Magazine « Occitania – Lo Cebier » Novembre / Décembre 2017

Jan 8, 2018

 

Au sommaire :

– Dossier de 6 pages sur la situation en catalogne après la victoire des partis indépendantistes aux élections du 21 décembre.
– Corsega, França, Occitania : la victòria dels « naciòs » en Corsega questiona l’estat francés centralisat. Quala es la situacion en Occitània?
– Istòria : retorn sus la batalha del « camin de las damas », cents ans aprep.
… et beaucoup d’autres articles, à découvrir!

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Catalogne / Espagne : le bras de fer continue

Jan 8, 2018

La victoire des partis indépendantistes aux dernières élections en Catalogne indique que rien n’est réglé. Le gouvernement Rajoy a une lourde responsabilité dans cette crise. Il n’a pas hésité à brandir l’article 155 de la Constitution pour suspendre l’autonomie. Il semblerait bien que le premier ministre, en hystérisant la crise catalane, soit en train de détruire l’ensemble de la société espagnole et aussi de fragiliser l’Europe. Les réactions des exécutifs européens ont été bien timides. L’économie espagnole ressent déjà le contrecoup de cette décision. Depuis quelques années, chaque demande d’autonomie ou d’avancée dans les statuts de la Generalitat de Catalunya a été rejetée par le gouvernement central. Une forme d’autisme qui a rendu le dialogue presque impossible et amène le renforcement du sentiment d’identité catalane. Celle-ci est légitime et s’ancre dans l’histoire de cette région depuis au moins le Xe siècle. La langue n’est pas un dialecte ni une sous-langue. C’est une langue romane qui a connu ses heures de gloire dès le Xe siècle, alors que le français balbutiait encore. Le référendum d’indépendance de la Catalogne a donné lieu à des publications « surprenantes » en France lorsqu’on connaît a minima les régionalismes et leur histoire. Je ne compte plus les publications à charge. Étonnant de voir des intellectuels accepter comme un seul homme l’argument un peu court que cette volonté d’indépendance ne serait dictée que par un égoïsme fiscal et économique. Que le référendum ne serait qu’une consultation illégale. Chez nous, la parole est donnée aux opposants au référendum mais jamais aux 600 auteurs de langue catalane qui ont signé un manifeste. En France, les Français semblent ignorer la Catalogne. Seule l’Espagne existe. Essentiellement comme lieu de villégiature pour nos vacances. Dans un pays de tradition jacobine, il est difficile de concevoir que les Corts catalanes existent depuis le XIIème siècle et qu’ils perdureront jusqu’au XVIIIème. La langue a survécu à la répression voulue par Franco. La structure régionale renaîtra plusieurs fois au XXème siècle et fonctionne normalement depuis les institutions mises en place en 1980 après la fin de la dictature franquiste en 1977. L’impasse actuelle vient de l’intransigeance de Madrid depuis 2010.

