L’Occitanie rurale et même urbaine ne s’est jamais remise des cinq années de massacres successifs des années 1914 et suivantes car aux tués en masse,aux estropiés hurlant sur leurs grabats,aux gueules cassées sans avenir,aux enfermés psychiatriques et dissimulés, à ceux qui sombrent dans l’ alcool,il faut ajouter le départ et la migration de jeunes gens n’ étant plus disposés à subir la desséchante loi du patriarcat agricole.

Beaucoup de survivants prennent le chemin des grandes villes, ma is aus si des c olonies ,de l’étrang er ,des a dministra tions laissant un milieu à l’ abandon .

La misère hideuse de la guerre et les c hangements opérés dans notre s ociété da tent l’ entrée dans le siècle

Avant toute commémoration

L’année prochaine, nous allons assister au déferlement éditorial visant à commémorer le centenaire de ces années d’ enfer, ces temps de retour à la préhistoire d’une Europe qui dès lors ne pourra plus invoquer sa civilisation, sa supériorité technique,son humanité face aux colonisés qui eux aussi ont pataug é dans la détress e et la morbidité. On peut avancer que nous allons a voir droit à l’ encensement des chefs de l’ armée française et autres impotents galonnés de la stratégie.

L’ impression en poche du livre de J.Y. Le Naour aux éditions Vendémiaire La légende noire des soldats du Midi ( 8 €. Diffusion PUF ) va faire grincer des dents ici ou là.En 19 14 , le ca rnet B qui devait permettre les arrestations de pacifistes,anarchistes … ne servit pas : socialistes, syndicalistes, lib ertaires des deux côtés de la frontière germano – française furent aussi ardents que l’ extrême – droite pour pous ser au massac re des millions de jeunes gens, de fils, de pères et de maris, le nationalisme se parant de toutes les couleurs, les idéologies, les appartenances minoritaires n’ ont pesé en rien face au drapeau tricolore, en Occitanie, Bretagne, Corse ou ailleurs

La France est proport ionnellement l’État qui a le plus mobilisé (autour de huit millions d’ hommes) et tous les départements accueillent a vec s érénité une mobilisat ion guerrière que l’ on savait depuis long-temps imminente. Le Catalan Joffre,adepte des charges napoléoniennes, envoie malgré les admonestat ions de son chef Castelnau (Occitan qui plus tard animera l’extrême – droite catholique ) ses troupes à la poursuite d’ Allemands qui en Lorraine se replient tactiquement dès le 7 a oût 1 914 en la issant Mulhouse pour at tir er l’ennemi dans une nasse.

Le 21, les s oldats au pantalon rouge qui s’ étonnent de passer entre des barres de hausse d’ artillerie sont écrasés par une armée allemande qui a fortifié le lieu depuis quarante ans : c’ est un carnage pour le XXe de Nancy,le XVe de Marseille,le XVIe de Montpellier,10 00 0 hommes tombent à Morhange,la retra ite lamentable amène à l’ invasion de l’Hexagone. Joffre doit trouver un coupable à l’ effondrement de son minable plan et son incapacité qui provoquent un bain de sang : ce ne peut être les fils de la Lorraine revancharde, ce sont les légers Provençaux qui ont lâ ché ! Ce s ont des lâ ches ! .

La résistance des artilleurs de Nîmes et des fantassins du Rhône n’ y fait rien.Le ministre de la guerre,le très c ara ctériel Mes simy c harg e le sénateur Gervais d’ écrire dans les colonnes du journal Le Matin u n article dans ce sens.

L »Union Sacrée  est mise à mal et la désignation de tous ceux qui sont Méridionaux, de Bordeaux à la Provence, à la vindicte des sous- officiers et officiers de la Francie va soulever le coeur de l’opinion qui parle occitan et porte en français son accent.

Clémenceau le fusilleur,alors s énateur du Var,en rajoute dans l’ accusation ! La haine du Midi est une construction patiente Le grand mérite de c e liv re consiste à remonter la généalogie du mépris et de la haine envers le Midi : c’ est le soleil qui anime ces Gascons,Provençaux inconsistants et les pouss e à leurs tr avers et tares brutales et bestiales.

Corneille, Montesquieu s’invitent à l’ ethnotype,Louis XIV écras e les Camisards et surveille la Provence, plus tard le girondisme occitan pousse au désir de massacre venu de la Convention (on débapt is e Marseille et tombe ses monuments en 1794 ! Il est proposé une déporta tion de ses ha bitants et une transfusion d’hommes du Nord ! ) .

