tournant : selon lui, les hommes sont les maîtres et possesseurs de la nature. C’est le début de l’exploitation de la nature qui est perçue comme un réservoir dans lequel on peut
puiser. Alors on s’est mis à consommer, à vider le réservoir et à produire des déchets. Avec Darwin et la théorie de la sélection naturelle, on a franchi un cap supplémentaire : la nature c’est la loi du plus fort. La nature est alors vécue comme  » méchante  » . Cette
vision s’est propagée et elle s’est diffusée dans d’autres théories. Marx y a vu un modèle de la lutte des classes. Les libéraux la libre concurrence… Le monde s’est engagé à fond dans toutes sortes de compétitions, guerre économique, conflit social, combat politique…
Enfin depuis quelques années nous prenons conscience que nous sommes responsables de l’avenir de nos enfants. Descartes s’est trompé : l’homme ne maîtrise pas toute la nature, nos enfants auront-ils une vie aussi  » bonne  » que la nôtre ? Pas sûr du tout !

— C’est une question très politique…
— Avez-vous remarqué les mots employés en politiqu e ? On parle de  » combat politique « , de  » b a t a i l l e électorale « , de  » campagne électorale « , comme au temps de Napoléon ! Je trouve que c’est l’honneur de l’écologie de montrer qu’il n’y a pas que la compétition mais aussi la coopération. C’est avec la solidarité une des valeurs clé de l’écologie.

— La solidarité, tout le monde en parle !
— La solidarité entre générations par rapport à ce que nous allons laisser à nos enfants est vraiment une valeur de l’écologie. Un autre grand problème de notre société c’est l’écart entre les plus riches et les plus pauvres qui ne cesse de croître. Les riches gagnent toujours plus d’argent. Pour quoi faire ? Acheter u  4×4 encore plus polluant ? Une autre valeur de l’écologie est la sobriété. Qu’on arrête de nous bassiner avec la vie des milliardaires et tout le  » bling-bling  » qui va avec !

— Quel est le message le plus important que vous souhaitez faire passer dans vos livres, vos conférences…
— Je pense qu’il faut retrouver la convivialité entre humains et monde vivant. Ne plus se comporter en brutes qui maltraitent la  nature. Les valeurs de l’écologies ont aussi celles des grandes spiritualités : sobriété, solidarité, coopération, équité. Nous avons surtout besoin d’aimer et d’être aimé. En résumé, je dirai qu’il faut passer de la civilisation du dollar à la civilisation de l’amour !

Propos recueillis par Hugues Jourde.

Jean Marie Pelt a écrit de nombreux ouvrages. Nous vous conseillons  » L’écologie pour tous  » aux éditions du Jubilé. Cet ouvrage pré sente sous la forme d’un entretien l es grandes problématiques de l’écol ogie, en élargissant la réflexion à un véritable humanisme trop souvent oublié.

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