N° 203 – Loi travail.

Mai 27, 2016

Réforme du Code du travail : qui croire ?
Deux tribunes aux titres évocateurs se sont succédées dans le journal le monde. « Le projet de loi El Khomri représente une avancée pour les plus fragiles » affirmait une groupe d’économistes à la suite de Jean Tirole. « La “loi travail” ne réduira pas le chômage » titrait une autre collectif regroupé autour de Thomas Piketty. Joli débat entre économistes, par tribunes interposées, mais qui croire ? Au lieu de de regarder le pédigrée des protagonistes ou leur proximité avec tel ou tel bord politique, nous allons essayer de développer, les points de convergence et de divergence et, surtout, nous interroger sur les éléments de preuve avancés par les deux « camps ».
La méthode des économistes
Les économistes conduisent des raisonnements à base de modèles et analysent ensuite ou conjointement des données. Les modèles aident l’économiste à forger des expériences de pensée. Ils peuvent être très utiles. Mais l’arbitre d’un débat, c’est le test empirique. L’adéquation des données disponibles aux modèles et leur remise en cause éventuelle. Les progrès considérables de l’informatique et des traitements des données permettent aujourd’hui des avancées majeures dans la compréhension des mécanismes économiques. Il sera alors peut être possible de sortir de l’idéologie encore trop présente dans cette discipline même si la neutralité axiologique est très difficile voire impossible à obtenir.

Le contexte actuel
Avec un jeune sur quatre au chômage, la situation est alarmante en France (21ème sur 28 en Europe). Les CDD représentent 90 % des embauches. Voulant s’inspirer de différents modèles de «flexisécurité », (dont le Danemark fut le pionnier), le gouvernement projette une refonte partielle du code du travail. Ce projet a déclenché une tempête de réactions syndicales et une pétition hostile qui dépasse le million de signataires. Analysons les effets de ces mesures.

Le paradoxe de la flexibilité de l’emploi
Selon le premier collectif d’économistes (Tirole, Aghion, Blanchard notamment), la réforme du code du travail proposée par Myriam El Khomri irait dans le bon sens. Comment ? En réduisant le coût et l’incertitude qui accompagnent les décisions de licenciement et d’embauche. Moins un licenciement est coûteux ou « difficile », plus un employeur sera incité à embaucher en CDI. Plusieurs études empiriques aux USA confirmeraient ce lien. Dans un environnement économique instable la demande dépend de la conjoncture, du changement technique ou de la compétition mondiale. La rigidité du contrat de travail nuit indéniablement à l’emploi des plus fragiles (les jeunes et les non diplômés). C’est le sens du soutien apporté par ces économistes. Le projet veut limiter la durée de la procédure de licenciement (le juge reste décisionnaire). Il donne aussi une définition précise du licenciement économique : une baisse des résultats plusieurs trimestres consécutifs. Les syndicats redoutent des fermetures de sites en France par des firmes multinationales pourtant prospères. De même, pour raccourcir la procédure aux prud’hommes, le projet propose un barème d’indemnisation (de 3 à 15 mois de salaires), en fonction de l’ancienneté du salarié licencié. Les syndicats y voient un dessaisissement de leurs compétences prud’homales et un affaiblissement de leur influence.

Le poids de la crise

Pour l’autre groupe d’économistes (Piketty, Askenasy, etc.), le chômage résulte de la politique macroéconomique qui a accompagnée la crise de 2007. Le taux de chômage est passé de 7 % à 10 %. la tentative de réduction rapide du déficit budgétaire a contracté la demande et l’emploi. A la suite de Bertola, Bassani ou Duval, ils affirment que les protections contre le licenciement conduisent à amortir les chocs, à la hausse comme à la baisse et qu’il n’y a pas de lien entre protection et chômage. Le mécanisme à l’œuvre est simple. Les coûts de licenciement conduisent les entreprises à gérer dans la durée la main-d’œuvre : moins de licenciements en période de crise, moins d’embauches en période de booms. Au final, l’analyse de l’ensemble des études empiriques disponibles penchent plutôt vers ce mécanisme.

Le référendum d’entreprise pour moduler la durée du travail
Une autre innovation est l’extension du referendum d’entreprise sur la durée du travail. On a vu l’Allemagne en 2009, touchée de plein fouet par la chute de ses exportations, absorber ce choc grâce à des accords « défensifs » de temps partiel. Cet exemple avait inspiré l’ANI de 2013 (Accord National Interprofessionnel de sécurisation de l’emploi). Aujourd’hui, le gouvernement veut des « accords offensifs » pour améliorer la compétitivité et l’emploi potentiel. Par exemple, le personnel pourra signer un accord de modulation des horaires à la demande de syndicats (représentant au minimum 30 % des voix aux élections professionnelles). Il devient possible de signer des accords au plan local qui dérogent aux accords de branche. La durée légale des 35 heures et les seuils de 48 et 60 heures dans certaines branches ne sont pas remises en cause, ni les bonifications des heures supplémentaires. Mais plusieurs syndicats dénoncent la possibilité d’un « chantage à l’emploi », et redoutent une perte de leur influence au plan national. Au contraire, selon la ministre du « Dialogue social », qui souhaite augmenter de 20% le crédit d’heures des délégués syndicaux, « il n’y aura pas de souplesse sans négociation. Le besoin de souplesse des entreprises les poussera à des accords qui seront équitables ». Elle souhaite aussi augmenter les moyens alloués aux syndicats. Le faible taux de syndicalisation de la France (7,7 %; une des plus faible de l’OCDE), semble lui donner raison.

Sécuriser les parcours professionnels
La création du compte personnel d’activité (CPA) à compter du 1/01/17 est le complément sécuritaire de la flexibilité. Un spécialiste du travail, interrogé par mes soins m’indique que celui-ci est pour l’instant une coquille vide mais une bonne idée. Il accompagnera le travailleur au long d’un parcours professionnel, dont on prévoit qu’il nécessitera de nombreuses adaptations. Ouvert à tous les statuts d’actifs (salariés, indépendants, demandeurs d’emploi) il sera mobilisable pour financer une formation, une création d’entreprise ou un bilan de compétence. Il donnera aussi droit à une formation qualifiante aux jeunes sortis de l’école sans diplômes ( 120 mille chaque année). Le projet soumet à la négociation collective obligatoire un « droit à la déconnexion » numérique pour combattre le « burn out » (épuisement professionnel). Enfin les entreprises de moins de 50 salariés, pourront mettre en place des conventions en « forfaits-jours » avec des travailleurs autonomes dans l’organisation de leur emploi du temps.