Revenons rapidement sur les événements récents
Depuis le 27 octobre, la Catalogne a proclamé son indépendance. Carles Puigdemont est en exil à Bruxelles alors qu’une partie des dirigeants catalans sont emprisonnés. C’est la conséquence du référendum du 1 octobre (90 % de oui avec 43 % de participation). Il a été fortement perturbé par le gouvernement central et a été jugé illégal par le tribunal constitutionnel espagnol basé à Madrid, alors qu’il est légal selon la loi catalane. Alors que la Constitution est l’argument central du gouvernement Rajoy contre le mouvement indépendantiste, nombre de commentateurs omettent de dire que cette même Constitution précise explicitement ceci : « La Constitution est fondée sur l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols. Elle reconnaît et garantit le droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui la composent et la solidarité entre elles. » Ce référendum avait été décidé le 6 septembre 2017. Le roi a parlé de trahison des responsables catalans. La crise est ancienne. En 2006, les parlements catalan et espagnol réussissent à s’accorder sur un nouveau statut d’autonomie de la Catalogne pour remplacer celui de 1980. Après quarante ans de dictature franquiste, ce dernier avait permis de rétablir la Généralité – nom de l’entité politique catalane – qui avait existé de 1932 à 1939. Mais en 2010, le Tribunal constitutionnel invalide 14 des 223 articles du nouveau statut. Au nom de « l’indissoluble unité » de l’Espagne, les juges refusent que l’expression de « nation catalane » y soit inscrite et que le catalan devienne la langue de référence de l’administration. Ce fut le début de la crispation. Après cette décision, vécue par beaucoup de Catalans comme une humiliation, les revendications pour un « droit à décider » se multiplient et l’idée d’un référendum s’impose dans l’opinion publique. Nous sommes donc au bout d’un processus qui n’est pas un égoïsme des élites catalanes, comme nous le disent les médias français.
La situation est préoccupante de manière générale en Espagne
Elpido Silva, ancien juge de la 9ème chambre d’instruction de Madrid, dénonce le « coup d’Etat » de Madrid et appelle à rien de moins que la dissolution du Partido Popular (PP) ainsi qu’à l’incarcération de ses dirigeants. Il explique que la dérive du pouvoir espagnol est telle que ce n’est pas la Catalogne, mais toute l’Espagne qui s’effrite, non pas sous les coups de boutoir des indépendantismes, mais du fait de la corruption. Le système ne tiendrait désormais plus que par le retour d’un autoritarisme d’un autre temps. Désormais avocat, puisqu’il dit avoir été forcé à renoncer à ses fonctions, il affirme que c’est le gouvernement de Mariano Rajoy qui est sorti de la légalité. Il précise que les élus catalans emprisonnés le sont sur des bases non motivées. Si Elpidio Silva a raison, l’Espagne est aux portes de la dictature. C’est pourquoi je m’étonne de l’unanimité de la presse. Il me revient à l’esprit une réflexion. L’unanimité invalide la sentence. Elle est le procédé des totalitarismes les plus fous. En France, le régionalisme a le tort de poser la question de l’identité. Débat difficile depuis que Nicolas Sarkozy a instrumentalisé cette thématique de la culture et des racines. La question est mal posée en France. Le problème n’est donc pas de savoir si la Catalogne est un pays, question qui ne peut agiter que ceux qui pensent l’Espagne avec seulement le modèle français en tête, mais – et c’est là une question ouverte – s’il est pertinent que ce pays s’incarne dans un État. Le problème présent est que, si on peut estimer de bon droit que la solution étatique n’est pas pertinente, il s’avère que l’assimilation permanente du nationalisme catalan à des régionalismes d’extrême-droite est une contre-vérité absolue.

L’économie catalane
Avec 16 % de la population, la Catalogne représente 20 % du PIB espagnol, au même niveau que Madrid. Elle est la quatrième région la plus riche d’Espagne derrière Madrid, le Pays basque et la Navarre, mais largement au-dessus de la moyenne espagnole (28 600 € de PIB par habitant contre 24 000 € en moyenne en Espagne). Le taux de chômage est 4 points inférieur à la moyenne nationale (13 % contre 17 %). C’est de très loin la région qui exporte le plus avec un tiers des ventes de marchandises à l’étranger et 50 % de l’activité à forte valeur ajoutée. Elle draine aussi 14 % des investissements étrangers, loin derrière Madrid (64 %), mais très loin devant toutes les autres régions. De nombreux grands groupes ont leur siège à Barcelone et la région bénéficie de grands pôles logistiques. La région est très dynamique. Des hôpitaux de pointe et des universités réputées (3 des 5 universités les mieux classées au classement de Shanghai sont catalanes) irriguent l’économie. La recherche y est forte (pharmacie, biosciences, etc.). La Catalogne est la première destination touristique avec 18 millions de visiteurs (un quart des étrangers). Barcelone et les plages de la Costa Brava expliquent ce succès. Son aéroport est le deuxième du pays (44 millions de passagers). Les Catalans considèrent que chaque année 8 % de leur PIB disparaît (16 milliards d’euros, alors que d’autres méthodologies donnent 10 milliards, soit 5 %). C’est un chiffre, systématiquement brandi par les séparatistes (mais contesté par certains économistes), qui correspond au « déficit fiscal » c’est-à-dire la différence entre ce que la Catalogne apporte au budget de l’État et ce qu’elle reçoit en échange. Un regard rapide sur le fonctionnement du notre voisin ibérique permet de voir que l’État ne joue pas son rôle. Il confond les intérêts de l’État avec ceux de Madrid et a une vision radiale et centraliste du pays. On peut citer pêle-mêle les millions d’euros engloutis dans des lignes de TGV désertes qui relient Madrid à toutes les villes de Castille, les aéroports vides et les autoroutes en faillite autour de la capitale espagnole. Les autoroutes sont gratuites, sauf en Catalogne, pourtant premier contributeur du pays. Ces infrastructures ne répondent à aucune logique économique et dans le même temps le couloir méditerranéen n’est pas achevé (une ligne ferroviaire de voyageurs et de marchandises entre le sud de l’Espagne et Barcelone, qui rejoindra ensuite le réseau français et européen via Perpignan).
Les Catalans vivent mal que leur dynamisme économique soit freiné par des infrastructures obsolètes quand dans le même temps des infrastructures sont construites en pure perte.

