Au moment de la mise en place duplan d’austérité, la révélation par Mediapart des frasques d’Aquilino Morelle, conseiller de F. Hollande et proche de M. Valls, font désordre. L’écart se creuse d’une manière générale entre des populations paupérisées et certaines élites qui, au sommet de l’État, perdent le sens de l’intérêt général.
Si le syndrome Cahuzac est typique d’une gauche c aviar, qui cumul e à l’ échelle individuelle conflits d’intérêt, fraudes fiscales et train de vie déplacé, les cas enregistrés à l’UMP revêtent un caractère de gravité accru, impactant de manière significative les affaires publiques. Dossiers Bettencourt, Karachi et Lybie, affaire du Crédit lyonnais, affaire Copé : cette actualité politico-financière s ‘est imposée récemment à la une des medias et à l’agenda des tribunaux.
Le parasitisme de l’oligarchie, organisée autour du parti-État UMP, a été mis à jour sous des modali tés divers es : financement des campagnes président iell es de 2002 et de 2007, fraude et évasion fiscales, atteintes au s ecret de l ‘instruction grâce à la compli cité de hauts fonctionnaires de la police et de la justice, enregis trements clandestins de l’ancien président Sarkozy … Les juges sont à la manoeuvre pour endiguer les a bus de c es dét enteurs de pouvoi rs électifs et de leur entourage clanique. Depuis l’élection interne de 2012, la crise d’encadrement de l ‘UMP est symptomat ique d’un tournant de la 5e République. Elle est à la mesure du degré de corruption atteint par l’exercice bonapartiste, celui de privilèges résultant de la collusion des pouvoirs et de la gestion des rés eaux françafricains . Aut ant de métastases d’un cancer qui risque de se généraliser et dont les peuples, français et du Sud, font les frais.
La culture de l’impunité
Pourquoi cette actualité a-t-elle été gommée dans la campagne électorale, certains barons délinquants ayant même été réélus dans des proportions indécentes et l’UMP remise en selle quasi triomphalement ? La faute à une culture de l ‘impunité en régime de monarchisme républicain : de même que les procès ELF et l’Angolagate ont ét é voués à l’échec, de même ces délits ne sont pas pour l’instant sanctionnés, à la différence des cas isolés notés au PS, épinglés par la vox populi et ce parti. Polémiques et tergiversations ont été alimentées de manière à enrayer le cours de la justice. À en juger aux résultats des municipales, le FN a récupéré cette manne médiati cojudiciaire; l’abstentionnisme record est un autre effet collatéral, signe d’une crise du système politique tout autant que de la sinistrose économique. Inculpé pour diffamation, le Syndicat de la Magistrature est lui-même dans la tourmente.
La gauche critique, assez silencieuse sur ce dossier, a intérêt à mobiliser ses forces ; de son inves tissement notamment, dépendent la cl arifica tion des enjeux et l’ issue de ces bras de fer. Il r est e à maintenir un a cqui s fragi le, l ‘évict ion du parti de la bourgeois ie nat ional e des levi ers principaux du pouvoi r. C’ es t un fai t s ignif icat i f à l ‘échelle d’une Union européenne en reflux politique, que ce soit en Espagne, au Portugal, en Grande Bretagne… Au delà de la lutte pour la justice sociale (le refus du « deux poids deux mesures » sur les plans fiscal et judiciaire), la démocratisation des institutions républicaines, l e cont rôle populai re de l eur ges tion consti tuent un impérati f s tratégique. Cet te démarche amène à repenser les catégories de représentation et la question de l’État-nation, et ceci en particulier dans le contexte de l’Union européenne.
En réponse à une délinquance d’élite qui s’accroît du fait de la financiarisation et de la concentration accrue car mondialisée des pouvoirs politiques et économiques, en réponse également à un populisme réactionnel et régressif sur le terrain, il s’agit de pérenniser et de transmettre une culture politique, fondée sur le respect des mandats et des services publics, de l’indépendance de l a jus tice et de l’application de ses lois et décisions.
Il y va aussi de la réhabilitation des relations de la France avec ses anciennes colonies, qui fasse le deuil d’une tradition impériale sans équivalent en Europe. Dans cette perspective, devraient être revis itées les prérogatives de la haute administ ration dont cel le de l ‘armée récemment mise en cause.
Dans une lettre ouverte, de j eunes offici ers du mouvement Marc Bloch demandent l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire, ciblant « le lobby « du comple xe militaro-industrie l », qu’ils accusent d’être responsable de certaines des orientations budgétaires qu’ils dénonc ent, et auquel le Parlement doit « imposer des choix stratégique s ». Ain si que la « gab egie du pyramid age des offici ers »… »[ 1 ] C e t t e démarche fait sens dans une période de précarité subie par le plus grand nombre.
Les cultures sources de régénération démocratique et morale
En amont, les éléments de résolution apportés par le fédéralisme doivent être pris en compt e. Il est bien vrai que le centralisme est source de corruption, et qu’une gestion plus proche des citoyens et davantage contrôlée peut a contrario protéger les t erritoires des abus des lobbies parisianis tes . À ce propos , les réformes envis agées par les pouvoirs publi cs — r éduct ion du nombre de régions, suppression des départements, métropolisation — restent ambivalentes : la réalisation d’économies, qui est l’objectif affiché, risque de se faire au détriment des zones rurales et périphériques.
À rebours de l’économisme ambiant, — autre cause de la corruption d’élites gestionnaires —, la reconnais sance des cultures cons titutives du pays est une condition sine qua non de la régénération démocratique. Il faut rappeler sans relâche que les valeurs républicaines en sont les hérit ières et que pour leur pl eine activation, ces forces vives — et notamment la culture occitane —, doivent être défendues et promues. C’ est sur des bases assainies de cet ordre que peut être négocié un contrat remobilisateur et plus favorable à la majorité des citoyens.
Martine Boudet
[1] Sa lomé Legrand (France -info, 6/03/2014): De jeunes officiers dénoncent une gabegie au sein de l’armée