Limites de la flexisécurité et conditions du dialogue social
Spécialiste du droit du travail, Alain Supiot, du Collège de France, est favorable au compte personnel de formation mais critique une flexibilité « néo-libérale » et des accords d’entreprise « limitant la capacité de résistance » que les salariés tirent des conventions collectives négociées au niveau des branches. La flexisécurité n’est donc pas une panacée. Chaque pays a ses spécificités, peu transposables. Ainsi le Danemark allie une flexibilité totale des emplois (pas de CDI) à un niveau élevé d’allocations et d’accompagnement des chômeurs. A l’échelle de la France, selon Guillaume Duval d’Alternatives économiques, cela représenterait un doublement des sommes allouées avec un surcoût de 2,4 pts de PIB (53 milliards). En Grande Bretagne, la flexibilité l’emporte largement sur la sécurité, et génère trop d’emplois précaires. L’Allemagne promeut une dualité salariale avec un secteur industriel bien rémunéré et un secteur de services peu qualifié et sous payé. La Suède et la Finlande ont parié sur la formation et la qualification de toute une classe d’âge, là où nous excluons 20 % des jeunes. Finalement, le point commun des relatives réussites observées en Europe tient en une longue pratique du dialogue social. C’est le point faible de notre pays qu’il est urgent de débloquer. Il est toutefois à nuancer car même si le taux de syndicalisation est faible, le taux de couverture des accords est le plus élevé du monde ( 94%); le taux de participation aux élections professionnelles est comparativement très bon ( 50%).

Le contrat n’est pas la cause première
Les statistiques agrégées autour du chômage ne rendent pas compte de la segmentation du marché du travail qui concerne les jeunes et les travailleurs peu qualifiés. La comparaison avec les USA permet de voir que la spécificité française n’existe pas. Les chiffres sont identiques pour les non-qualifiés, dont le taux de chômage dans les deux pays est 1,5 fois supérieur à la moyenne.
Corrigés des particularités nationales, les chiffres français et américains redeviennent quasiment identiques, autour de 15 % des 15-29 ans dans les deux cas – mais cependant bien en deçà des 24 % observés en Espagne. Le mal est donc plus profond que le contrat de travail.

Chômage, mondialisation, robots
Même si la mondialisation aurait crée plus d’emplois qu’elle n’en a détruit dans nos économies avancées elle a pesé fortement sur les salaires et sur la précarité des plus fragiles les contraignants à accepter des conditions dégradées car concurrencés par les emplois « low cost » des pays émergeants. C’est à cet état de fait que s’attaque la loi El Khomri. Cependant, elle arrive bien trop tard. Elle a une mondialisation de retard. La baisse du coût du capital et les révolutions actuelles autour de l’intelligence artificielle et de la robotique induisent une « ubérisation » accélérée de la société. La moitié des emplois pourront être confiés assez facilement à des robots d’ici 15 ans. La marge de négociation des salariés sera encore réduite. Les protections contenues dans la loi ne seront d’aucune utilité et la différence et les inégalités entre les emplois créatifs très bien payés et la masse des emplois dégradés sera encore plus grande. Des questions essentielles se poseront alors: comment donner un revenu aux gens qui ne soit pas lié au travail? Comment occuper les gens? Au XIXe siècle déjà Sismondi, un philosophe, émettait l’hypothèse suivante: si l’homme est un jour remplacé par une machine, alors il devrait avoir droit à la moitié des gains engendrés par la machine qui l’a remplacé. C’est un schéma auquel nous devons aujourd’hui penser car il y aura des emplois créés, il seront dix fois moins nombreux que les emplois détruits.
Dépasser les clivages

Une politique efficace ne tient pas en quelques slogans. Il faut penser des politiques différenciées tenant compte des particularités de chaque catégorie de personnes vulnérables. Cela exige un travail de longue haleine dans le domaine de la formation notamment, une politique du logement qui favorise la mobilité et évite les ghettos, une politique de l’emploi qui lutte véritablement contre les discriminations à l’embauche, et plus généralement une politique visant à promouvoir la cohésion sociale et la réduction des inégalités et la prise en compte des évolutions technologiques.

Loïc STEFFAN

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N° 203 – Les vaches maigres

Mai 13, 2016

La crise agricole n’en finit pas de durer. Elle connaît des accès de fièvre souvent provoqués par la chute des cours. Mais il y a bien plus que cela : l’agriculture française, fierté nationale car la plus puissante en Europe ne cesse de décliner depuis plusieurs décennies. Essayons de décortiquer cette évolution afin de comprendre ce qui se cache derrière les actions musclées et spectaculaires de la FNSEA. Nous vous proposons également une interview (en occitan) d’un éleveur de canard au sujet de la grippe aviaire qui frappe de plein fouet le sacro saint secteur du foie gras, fleuron de l’agriculture occitane !
Comme je l’écrivais d’emblée la chute des cours met en difficulté un grand nombre d’exploitations agricoles. A titre d’exemple la tonne de blé qui se vendait 250 euros en 2013 est tombée à 190 euros en janvier 2015, pour plonger à 158 euros en janvier 2016 ! Suivant la même pente le prix du lait est descendu à 300 euros fin 2015 alors qu’il oscillait entre 350 et 400 euros sur les deux dernières années (pour mille litres). Le blé et le lait sont deux productions emblématiques et importantes pour un grand nombre d’agriculteurs, d’autres productions connaissent de grandes difficultés et on pense bien sur au porc. Cela dit, il convient aussi de relativiser, certains domaines limitent les dégâts : la viticulture (suivant les régions et les domaines), les productions labellisées, ceux qui se sont tournés vers l’agriculture biologique ou les circuits courts, voient les prix se maintenir. Un autre évènement conjoncturel dont on parle peu, compte pourtant énormément : l’embargo russe. La Russie a en effet décidé de stopper toutes les importations venant de l’Europe suite au conflit ukrainien. Cet embargo prive d’un très grand marché les producteurs européens et occitans en particulier (lait, légumes, fruits…). Il a aussi pour conséquence indirecte de renforcer la mise en concurrence de tous ceux qui fournissait auparavant la Russie.
A écouter les manifestants interrogés ici où là, on comprend que l’exaspération des paysans est aussi due au renforcement des contraintes administratives et techniques. La directive nitrates en est un exemple : la France en retard dans la lutte contre la pollution causée par les nitrates a du précipitamment imposer des règles plus sévères : équipements pour gérer et diminuer les rejets organiques des animaux, restriction des périodes d’épandages d’engrais, etc.… Beaucoup d’agriculteurs sont découragés par ces mesures qui leur ôtent une part de liberté et qui impactent aussi leur porte monnaie !
Mais ces évènements récents ne suffisent pas à expliquer le marasme agricole. Depuis les années 50 le nombre d’agriculteurs ne cesse de diminuer. L’industrialisation de l’agriculture a conduit à agrandir la taille moyenne des fermes qui sont devenues des « exploitations » ! Pour arriver à exploiter de plus en plus de surface les exploitants ont du investir de plus en plus et s’endetter jusqu’à un niveau jamais atteint par le passé. En réalité les « exploitants » sont devenus des « exploités » !
Le gouvernement a bien entendu essayé d’apporter des réponses ces derniers mois. On peut noter la prise en charge des intérêts d’emprunts pour les agriculteurs qui en feraient la demande, ou bien l’exonération des charges sociales. Le ministre de l’agriculture s’efforce aussi d’agir au niveau européen, mais il sera bien difficile d’obtenir des avancées rapides.
Pourtant plusieurs réponses devraient être étudiées, et il faudrait être capable de s’affranchir de l’orthodoxie libérale dans un domaine aussi important que l’alimentation et l’entretien du territoire. Par exemple il semble indispensable de fixer un prix minimum pour certains produits de base comme le blé ou le lait. Ce prix minimum protègerait les agriculteurs contre les variations aléatoires des cours, et leur garantirai un revenu minimum sur lequel ils pourraient se fier pour décider d’investir ou pas. En complément de cette mesure prioritaire, une politique ambitieuse pour la ruralité viserait à faciliter l’installation de jeunes agriculteurs, inciterai davantage à développer des systèmes liant polyculture et élevage ainsi que la coopération entre agriculteurs notamment en ce qui concerne l’achat de matériel. De plus, si l’entretien du territoire et la lutte contre la pollution est une évidence, il est anormal d’en faire payer la facture aux agriculteurs. Il serait bien plus logique de créer une taxe spécifique sur les productions de produits tels les pesticides et phytosanitaires, et d’utiliser les produits de cette taxe pour rémunérer les agriculteurs lorsqu’ils mettent en place de nouvelles installations, ou de nouvelles techniques permettant de préserver l’environnement. Enfin le bon sens devrait nous pousser à s’inspirer ce qui marche : les circuits courts, la vente directe ont fait leur preuve ! Les pouvoirs publics devraient aider leur développement, par exemple en subventionnant le lancement de « drive fermiers » !
Hugues Jourde le 10/03/2016
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Benvenguts !