Les conséquences si le processus est conduit à son terme
Le débat fait rage entre les pro et anti-indépendance, qui basent souvent leurs chiffres sur des méthodologies et des hypothèses différentes. Selon le ministre espagnol de l’Économie, une Catalogne indépendante sortirait de l’Union européenne, son PIB chuterait de 25 à 30 % et le chômage doublerait. D’autres économistes, estimant au contraire que le nouvel État se maintiendrait dans l’UE, calculent que son PIB resterait à peu près stable à court terme et augmenterait de 7 % à long terme.
Cependant c’est toute l’Espagne qui est touchée puisque les autorités tablent sur une baisse de 60 % de la croissance prévue à cause de la crise. Le débat reste ouvert mais ce qui est sûr, c’est que la gestion de la crise et l’intransigeance de Madrid laisseront des traces profondes dans la société espagnole et notamment en Catalogne.
Loïc Steffan

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Bienvenue à la nouvelle République catalane !

Oct 31, 2017

Le Referendum du 1er octobre 2017 en Catalogne est inscrit dans l’Histoire par un SÍ massif à l’indépendance de la Catalogne mais plus encore par la victoire du peuple catalan et de ses institutions démocratiques. N’oublions pas que la Catalogne a été le premier pays d’Europe à mettre en place un régime parlementaire avec les Corts Catalanes que le décret de Nova planta a balayé lors de l’occupation par les Bourbons dès 1714.
Depuis le peuple catalan a réaffirmé son indépendance notamment lors de la proclamation de la République catalane en 1931 par Francesc Macià puis en 34 par Lluis Companys.
Aujourd’hui, après des années de propositions de négociations au gouvernement de Madrid qui n’a eu de cesse de les refuser et d’imposer de drastiques coupes dans le statut d’autonomie de la Catalogne, malgré la violence inénarrable des forces de police espagnoles, les Catalans ont clamé haut et fort leur volonté de vivre dans une République. Tous les républicains doivent s’en féliciter et célébrer l’apparition d’un nouvel état, républicain et laïque. Se détacher de l’état espagnol corrompu par les affaires, qui traine comme un boulet une monarchie obsolète, décorative et inutile est la seule réponse au gouvernement complètement sourd du Partido Popular et du PSOE. Les Républicains, les Démocrates, ne peuvent que se féliciter de cette nouvelle venue dans le concert des nations modernes.

Il faut déplorer la politique de Mariano Rajoy et de ses sbires, qui ont fermé la porte au dialogue et sont entrés dans une logique dictatoriale niant la liberté d’expression et d’association notamment en fermant les sites web, en saisissant du matériel de communication, en s’attaquant à des organisations politiques démocratiques, en instillant le mensonge, en instaurant un climat de peur et surtout en utilisant une force d’une brutalité inouïe. On a pu voir la Guàrdia civil et la Policia frapper des gens pacifiques qui ne demander qu’à exercer un droit de vote !

