Lacq, c’est un village qui a vu se construire dans les années cinquante une ville, Mourenx, rien que pour loger les employés de la Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine (SNPA). Une vitrine cette ville nouvelle, bâtie rapidement. C’était la quintessence du progrès et de la modernité.
Le gisement devait être épuisé en 1990 mais on avait développé des techniques pour aller chercher plus de gaz et en laisser moins dans le sous-sol. On a donc prolongé jusqu’en 2013 l’exploitat ion et Mourenx est devenue une ville presque comme les autres. Officiellement , il y avait , au moment du pic , 10 000 emplois industriels. Il en resterait 7700 aujourd’hui alors que Total n’emploiera bientôt plus que 50 personnes et seulement pour boucher les puits, jusqu’en 2018.
C’est vrai que Lacq a attiré de la chimie, mais pas la plus fine et la plus propre. C’est vrai aussi que si Total a mis un peu d’argent elle a su faire payer les collectivités pour la reconversion. Arkema, Abengoa, Toray en profitent.
Pour utiliser le gaz res tant (300 000 mètres cubes par jour) on a créé « LCC30 » pour Lacq Cluster Chimie 203 0. Cinq puits vont continuer à fonctionner. Un peu plus de 150 millions d’euros ont été investis par Total qui n’a pas tout payé ; les collectivités ont aussi un peu mis la main à la poche.
Total, dont les bénéfices étaient g igantesques ( 10 à 12 milliards d’euros dans les dernières années) n’a pas fait l’effort du siècle mais elle a su aussi faire du marketing. Par exemple en vendant comme une réalisation écologique majeure, la réinjection de CO2 (5 0 0 00 tonnes, donc une babiole) dans un ancien puits sous les vignes de Jurançon. Sans parler de l’implantation sur l’ancien site gazier du japonais Toray qui va faire du PAN ( à Lacq , Tora y fa briquer a lamat ière première de la fibr e de carbone, le polyacrylonitrile) pour l’aéronauti-que. Ce seront environ 85 emplois.
Quant à Arkéma c’est de la thiochimie, et aussi des nano-particules dont on ne sait pas si elles seront la révolution que certains espèrent ou un futur problème de pollution à la mesure de l’amiante.
En tous cas, en ce domaine, les débouchés industriels semblent compromis. Abengoa enfin, s’est lancé dans les agrocarburants à base de céréales. C’était annoncé comme de la pure activité écologique… on sait ce qu’il en est quand on transforme en carburant ce qui peut servir à nourrir les hommes. De toute façon, à ce jour, c’est l’euphorie et le premier ministre devait venir en cette fin novembre 2013 pour visiter une reconversion industrielle exemplaire.
Ceux qui disent que tout ne va pas pour le mieux et qu’il existe des problèmes ne sont pas les bienvenus.
Total exonéré d’impôts
Le député socialiste local a eu l’idée étrange de demander l’exonération pour Total de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP). Le fait de renvoyer dans le sous-sol (dans les puits inactifs) des résidus chimiques ne serait pas une activité polluante. Le député local, soucieux certainement de garder de bonnes relations avec l’industriel expliqua à l’Assemblée Nationale que ce n’était que de l’injection « d’ eau salée ».
Pourquoi avoir besoin d’envoyer de l’eau salée à 3000 ou 4000 mètres de profondeur ? mais l’argumentaire du député a dû plaire à la majorité de droite de l’époque, qui a voté l’exonérat ion : 4 millions d’euros. Quant à Arkéma, en 2011, elle a rejeté 113 tonnes de tétrachlorure de carbone, qui lui sert de solvant.
Ce produit hautement toxique estun « tueur » de la couche d’ozone des plus redoutables. La totalité des rejets autorisés dans l’U.E était de 17 tonnes pour la même année. L’information n’est sortie qu’en juin 2013, grâce au travail d’une association qui a fouillé pour trouver des informations qui allaient rester secrètes.
Pour ne pas affoler la population, sans doute, qui de toute façon ne peut pas comprendre. .. c’est connu. Il faudrait rajouter le déraillement récent de deux wagons de chlore de 50 tonnes chacun sur une voie industrielle privée. Personne n’ose imaginer ce qui se serait passé s’il y avait eu des fuites.
Peu d’émotion et pas d’information pour le public. C’est la fameuse « culture du risque ». Mais s’il n’est pas question de dire que l’industrie chimique doit dispara ître (de toute façon, elle irait ailleurs et là où les exigences environnementales sont encore plus sommaires ), il est nécessaire de mettre en place dans l’après-Lacq une véritable organisation transparente, une information claire sur les risques. Mais, en temps de crise, que ne sacrifierait-on pas au nom de l’emploi ?
Comme si c’était les emplois ou la sécurité, les emplois ou la transparence ! Certes le gaz en Béarn a créé une acceptabilité hors-norme du risque industriel. Mais est-ce l’héritage le plus posit i f ? On pourrait ouvrir une nouvelle ère, après celle ouverte le 19 décembre 1951 par le jaillissement du gaz dans la vallée du Gave de Pau ?
David Grosclaude