Juil 17, 2014

Adissiatz a totes,

 

Bienvenu-e-s sur le nouveau site de l’A.D.E. O. et d’Occitania-Lo Cebier !

 

Depuis plusieurs mois, nous souhaitions proposer un accès plus large aux articles, publications et articles de l’ADEO. Il s’agissait d’une demande de plusieurs lecteurs, d’une volonté de notre équipe, mais aussi d’un devoir envers tous nos auteurs-contributeurs.

Ce site contient donc les archives en ligne des quatre dernières années de publication de la revue Occitania et du Cebier, qui ont fusionné au début de l’année. Les articles sont classés par thématiques qui apparaissent en haut de cette page. Il sera très prochainement possible d’effectuer une recherche dans l’onglet à droite (paramétrages en cours…).

Les anciens numéros des revues sont accessibles librement, en téléchargement sur cette page.

Régulièrement, ce site s’alimentera d‘articles et d’éléments relatifs aux publications proposées par l’ADEO (extraits de la revue Occitania-Lo Cebier), mais s’ouvrira aussi à toute contribution alimentant le débat ou en relation avec l’actualité.

Nous avons toutefois fait le choix de maintenir notre modèle économique avant tout basé sur l‘impression papier : ce site sera donc un complément de nos publications. Il sera cependant bientôt possible de vous abonner en ligne, ou bien d’effectuer une commande à partir de notre catalogue via un compte PayPal.

Et parce que nous avons souhaité maintenir notre ouverture à tous, il vous est aussi proposé de nous soumettre directement une contribution pour une éventuelle publication.

Enfin, vous retrouverez dans le menu en haut de page l’histoire de l’ADEO, son organisation, ses missions et les enjeux qui motivent nos actions depuis plus de 20 ans.

Plus que jamais,

avec l’ADEO et Occitania-Lo Cebier,

PARTAGEONS UN AUTRE REGARD SUR L’INFO !

Bona visita !

La còla de l’ADEO

L’équipe de l’ADEO.

 

 

 

 

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N°193 – Les nouvelles guerres de Hollande ou la géopolitique d’un Big Bang…

Juil 9, 2014

Discrédité après 38 ans de règne, le roi d’Espagnevient d’abdiquer.

Discrédité après 2 ans de règne, le roi de France vient d’édicter un nouveau « big bang territorial ».

Non, il ne s’a git pas de transformer la 5ème République centralisée en république fédérale.

L’objectif se dit d’abord « économique » car, chez ces socialistes, l’économie est devenue l’alfa et l’oméga de la politique et qu’il faut bien appâter l’opinion… Mais l’objectif est surtout « unitaire ».

Manuel Valls le rappelle le 3 juin 2014 : « L’essentiel est de réduire le nombre de régions pour rendre nos régions plus fortes, plus compétitives », dit-il. Il y aura des « régions plus fortes sur le plan économique mais avec des moyens supplémentaires, avec toujours une idée [.. .] l’unité du pays, l’unité de la Nation », « la cohésion de la Nation, de la République », ajoute-t-il.

Et si l’on regarde bien la carte on voit que loin de « donner du pouvoir aux régions », il s’agit de « couper les ailes aux régions ».

Couper les ailes aux régions

Depuis 1982, un certain nombre de régions avaient commencé à acquérir une certaine légitimité. Des sondages montraient que certaines populations affichaient de plus en plus une « identité régionale ». Bretagne, Alsace, Corse, Aquitaine, Auvergne, Limousin, Midi-Pyrénées, Provence, Picardie…

Quelques « barons régionaux », à l’Association des Régions de France commençaient à parler de « nains politiques » et à se comparer à leurs collègues européens…

Valls le « Catalan », féru d’unitarisme français, n’ignore pas, de par ses origines, que ça commence par une fierté régionale et 30 ans après, on réclame un référendum d’autodétermination…

Hollande, successeur des 40 rois qui ont fait la France, assume l’héritage et veut en b on père de famille le faire fructifier.

Méprisé en Europe, le pouvoir de Paris va taper du poing sur la table et montrer une fois de plus que « charbonnier est maître chez lui ».

Le BIG-BANG va donc consister à raboter toutes ces vélléités régionalistes en rebattant les cartes pour donner 30 ans de vie supplémentaires au centralisme français.

Regardons la carte

Pour les Alsaciens, on les mélange avec les Lorrains. Les Picards avec les Champenois. On laisse les Bretons dans leurs 4 départements. Le cinquième coincé dans les Pays de Loire. Réclamer la réunification, ça les occupera. Pour les Corses, pas de risque de contamination, ils sont assez loin du « continent ». La question occitane, non réglée depuis le 12ème siècle et sporadiquement en révolte contre Paris, est celle qui, malgré les apparences, remet le plus en cause l’État français. C’est pourquoi le traitement sera le plus sévère : l’écartèlement.