Le peuple catalan est sorti grandit de ces journées de lutte et en particulier de ce jour de vote. Tout était minutieusement préparé et elles se sont déroulées dans des conditions parfaites de transparence, de démocratie. Listes électorales, bulletins, urnes, etc, tout permettait d’assurer un référendum dans les règles d’une démocratie. Des observateurs étaient dans tous les bureaux de vote. La seule chose a déplorer est l’intervention des forces armées qui ont brisé des écoles, emporté quelques urnes et matraqué un peuple pacifique. Aujourd’hui, devant les images que la police espagnole a données d’elle-même c’est l’indignation générale dans la presse mondiale. C’est une condamnation sans appel du gouvernement de Mariano Rajoy. Il doit assumer ses décisions et démissionner. Quant au parti socialiste, comment peut-il soutenir le premier ministre ? Parce que c’est l’homme qu’il ont fait élire ? Ou parce qu’ils approuvent la politique répressive, sourde, aveugle qui consiste à frapper et à refuser le dialogue ? Dans les rangs des gens qui allaient pacifiquement voter le 1er octobre, de nombreux socialistes étaient présents mais je peux vous dire qu’ils ont choisi de ne plus manger de cette soupe là.
Il fallait les voir les Catalans ! Tout d’abord ces milliers de jeunes qui dès la veille au soir se sont installés pour dormir sur les lieux de vote, dans la rue, devant les locaux. Oui ce sont les jeunes qui défendent la démocratie. En Catalogne, la jeunesse est très investie. Puis on les a vus aider les gens les plus âgés ou handicapés à se déplacer, leur fournir un siège pour attendre de pouvoir enfin glisser un bulletin libérateur dans l’urne avec une émotion que de profonds souvenirs faisaient remonter. Il fallait les voir ces grands-mères porter qui à boire, qui à manger, dans les files interminables. Il fallait les voir, sur les visages, ces sourires de gens exaspérés par Madrid qui voulaient se débarrasser de vieux démons.
Ce premier octobre 2017, c’est un peuple digne, fier de sa culture, qui a affirmé au monde entier, sa volonté d’exister, de faire renaître une République, sa volonté d’être. Vive la République catalane !
Joan Thomàs

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Les 5 € d’APL : le petit bout de la lorgnette d’un vrai problème

Oct 31, 2017

Le mois dernier Macron a suscité un débat important en annonçant sa volonté de réduire de 5 € le montant des APL. Immédiatement les réactions ont fusé. Pourtant derrière ce détail il est une question importante. Le coût du logement est élevé en France. C’est le premier poste de dépense des ménages (22 % en moyenne). Cela a une incidence sur les conditions de vie des ménages les plus modestes, sur la compétitivité de la France. L’argent consacré au loyer impacte le pouvoir d’achat et le niveau des salaires.
Un état des lieux
Dressons un rapide portrait robot du marché et des problèmes qu’il rencontre. L’état injecte 40 milliards d’aides (accession à la propriété, APL, etc) et récolte 70 milliards en droit de mutation et diverses taxes. Il y a 35 millions de logement pour 28 millions de ménages. Suffisamment pourrait-on penser mais non. Il y a près de 4 millions de mal-logés en France. Les plus modestes (premier décile) y consacrent 55 % de leur revenu disponible contre à peine 12 % pour les plus aisés. Les 5 € d’APL du départ sont importants pour les plus modestes. Les prix immobiliers ont fortement augmenté ses dernières années. Si les propriétaires ont bénéficié d’un effet richesse, les locataires peinent de plus en plus.
Malgré le phénomène des logements vides qui tend à se développer, Il manquerait en fait 1 million de logements. Il manque surtout des logements sociaux. Le parc existant est de près de 5 millions de logement, pourtant 1,5 millions de demandes sont en attentes et 100 000 sont jugées très prioritaires. On peut aussi considérer qu’il est nécessaire de faire baisser les prix dans tout le parc locatif plutôt que chercher à compenser les défaillances du marché par le logement social.
Si on estime la durée de vie d’un bâtiment a environ 100 ans, il faut construire au moins 350 000 logements par an uniquement pour renouveler le parc. Les mises en chantier de 2016 étaient d’environ 376 000 nouveaux logements. Et à chaque fois qu’un retard s’accumule, il devient de plus en plus dur de contrer l’augmentation des loyers. Dans le même temps, le foncier disponible se réduit et se renchérit. En zone tendue une solution est donc de verticaliser c’est à dire de construire des étages et des immeubles. Il faut aussi arriver à réduire le coût des logements pour les plus modestes sans appauvrir les propriétaires.
On estime que les loyers sont 30 % plus cher en France comparativement à l’Allemagne. Cela pèse sur les plus fragiles, freine la consommation des autres produits, le niveau des salaires français, et donc plombe la compétitivité. Concrètement les prix de l’immobilier ont doublé voire triplé par endroit. Cela paraît formidable mais c’est in fine un handicap pour l’économie et les ménages.
Comment peut-on faire baiser les prix ?
Tout d’abord on pourrait baisser les 70 milliards de taxes et droits de mutation mais en cette période de difficulté on voit mal l’Etat se passer de recette. On peut aussi réfléchir à la pertinence des aides à la pierre qui coûtent cher pour un gain limité en terme d’accession à la propriété. La hausse des prix doit être combattue car elle est anti-redistributive. La répartition est inégalitaire. La hausse se concentre sur les régions déjà en tension. Elle renforce les exclusions. Elle est inefficace économiquement car elle éloigne certains travailleurs des zones d’emploi.
Il faut cependant être prudent car un dégonflement d’une bulle immobilière peu provoquer une crise importante comme au Japon par exemple. C’est donc un problème qui prend du temps à régler. Analysons rapidement les causes de la hausse. Un rapport du Conseil d’analyse économique identifie des causes liées à la demande (démographie, recomposition des ménages, accès au financement plus facile, demande étrangère dynamique, etc) et des facteurs d’offre (insuffisance des constructions, hausse du coût de la construction et du foncier).
Les solutions généralement admises consistent à modifier la gestion des plans locaux d’urbanisme pour mieux gérer le foncier disponible, à mieux gérer les bailleurs sociaux et surtout à équilibrer la taxation entre locataire et propriétaire et éviter la spéculation à la hausse. Il est aussi important de regarder les coûts à la construction et de rétablir de la concurrence.
En tout cas cette question mérite mieux que les prises de positions auxquelles on a assisté ces derniers jours.
L. S.