Napoléon qui connaît l’ esprit de fronde provençal,Victòr Hugo qui en 1848 soutient les massacres des ouv riers,ne sont pas en reste ; Michelet en r ajoute (la vr aie France, celle du Nord), Alexandre Dumas,le sinistre Taine (une autre rac e : mé lange de singe …) ,s’ y ajoute le F i g a r o de 1 864 qui at ta que la langue inférieure,la traque des langues minoritaires par la III e République ( 1881 et 1882 ) infecte la plaie. Alphonse Daudet se rajoute à la cohorte par sa tartarinade infecte. L

e Méridional devient le polichinelle national doté d’un accent ridicule d’ ascendance juive et arabe, Déroulède parle de Français de France : les des cendants des Francs et non ceux des Wisigoths,qui promettent au pilon tricolorisant Frédéric Mistral (mort en 1914 ), prix Nobel qui répondpar l’ antagonisme de race irréductible.

A noter que des jeunes félibres lèveront leur verre à la mort de Messimy et Gervais. Occitans et Juifs J.Y. Le Naour ra pproche la haine du Méridional et celle du Juif quant à leur « colonisa tion » invoquée du monde polit ique et gouvernemental via le parti radical notamment.Gob ineau en 18 52 avance que Languedoc et Provence sont sémitisées et arabisées (repris par Michelet dans son Histoire de France qui avance que la noblesse qui résiste à la conquête du XIII ième siècle ne peut avoir que ce type d’ origines ).

Il ne manquait plus que Drumont l’ ant isémite obsessionnel vers 1886 et ses amis qui soulignent l’ avancée du péril juif et méridional de concert . Lutter contre le Méridional c’ est s’ opposer au Juif, ils sentent l’ ail tous deux …

Rusés, menteurs, faux, métis, profiteurs, tous ces adjectifs les rassemblent.Partout le parallèle s’ établit entre la couleur du teint, les traits, l’ accent qui n’ est pas celui du français, le refus du travail productif, la fausseté, l’ esprit de résistance à la francisation.La latinité cha rrie toutes les s cories inaptes à la civilisation septentrionale . La révolte de mas se des vignerons de 1907 réarme le fusil. Le fait que les préfets embauchent des traducteur s de l’occitan au f rança is, l’appel à l’ autonomie d’Ernest Ferroul maire socialiste de Na rbonne (Gober nèm- nos !) , l a référence à la lutte irlandaise par c ertains r elancent la haine.Les fraudeurs et sucriers du Nord sont dénoncés par les chefs du mouvement qui termine dans le sang et l’occupation militaire.

Le Midi ne peut qu’ être anarchie et doit être 15 dirigé ca r incapab le de s’administrer, d’ ailleurs toutes les idées avancées y trouvent terre de prédilection. Des bagarres éclatent au front entre régiments des deux origines (mentionnées aussi dans le livre de l’Audois Louis Bar thas ),il faut cantonner séparément.Un officier ira jusqu’ à faire fusiller injustement un Provençal de Six Fours et un Corse (réhabilités plus tard avec les exc us es pr és identielles ).Le poète Appolinaire emploie le terme de salops pour les Marseillais … on en passe. Éclate alors l’ affaire des bistrots marseillais dans lesquels il est interdit de servir des soldats dès 1916 … En 1919, il est relevé que les mut ins de la Mer Noire (soldats français envoyés contre les b olchéviques ) sont Méridionaux, avec la crasse,la paresse,la couardise qui les singularisent. Les autorités polit iques ont essayé de laver l’ honneur et ceci tardivement,Messimy à l’ origine de la légende noire sera battu à l’appel des réseaux anciens combattants à l’ Assemblée et … retrouvera une place confortable au Sénat. Joffre s era honoré, y compris par des régionalistes !

Et, dès 1938, l’antisémite Céline en rajoute en se surpassant,lui le c ollabora t ionnis te de 19 42 qui évoque les Narb onoïdes dégénér és , félib res gâteux,par as ites a ra biques … l’infect mélange négrifié … Alexis Carrel prix Nobel 1912 de médecine et eugéniste mentionne les races inférieures des régions méridionales.Judaïsme et occitanité vont de pair dans l’ exécration . En conclusion l’ auteur de ce livre de cent soixante pages clôt le débat à l’aune des militants de l’Occitanie . Chacun t irera ici l’apport de cet ouvrage quant aux nationalismes d’ Etat sans oublier l’ horreur de ces années terrifiantes.

Il faut la porter pour récuser ceux qui veulent saper la construction européenne et celle d’ un mouvement occitan en faisant oublier ce que vécurent nos anciens et pourquoi.França soi mòrt a tas guerras : Rocroy,Verdun e Rivoli Que l’ histoire nous serve de leç on en c es pér iodes a ctuelles troublées lourdes de haines et d’ exclusives. Pour, entr’ autres, ma petite – fille de Ma rs eille qui compte beaucoup d’ anciens combattants, survivants, tués, estropiés, dans sa généalogie.

J.F. Saïsset .

Pour réagir : info[a]adeo-oc.eu