L’écartèlement des Occitans

À Rhône-Alpes , on donnera l’Auvergne qui rejoindra ainsi la Drôme et l’Ardèche et quelques communes occitanes d’Isère.

On regroupera les Languedociens : rien de tel qu’une bonne rivalité Montpellier-Toulouse pour empêcher la renaissance d’un « pouvoir toulousain » anéanti il y a 800 ans au prix de multiples massacres et bûchers… Croisade contre les Albigeois, la première guerre moderne.

Ne pas renforcer l’Aquitaine, trop proche de l’Espagne et de ses Basques nationalistes qui, question économie, font trop rêver au nord de l’Adour. Qu’elle reste isolée.

Finalement , le Limousin qui avait coûté à la France, une guerre de 100 ans et toujours prêt à « résister » sous des apparences soumises. Rappelez6vous Georges Guingouin, Lo Grand… Le Limousin sera noyé entre Poitou-Charentes et Centre, région garantie 100% Oïl, dans la plus grande région en superficie, mitoyenne avec l’Île de France. On recréera à travers le Centre et le Poitou-Charentes, les chemins de l’invasion franque et capétienne. Par où tout avait commencé pour la petite France en expansion, au temps glorieux des rois chevaliers…

C’est dans cet te vaste « région » de Chartres à Barbezieux que se joue l’avenir de la réforme territoriale. Là se trouve la clé de voûte de tout le système. Une nouvelle « réforme territoriale » « avec toujours une idée […] l’unité du pays, l’unité de la Nation », « la cohésion de la Nation, de la République » »…

Jan Urroz (4/06/2014)

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N°193 – Un nouveau colonialisme

Juil 9, 2014

À l’heure actuelle, un combat est prioritaire ! La presse en parle par effet de contagion ces dernières semaines, mais depuis de longs mois la lutte est engagée pour informer et dénoncer, sans que cela soit parvenu encore aux oreilles de l’opinion…

Il s’agit bien sûr des négociations pour le “ traité de libre échange transatlantique ”, menées entre les USA et l’Union Européenne. Ce serait le pouvoir total des multinationales et des entreprises américaines fac e à l’Europe (au nom de la libre concurrence), la fin de l’État de Droit (même s’il est formel, il existe encore en Europe…) remplacé par “l’arbitrage” (préparé déjà par le hold-up de Sarkozy et Christine Lagarde au profit de Bernard Tapie…), bref le suicide programmé de l’Europe au profit de quelques-uns…

En France, UMP et PS sont main dans la main face à ce grand spectacle et Hollande a signé un chèque en blanc aux négociateurs. Pour clore le dispositif, le secret est exigé de tous les rouages de l’administration (mais le texte intégral du projet est disponible*).

Quel cinéma !

Fac e aux Américains comme face à l’OMC ou au FMI, l’État français exulte : “ Nous avons sauvé l’essentiel, nous avons fait admettre l’exception française en sortant la culture de tous les dispositifs…”

Qu’en est-il ? La “culture” n’est nullement “sauvée” ou démarchandisée : la seule chose qui préoccupe nos politiques, c’est la seule niche culturelle où sont les gros sous : l’industrie cinématographique.

Ce qu’il faut à toute force sauver — au prix de l’abandon de tout le reste et pour servir de paravent à tout le reste —, c’est “ le cinéma français”. Or cette production, qui est dans sa grande majorité d’une nullité petite-bourgeoise et parisienne, comédies saumâtres ou études de moeurs dignes des romans de gare (les “vrais films”, très peu aidés, ressortissent, eux, des circuits d’art et d’essai), cette production donc, entretient dans les esprits le mauvais goût franchouillard, et grand bien nous ferait à tous qu’elle se collette au marché purement et simplement, sans les aides très importantes que l’État et les investisseurs lui allouent, tandis que le reste de la production culturelle, à part quelques îlots de prestige, est sinistré.

La participation publique (État et collectivités locales) aux créations vivantes et décentralisées, ET à la culture occitane, ne peuvent voir le jour qu’avec une redéfinition complète des priorités.

Le “démontage” (comme il y a eu le démontage du Mac Do) de la prétendue “exception française” liée au centralisme et à l’enrichissement d’une caste d’amuseurs (d’un certain cinéma jusqu’à la téléréalité) au détriment de tous les acteurs culturels , devient une urgence.

Mobiliser les opinions publiques

De son côté, la Commission Européenne, sous la direct ion lamentable de Manuel Barroso, a érigé en principe cet te servilité “transatlantique”, de même qu’elle fait pression auprès des États pour un hyper-laxisme fiscal concernant les géants (américains…) de l’Internet. Quoi faire pour que les opinions publiques se mobilisent ?…

Expliquer que notre combat (qui bientôt sera très large) contre le Traité de libre-échange transatlantique, va de pair avec le “démontage” et une reconstruction complétement différente de “l’exception française” (et expliquer ça ne sera pas du tout cuit…), voilà un enjeu très actuel…

 

Jean-Pierre Cazot

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* Nota :
On peut se procurer le texte du projet “Le Grand Marché Transatlantique” :
Éditions de l’Humanité, en partenariat avec le Groupe Confédéral de la Gauche unitaire européenne et la Gauche verte nordique du Parlement Européen.
À commander à : Ed. de l ‘Huma ni té , 5 r ue Pl eyel, immeuble Calliope, 93528 Saint Denis Cedex.
Prix : 8 € franco de port.

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N°193 – Un Ofici per ua politica publica en favor de l’occitan

Juil 9, 2014

Un eveniment bèl : la creacionde l’Of ici Public de la Lenga Occi tana qu’ei estada votada peus conselhs regionaus d’Aquitània e de Miègjorn-Pirenèus

Las a ssembladas de las duas r egions Aquitània e Mièg jorn- Pirenèus qu’an adoptat a la fin deu mes de junh las deliberacions qui permeten de crear un Gropament d’Interès Public, un GIP, aperat Ofici Public de la Lenga Occitana.