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Jeanne III d’Albret Reine de Navarre

Oct 31, 2017

C’était il y a 500 ans le 31 octobre 1517, le moine Luther placardait à Wittenberg en Saxe ses 95 thèses contre le trafic des indulgences pontificales. Ce fut la rupture définitive avec Rome, qui donna naissance à la R.P.R. (Religion Prétendue Réformée), c’est-à-dire au Protestantisme. La reine de Navarre Jeanne III d’Albret se convertira à la Réforme, qui se répandra dans tous ses domaines.

Un caractère bien trempé.

Jeanne d’Albret est la fille d’Henri II d’Albret roi de Navarre et de Marguerite d’Angoulême sœur du roi de France François 1er . Elle naît en 1528 à Saint Germain en Laye. Elle n’a que 13 ans quand son oncle François 1er décide de la marier au duc de Clèves. Malgré son jeune âge, elle tient tête au roi et le jour de la cérémonie il faudra, dit-on, la pousser physiquement à l’autel… mais à la requête de son père, ce mariage sera annulé par le pape Paul III.
De fait, en choisissant lui-même un mari à Jeanne d’Albret, François 1er voulait entre autres éviter que ses parents ne la marient à l’infant d’Espagne, le futur Philippe II fils de Charles Quint, ce qui aurait été fort inquiétant pour le roi de France vu la proximité des domaines d’Albret avec l’Espagne.
Il faut savoir que le roi de Navarre – et après lui la reine Jeanne- possède aussi, outre la Navarre et le Béarn, le comté de Foix, les territoires des Landes à l’Agenais et du Périgord à la vicomté de Limoges.
Alors après la mort de François 1er, c’est son fils le nouveau roi Henri II qui poursuit cette même politique, malgré l’hostilité des parents de Jeanne. Mais là c’est elle-même qui choisira son époux en la personne d’Antoine de Bourbon « premier prince du sang ». Le mariage sera célébré le 20 octobre 1548 à Moulins. Le jeune couple aura cinq enfants dont deux seulement survivront: une fille Catherine et surtout un garçon Henri, le futur Henri III de Navarre puis Henri IV de France.