Qu’ei un eveniment e que cau gausar díser qu’ei tanben la prumèra pèira d’un projècte demandat desempuish longtemps per l’occitanisme politic o culturau.
Vertat ei, la causa non portava pas aqueth nom en las demandas militantas mes que s’i parlava de crear un organisme interregionau de politica lingüistica o, deu costat deu Part it Occitan, d’un Conselh Interregionau de la Lenga Occitana.
De tota faiçon, çò qui ei es tat votat, a l’unanimitat en Aquitània e dab sonque duas abstencions en Miègjorn-Pirenèus, qu’ei la creacion d’un organisme public, alimentat dab moneda publica, qui serà encargat de definir ua politica ling üist ica publica en f avor de l’occitan.
Lo Partit Occitan que pòt har vàler l’engatjament deus son elegits qui an tribalhat pendent tres ans a aqueth ahar. Qu’avem sabut obtiéner lo sostien deus nostes collègas e tanben federar, a l’entorn deu projècte, d’autas regions qui an dit la lor intencion d’arribar per los mes qui vienen en l’Ofici. Qu’ei lo cas de la Region Lemosin e de Ròse-Aups e tanben de Lengadòc-Rosselhon, quitament se aquesta region espèra que l’Estat e sia eth tanben a l’entorn de la taula entà préner part au tribalh comun.
Que demora donc adara a har v iéner l’Estat en a queth Ofic i Public de la Lenga Occitana. Perqué ? Pr’amor l’Estat que deu aver ua polit ica en favor de la lenga noste e préner las soas responsabilitats.
Per l’òra qu’a ua politica minimalista e per çò qu’ei de l’ensenhament qu’a ua polit ica esclatada, inegau tanben, enter las diferentas academias.
L’objectiu de l’Ofici qu’ei d’arribar a har que las regions e l’Estat, amassas, agin ua vision de l’occitan com un sol objècte e non pas com un objècte qui seré de tractar diferentament segon los cas. Lo resultat d’aqueth esclatament que’u coneishem : que son territòris sancèrs qui n’an pas nada accion publica en favor de la lenga, o quasi.

Quantas regions ?

Daubuns que’s demandaràn perqué totas las regions non son pas implicadas enqüèra. Vertat ei que Provença non sembla pas decidida a tribalhar de faiçon collaborativa. Qu’ei la posicion d’un president de region, empatalicat en lo s on s os tien a un pr ovençalisme herotjament anti occitanista. Qu’ei ua empacha per avançar, peu moment.
En Auvèrnha totun que i a avançadas, devudas tanben au tribalh d’un deus nostes elegits. La region qu’ei a negociar ua convencion dab l’Educacion Nacionau e qu’a decidit d’integrar lo prumèr nivèu de tribalh interregionau qui ei la Carta Interregionala de Cooperacion e de Desvolopament de l’Occitan. Aquesta que permet regularament a las regions de’s concertar sus las lors accions e de las coordonar un minimum. Segurament que bèth dia Auvernha e en seguida Provença seràn aperadas a s’interroga r sus la lor par ticipa cion a l’Ofici Public.

Qué cambiarà dab l’Ofici ?

Prumèr que serà un organisme public qui serà un interlocutor entà totas la s autas collect ivitats e tanben l’Estat. Que poderà prepausar a las comunas, aglomeracions, departaments e metropòlis de participar a ua politica lingüistica publica. Que poderà tanben estar un interlocutor de l’Euròpa e de las inst itucions qui, hòra de l’Estat franc és , an ua responsab ilitat pertocant la lenga occitana.
Que serà tanben un interlocutor deu monde associatiu entà l’ajudar a tribalhar miélher de faiçon interregionau e tanben entà l’ajudar a bastir los projèctes qui deven perméter de sortir de la degradacion regulara de la situacion lingüistica.
L’Ofici Public de la Lenga Occitana qu’a per mira de méter en plaç a los mejans de cr ea r las aisinas qui ajudaràn a har créisher lo nombre de locutors.

Amb la collaboracion deus diferents actors

Tot aquò – e los exemples qui coneishem en lo monde qu’ac pròvan – que’s poderà har sonque dens la collaboracion deus diferents actors.
Lo tribalh realizat peus oficis en País Basco e en Bretanha que hèn véder la pertinéncia de la causa. Solide, lo cas occitan qu’ei particular ; qu’ei un espaci territoriau hòrt mei important e ua demografia hòra nòrma. Qu’ei tanben ua lenga latina dab especificitats per çò qu’ei de la cultura, de la fragilitat o de la soliditat deus sons locutors. Tot aquò que serà a préner en compte. E evidentament lo monde associatiu serà consultat, associat, sollicitat pr’amor de la soa experiéncia e de las soas competéncias.

Quin foncionarà l’Ofici Public ?

Qu’aurà ua amassada generau e un Conselh d’Administracion compausats d’elegits nomats per las regions qui seràn sòcias. Se l’Estat vien, qu’aurà tanben los sons representants. Que i aurà un burèu dab un president e lo tribalh au quotidian que serà hèit per ua equipa de permanents.
La s c ollect ivitats autas qui s eràn interessadas, que poderàn passar acòrds convencionaus dab l’OPLO e pa rt icipar au triba lh comun. Que permeterà a l’OPLO de mutualizar finançaments e d’aviar de faiçon comuna operacions qui, còps que i a, son pagadas dus o tres còps o qui non saben pas tirar profieit de las experiéncias d’aqueths qui son en avança sus tau o tau question.
Las associacions e autes organismes qui tribalhan en favor de l’occitan que seràn dens un comita t consultatiu qui serà sollicitat regularament per l’OPLO.
Lo foncionament de l’Ofici non pesarà pas sus las ajudas qui son distribuïdas au dia de uei a las associacions. Clarament l’Ofici non pomparà pa s en los budgets en favor de la lenga entà assegurar lo son foncionament.
Enfin, l’OPLO qu’aurà ua vocacion especificament de politica lingüistica. Que vòu díser que deishar à tot çò que pertòca a la cultura e a la creacion. Se l’OPLO se pòt mesclar d’ajudar a l’existéncia d’ua ràdio o d’ua television en occitan n’a pas a jutjar de l’ajuda qui cau portar a tau o tau creator. La qualitat d’un filme, d’ua pèça de teatre, d’ua òbra literària qu’ei independenta deu hèit que sia en occitan. La linha redaccionau d’un mèdia n’a pas a estar jutjada per un Ofici de la lenga.
Ua politica lingüist ica publica qu’a per objectiu de crear las condicions a l’existéncia d’ua creacion en occitan, de li perméter d’aver las a judas qui son acordadas a tota c reac ion, d’entr ar dens lo dret comun. D’aver la competéncia entà definir ua politica lingüistica non balha pas competéncias artisticas. Lo teatre deu estar jutjat com teatre, lo cinèma com cinèma, la literatura com literatura.
Non vòu pas díser que non cau pas t iéner compte de la situacion s oc iolingüist ica expecifica, tròp s ovent a l’origina d’ua dis criminacion ; ua politica lingüistica qu’ei justament perméter a ua lenga d’aver las condicions normaus de participar a la creacion artistica e culturau.