Jeanne reine de Navarre… et des Huguenots

Après la mort de son père Henri II, elle monte sur le trône de Navarre le 25 janvier 1555, sous le nom de Jeanne III d’Albret. Il faut rappeler ici qu’en Occitania les femmes héritaient à égalité avec les hommes, votaient et étaient éligibles comme « Cap d’ostau » dans les vallées pyrénéennes notamment, et que ce droit leur fut retiré de fait par la législation masculine des Jacobins à la Révolution!
Par sa fermeté et son énergie, elle garantira l’indépendance de son royaume. Très tôt elle favorise l’implantation de la réforme protestante, mais elle ne rompt pas dans l’immédiat avec l’Eglise catholique. Ce n’est qu’en 1560 qu’elle franchit le pas définitivement à la cour de Nérac et se convertit au protestantisme de Calvin, dont elle fait la religion de son Etat (ordonnance du 19 juillet 1561)… tandis que son mari Antoine de Bourbon affiche plutôt ses sympathies pour le catholicisme…
Après la mort de ce dernier en 1562, elle prend une série de mesures en faveur de la Réforme en Béarn dont voici quelques exemples :
– Publication du catéchisme de Calvin en béarnais (1563);
– Fondation d’une académie protestante à Orthez (1566) ;
– Rédaction de nouvelles ordonnances ecclésiastiques (1566 ; 1571) ;
– Traduction du Psautier de Marot en béarnais, par Arnaud de Salette (1568) ;
– Traduction du Nouveau Testament en basque, par Jean Liçarrague (1571) …
Mais cette politique suscite une opposition telle de la part des Catholiques, que Jeanne d’Albret finit par leur interdire le culte et à expulser leur clergé en 1570.

Femme politique habile et déterminée

Entre temps (1568), Jeanne d’Albret qui a pris la tête du parti protestant doit soutenir ses partisans contre une coalition catholique durant la 3e guerre de religion qui se déroule au nord-ouest de l’Occitania. En compagnie de son fils Henri âgé de 15 ans, elle se rend à La Rochelle qu’elle administre elle-même en toutes choses, avec l’appui de Louis 1er de Condé et de l’amiral de Coligny pour les affaires militaires. En mars 1569 Condé est tué, elle tente de conserver le soutien des princes étrangers alliés. Grâce à l’énergie communicative de Jeanne d’Albret, le parti huguenot résiste.
Mais après la bataille de Moncontour, qui voit la défaite des protestants le 3 octobre 1569, elle est contrainte d’accepter une négociation avec le parti catholique français. Ce sera alors la « paix de Saint-Germain », où par son habileté politique elle réussira non seulement à conserver La Rochelle, mais de plus elle obtiendra d’autres places comme Montauban, Cognac et La Charité, même si Jeanne devra souvent protester contre la mauvaise application de ce traité.

Ensuite elle entamera de difficiles négociations à Paris, pour unir son fils Henri à Marguerite de Valois, fille de Catherine de Médicis. Le mariage est fixé au 18 août 1572, mais Jeanne III d’Albret meurt subitement le 9 juin et aujourd’hui encore les causes de ce décès ne sont pas clairement établies. Son fils devient le nouveau roi Henri III de Navarre. Et quelques jours après son mariage, c’est le massacre de la Saint-Barthélémy dont le futur Henri IV réchappera de justesse…

Les « Provinces Unies du Midi »

Les Protestants occitans s’organisent en communautés autonomes regroupées en synodes. Après les massacres de 1562 à Toulouse et ceux de 1572 lors de la Saint-Barthélemy qui font des centaines de victimes huguenotes, se constitue un Etat séparatiste fédéral, que des historiens appelleront les « Provinces-Unies du Midi ». La Rochelle, Montauban, Castres, Milhau, Nîmes, les Cévennes… se révoltent contre le roi de France.

En 1573 les Etats Généraux de l’Union créent un Gouvernement Général, dont la tête prend le nom de « Protecteur » ou « Général en Chef de l’Union », ce qui correspond au « Stathouder » hollandais. Henri de Condé en sera le premier titulaire, puis ce sera Henri de Montmorency-Damville et enfin Henri de Navarre.
Le « Protecteur » sera assisté d’un Conseil permanent formé de députés de chaque province membre de l’Union. Cette Assemblée Générale vote les lois et les impôts. De même, chaque ville adhérente, comme Montauban et Milhau, pourra s’ériger en une « république » communale avec deux assemblées élues et séparation des pouvoirs; celles-ci élisent les délégués pour siéger aux assemblées provinciales. C’est l’embryon d’un Etat fédéral, qui repose sur l’autonomie des pouvoirs locaux en appliquant le principe de subsidiarité.
« Une réussite totale de la politique méridionale après la Saint-Barthélemy aurait conduit les provinces du sud à des structures suisses ou néerlandaises », écrit alors un conseiller de la couronne. A noter que le terme « Huguenot » désignant les Protestants vient de l’allemand « Eidgenossen », qui veut dire « confédérés ».
Georges LABOUYSSE

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