Ua etapa navèra

Vertat ei, uns occ itanistas qu’arcuelhen dab prudéncia la creacion d’aqueth OPLO. Mes l’occitanisme, qui a reclamat en divèrsas manifestacions la mesa en plaça d’ua politica publica en favor de l’occitan e ua politica interregionau, que deu préner aquò com ua etapa navèra, lo resultat d’un combat e la mesa en plaça d’una institucion qui, per la soa existéncia pròpia, pr òv a que lo messatge comença de pas sar : los occitans qu’an la responsabilitat de la lor lenga.

E quan assembladas d’elegits regionaus occi tans vòtan en favor de la creacion d’un tau organisme, que vòu díser que començam de préner un camin diferent deu camin de l’indiferéncia o deu mesprètz qui avem tantes còps denonciat e combatut.

David Grosclaude
Guilhèm Latrubesse

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N°193 – Jean Jaurès, le grand témoin

Juil 9, 2014

C’était il y a 100 ans : 1914. Les origines d’un conflit généralisé

“Au travers de cette crise de délire européen, la révolution jai l lira de toute part d’un bout à l ‘autre de l’Europe”
Jean Jaurès (16 juin 1913)

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25 mai 2014 : date historique, disent certains, après le score du FN aux élections européennes, un parti qui prône la destruction de l’Union Européenne, pour en revenir à la bonne vieille Europe des Etats nationalistes du XXème siècle, qui a compté plus de cent  millions de victimes.

31 juillet 1914 : assassinat de Jean Jaurès, qui a lutté durant des années pour éviter l’explosion de cette même Europe et qui sera le  premier mort d’un conflit européen d’abord, généralisé au monde entier ensuite.

 

Au bal du meurtre et de la folie

Durant près de 30 ans, Jaurès commentera quotidiennement dans « La Dépêche de Toulouse », dans  » L ‘ H u m a n i t é « , dans la « Revue de l’enseignement Primaire », les événements liés aux rivalités coloniales des États européens, qui engendreront des conflits sanglants avec un point d’orgue : une confrontation généra le de tous ces États pour satisfaire leurs propres intérêts financiers et coloniaux en même temps que leur orgueil nationaliste.

Le 1er décembre 1912 déjà, il devine 14-18 avec ses conséquences et parle des femmes devant la g uerre :  » Est -ce que toutes les femmes de l’Europe ne vont pas élever contre le crime une protestation émouvante? […] Des millions d’hommes seront aux champs de carnage. Contre la menace meurtrière des bombes, contre l’horreur des maladies pestilentielles , ils ne seront pas soutenus par la force d’une idée, par la grandeur d’une cause. Et des millions de femmes, restées au foyer plus qu’à demiéteint, souffriront toutes les tortures morales et physiques. Elles ne parviendront pas à comprendre pourquoi on les supplicie et bientôt dans d’innombrables familles ouvrières privées de leur chef, la misère et la faim s’ installeront . Est-ce qu’on s’imagine que ces millions de pauvres femmes subiront inertes et passives cette épreuve insensée? […] Au travers de cette crise de délire européen la révolution jaillira de toute part d’un bout à l’autre de l’Europe. Elle jaillira des colossales armées menées à l’abattoir par la Folie. Elle jaillira du coeur innombrable et souffrant des femmes torturées dans leur âme et dans leur chair, outragées dans leur raison et dans leur coeur par l’absurdité d’un sacrifice sans objet. Vraiment, sir Winston Churchill a raison de dire que cette cris e ne laissera debout en Europe aucune institution.[…] Demain on poussera des millions d’hommes […] au bal du meurtre et de la folie. »

C’est la lumière qu’on chicane

À plusieurs reprises, Jaurès a montré que les désordres européens des années 10 résultent de la violat ion par la France des accords internationaux comme celui d’Algésiras pour le Maroc, qui avait été arbitré par des pays européens. Et c’est alors la course au vol de territoires, que Jaurès dénonce dans La Dépêche du 6 octobre 1912 :  » L ‘ é t é dernier, toute l’Europe s’est demandé si elle n’étszfitreait pas à la veille de la guerre à propos du Maroc. Cet été, elle se demande si les affaires des Balkans ne vont pas déchaîner un conflit européen. La guerre éclaterat-elle entre les quatre puissances balkaniques de la Turquie ? Si elle éclate, parviendra-t-on à la localiser ? Les intérêts ou tout au moins les ambitions de l’Autriche et de la Russie s’opposent. Le jour où le canon gronderait dans la Péninsule, il serait difficile aux Autrichiens et aux Russes de ne pas intervenir […]. Quelle Europe barbare ! […] C’est un océan fangeux et qui n’a pas de rivage. Ah ! vous êtes allé au Maroc ! Je vais en Tripolitaine. Ah ! vous êtes allée en Tripolitaine, vous, Italie, moi Monténégro, moi Serbie, moi Bulgarie, moi Grèce, je ne vise que la Turquie. À moi, la Macédoine ! À moi l’Albanie ! À moi les îles de l’Archipel ! Où cela s’arrêtera-t-il ?

Après l’orient de l’Europe, c’est l’Asie, c’est la Chine, c’est la Perse, c’est le Tibet, c’est la Mongolie, ce sont les archipels océaniens, ce sont les colonies africaines du Portugal qui fourniront matière à combinai sons, à voleries compensées, à brigandage circulant, à virements et échanges de violence et de mensonge. Et dans cet abîme sans fond s’engloutiront les ressources, l’honneur vrai, la conscience des peuples. Et les dépenses stériles croîtront. Et la cherté de la vie deviendra intolérable. Et l’inévitable révolution sociale qui se serait développée dans le calme, selon les méthodes de la démocratie progressive, sera livrée à toutes les forces sauvages de l’instinct déchaîné. […] Ce n’est pas par des habiletés diplomatiques surannées qu’on atténuera ce mal immense. […] C’est en inaugurant un droit international nouveau. […]

Mais que les vues des gouvernants sont courtes ! C’est précisément à l’heure où l’immense désordre international oblige toutes les consciences à s’ interroger .. . [ .. .] que la République gouvernementale de France interdit aux instituteurs de comprendre les temps nouveaux. Elle veut les réduire à balbutier quelques exclamations dénuées de sens ou à répéter mécaniquement quelques formules rédigées dans les bureaux de la rue de Grenelle par quelques fonctionnaires fatigués. Les nuées s’amoncellent et c’est la lumière qu’on chicane. »

L’Europe énervée

La situation s’aggrave dans toute l’Europe en 1914. Le 5 juillet Jaurès écrit dans La Dépêche :  » Qu’on se figure ce que serait l’Europe si demain, dans cette Europe saturée de forces explosive s, la guerre générale éclatait. Les guerres de nationalité, les guerres de race, les guerres sociales se mêleraient dans la plus farouche tempête de fer e t de feu qui soit passé e sur le monde. La force brutale est arrivée à une sorte d’impasse historique Elle ne peut plus résoudre les problèmes. […] Des méthodes nouvelles 23 s’imposent à l’Europe si elle ne veut pas sombrer un jour prochain dans l’universelle barbarie. »

Il poursuit le 22 juillet: « Le monde, dans les quatre dernières années, a dépensé pour la guerre ou la préparation à la guerre, cent milliards. Cent milliards, c’est-à-dire de quoi traiter merveilleusement l’aménagement de la planète et les oeuvres de justice sociale. Partout, les budgets sont tendus jusqu’à la limite de rupture. Partout, les impôts sont écrasants, et voici que la France, obligée de faire face à un déficit de milliards, se demande avec angoisse si sa force de production ne fléchira pas sous le fardeau.

Il accuse le 25 juillet à Vaise les gouvernements d’Europe:  » [ . . . ] Lorsque nous avons dit que pénétrer par la force, par l es armes au Maroc, c’était ouvrir à l’Europe l’ère des ambitions, des convoitises et des conflits, on nous a dénoncés comme de mauvais Français et c’est nous qui avions le souci de la France. […] La politique coloniale de la France, la politique sournoise de la Russie et la volonté brutale de l’Autriche ont contribué à créer l’état de choses horrible où nous sommes. L’Europe se débat comme dans un cauchemar. » Il poursuit le 30 juillet dans La Dépêche: « […]L’Europe a oublié les dix ans de compétitions, d’intrigues, d’abus de la force, de mauvaise foi internationale qui ont grossi l ‘abcès. Elle a oublié le Maroc, la Tripolitaine, les horreurs balkaniques, les imprudences de la Serbie. Elle a oublié même que l’annexion de la Bosnie-Herzégovine, qui est à l’origine du conflit actuel, a é té préparée par l’accord de l’Autriche-Hongrie et de la sainte Russie slave. […] »

Le 29 juillet Jaurès rencontre à Bruxelles les dirigeants des partis socialistes d’Europe : il convoque pour le 9 août à Paris un congrès de l’Inter nationale socialiste pour barrer la route à l’internationale guerrière. Mais on n’attendra pas que les peuples réfléchissent et décrètent une grève générale en Europe : le 31 juillet Jaurès est assassiné et la guerre sera vite déclarée dès le 2 août 1914 ; l’Europe sombrera dans le chaos en entraînant le monde entier. Tout ce qu’avait redouté Jaurès va dès lors se réaliser…

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Mais où est l’Europe ?

Dans tous ses articles, Jaurès mettra l’accent sur la nécessité de résoudre les différends entre les nations par une diplomatie à ciel ouvert et par le recours systématique à un arbitrage. Il souhaite tout naturellement que l’Europe dans son ensemble soit cet arbitre, pour que notre continent ne soit plus cet te terre gorgée de sang humain depuis l’Antiquité…

Il écrit dans l ‘ H u m a n i t é du 16 juin 1913 à propos du conflit des États balkaniques: « […] Il est vrai qu’il aurait mieux valu pour tous, pour les États balkaniques, pour l’Autriche, pour la Russie et pour l’Europe elle-même, que ce fût l’Europe tout entière qui fût arbitre. Mais où est l’Europe ? […]

La même question se pose avec autant d’acuité aujourd’hui. Cent ans après la mort de Jaurès, nous sommes bien loin d’une Europe des peuples et des régions solidaires…

Georges Labouysse

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N°193 – Aimar coma lo Guilhèm…

Juil 9, 2014

Guilhèm de Cabestanh a i m è tla dòna per amor e ne cantava e fasiá d’ela sas cançons. E la dòna qu’èra jove, genta, bèla e p l a s e n t a li voliá ben mai qu’a res del monde. »

Al país dels Trobadors e de la fin’amor, ont aimar se ditz tanben voler ben a l’aimat, cal rapelar que s èm faits per aimar e èsser aimats ? E qu’aquí seriá la clau del bonur ?

Mas l’istòria de l’aimable Guilhèm e de l’aimadissa Seremonda s ‘acaba dins la mòrt pels aimadors…

S’agradar, s’enamorar, s’aimar de còr pòdon menar los amoroses a se volontar, enfin a se voler (en maridatge).

Mas vejatz qu’es tanben possible de se desaimar, de se desenamorar , de se desagradar e fin finala, d’aimar qualqu’un coma una pèira dins lo sabaton !

Aquí, ne sèm pas als potons !Agachatz encara la riquesa del vocabulari : far l’amor, amorejar, cortejar, fringar.

Preferir se ditz aimar mai/melhor, estimar mai. E causiretz la preposicion de per aimar de dire, de far, etc…

Aimar los parents e los ajudar : pairejar.

Aimar la mamà e li rendre servici : mairejar.

S’amorosir, s’afolastrir, se cofar de , an de connotacions mai negativas.

E aquel “catàs [que] se faguèt d’una mirga” : vesètz lo tablèu ? Enfin, doblidetz pas que se aimar embòrnia, eissòrba, per contra qui aima plan estàlvia pas los còps !

Lo Bernat

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N°193 – Oliviers et olives

Juil 9, 2014

Dans un courrier adressé au monde de l’oléiculture, Josiane Ubaud demande que se prenne en compte cette règle simple pour la désignation des oliviers et des olives :
– les noms de l’arbre sont masculins
– les noms d’olives sont féminins.

Elle écrit ainsi :

Ceux qui n’ont pas perdu la langue, les dictionnaires et les textes d’auteurs en langue d’oc, font tous la distinct ion élémentaire
olivier au masculin/olive au féminin : c’est cela la référence parce que c’est le fonctionnement de la langue d’oc.

Par exemple, on peut lire dans le dictionnaire de F. Mistral à l’entrée selounen, enco adj et n : « ouli vo se lounenco, variété d’olive, petite, allong ée, (e tc. ) ; óulivié selounen, olivier qui porte l’olive selounenco. ». Et à l’entrée pigau, alo adj et n : « olivier qui porte l’olive pigalo ». Et à l’entrée aglandau, alo adj : « óulivié aglandau, variété d’olivier dont le fruit est en forme de gland ». On ne peut être plus clair.

Même en l’absence des deux données dans un dictionnaire (car ils sont incomplets et que chaque entrée n’est pas forcément illustrée par un exemple au masculin plus un exemple au féminin), on déduit l’une de l’autre par simple bon sens et logique.

On trouve pareillement des citations à profusion chez les auteurs de langue d’oc où tous les oliviers sont désignés au masculin et toutes  les olives forcément au féminin : « Ah ! li bèlli vergello d’óulivo verdalo ! oh ! li bèu bouquet di couliasso ! E li boutihenco, li fachouiro, li reialo, li redounalo e li vermeialo, agachas-li, amiras coume n’en plòu… » (Baptiste Bonnet, 19/20ème), c’est-à-dire  verdale, colliasse, bouteillenque, fachouire, royale, redounale, vermeillale, toutes au féminins puisque l’auteur parle d’olives et non d’oliviers.
Rappelons donc cette évidence puisqu’elle semble échapper à la profession : les variétés d’oliviers ne peuvent être nommées QUE par
des noms masculins, les variétés d’olives QUE par des noms féminins, puisque l’olivier est du genre masculin et l’olive du genre
féminin (en occitan comme en français).

Ce qui donne (sur quelques exemples limités) les correspondances logiques : Oliviers en occitan ; adaptés en français ; Olives ; adaptées en français

Pigau/Pigal ; Pigau/Pigal ; Pigala ; Pigale
Aglandau/Aglandal ; Aglandau/Aglandal ; Aglandala ; Aglandale
Verdau/Verdal ; Verdau/Verdal ; Verdala ; Verdale
Menudau/Menudal ; Ménudau/Ménudal ; Menudala ; Ménudale
Corniau/Cornial ; Corniau/Cornial ; Corniala ; Courniale/Corniale
Grossan ; Grossan ; Grossana ; Grossane
Botelhan ; Bouteillan ; Botelhana ; Bouteillane
Botinhan ; Boutignan ; Botinhana ; Boutignane
Calhetier ; Cailletier ; Calheta ; Caillette
Selonenc ; Sélounenc/Salonais ; Selonenca ; Sélounenque/Salonaise
Negret ; Négret ; Negreta ; Négrette
Roget ; Rouget ; Rogeta ; Rougette
Berruguet ; Berruguet ; Berrugueta ; Berruguette
Provençalet ; Provençalet ; Provençaleta ; Provençalette
Negron ; Négron ; Negrona ; Négronne
Calhon ; Caillon/Cailloun ; Calhona ; Caillone/Cailloune
Marselhés ; Marseillais ; Marselhesa ; Marseillaise
Tripard ; Tripard ; Triparda ; Triparde
Picholin ; Picholin ; Picholina ; Pichouline/Picholine
Luquier ou Lucal ; Lucquier ; Luca ; Lucques

 

Josiana Ubaud

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N°193 – Du côté de Fronsac

Juil 9, 2014

Château de la Rivière,Fronsac

Le Château de la Rivière, c’est d’abord un cadre architectural somptueux qui domine la vallée, jouissant d’une vue magnifique et dominante sur la région. James Grégoire en fit l’acquisition en 2003 et avec l’aide de Xavier Buffo le directeur technique et Claude Gros, l’oenologue conseil de la propriété, il s’est évertué à y faire le meilleur vin possible.

Ce domaine a défrayé la chronique il y a peu. De la terrasse du château, on pouvait voir l’hélicoptère qui s’est écrasé dans la Dordogne avec à son bord le nouveau propriétaire et l’ancien, James Grégoire ayant vendu le Château à un investisseur chinois.

Le renouveau d’un vignoble

Au-delà de ce triste fait, Le Château La Rivière incarne le renouveau du vignoble de Fronsac, avec le vois in Château La Dauphine et plus encore avec le Château de Carles. Fronsac a souvent été considéré comme la belle endormie du bordelais avec des terroirs parmi les meilleurs de la région, assez comparables à ceux de Saint-Émilion très proche. Mais sans doute, ni l’image, ni les moyens mis en oeuvre ne laissaient penser que l’on pouvait faire ici de très grands vins de Bordeaux.

Le Château de la Rivière abrite 8 hectares de carrières de calcaire qui donnent des galeries idéales pour l’élevage des vins.

Les cuvées

La Cuvée Château de la Rivière est composée globalement (quelques changements selon les années) de 85 % de merlot, de 5 à 10 % de cabernet sauvignon, le solde étant composé de cabernet franc et de malbec. L’élevage est effectué en barriques neuves pour 40 % du parc pendant une durée de 15 mois.

La cuvée Aria, quant à elle, issue de la parcelle la plus qualitative du domaine, est composée de merlot à 75 % et des deux cabernets à parité. L’élevage est réalisé en barriques neuves à 80 % pendant 18 mois.

Les millésimes du Château de la Rivière sont une belle lecture de ce qui s’est passé à Bordeaux Rive Droite. 2007 à boire, 2008, dans la fraîcheur mais avec des tannins un peu sévères, 2009, solaire et de ce point de vue, j’ai préféré la cuvée La Rivière à Aria, à mon avis un peu démesurée. 2010 convainc bien davantage encore, avec une cuvée Château de très belle facture, et une cuvée Aria assez éblouissante. On sent bien aussi une progression millésime après millésime dans les vins de ce domaine, à l’instar de ce qui se passe à Fronsac. La belle endormie Du côté de Fronsac s’est réveillée.

 

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Château de la Rivière 2009

La robe sombre, presque noire, donne la mesure de ce millésime dès l’examen visuel. Le nez est opulent, ouvert, richement boisé, avec un joli toasté et des fruits rouges à profusion. Des notes de moka sont bien présentes. La texture en bouche est très soyeuse, le vin est volumineux, solaire, mais parfaitement équilibré : une bien belle bouteille au bel équilibre. Il fait l’unanimité par son charme.

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Château de la Rivière 2010

La robe est très sombre et le nez se manifeste par un boisé plus en retrait que celui du vin précédent et des notes aromatiques dominées par le cassis. La réglisse reste en constante. Ce vin en bouche laisse admirer sa belle structure ferme, des tanins juteux et mûrs. C’est un vin prometteur qui cependant demandera du temps pour s’apprécier pleinement : très prometteur.

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Aria 2009

La robe est presque noire, saturée, impressionnante. Des notes boisées et épicées jaillissent du verre : fruits surmûris, caramel, clou de girofle. En bouche le vin possède un volume très important, un fruit plus que généreux, presque trop pour mon goût et une sensation d’alcool est bien présente en finale. L’équilibre de ce vin est clairement sudiste, un peu décalé par rapport à ce que l’on attend sur la Rive droite bordelaise.

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Aria 2010

La robe est toujours très impressionnante. Le nez est superbe de distinction : cassis, bois noble, cèdre. Le vin possède une superbe bouche ample, soyeuse à l’attaque. Puis la structure s’affirme dans une belle vigueur, c’est un vin tendu malgré la puissance, possédant des tannins superbement extra its. La longueur est très importante et laisse admirer l’équilibre impeccable de cette future grande bouteille. J’ai beaucoup aimé.

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